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Pour un PACS département-région

Institutions

Régions et départements peuvent désormais fusionner. Certains ont déjà entrepris de le faire, d'autres préfèrent engager une coordination de l'action de leurs services. Mais avant de se lancer dans ces opérations longues et complexes, des synergies sont à développer dans plusieurs domaines, pour le plus grand profit des finances locales et des politiques publiques.

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La Lettre du Cadre Territorial numéro 432 (15 novembre 2011)

Un article de M Bruno Acar, M Marc Bourgeois

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Le rapprochement entre le département et la région, axe essentiel de la réforme territoriale et des débats qu'elle suscite, pose la question de l'évolution future des services des deux collectivités. À cet égard, deux logiques doivent être distinguées : la fusion des services des deux collectivités ou leur collaboration.


La fusion des services des deux collectivités

C'est la problématique aujourd'hui de la Guyane et de la Martinique lesquelles, suite à un référendum en 2010, sont engagées dans un processus de création d'une collectivité unique fusionnant tant les instances délibérantes que les services du département et de la région.

Les deux lois du 27 juillet 2011 donnent le top départ de cette fusion qui se concrétisera suite aux élections territoriales de mars 2014. Il sera passionnant d'observer la dynamique qui en résultera, dans la phase préparatoire où la gestion des RH et la concertation vont constituer des facteurs déterminants de la réussite de la mise en œuvre initiale le jour J, mais aussi dans les mois qui suivront, où se mettront en place des synergies et des optimisations des politiques publiques plus ou moins ambitieuses. Des sujets comme l'organisation territoriale ou l'articulation entre l'économique et le social devront à l'évidence être traités, au-delà de l'inévitable rationalisation des services fonctionnels.

Ce processus de fusion est aussi ouvert par l'article 29 de la loi du 16 décembre 2010. Le conseil régional d'Alsace s'est prononcé début 2011 pour aller dans cette voie qui, si elle aboutit en lien avec la création d'une métropole à Strasbourg (au sens de l'art 12), pourrait bien préfigurer l'architecture territoriale de demain... Mais le chemin s'annonce visiblement difficile, un tel projet ne pouvant être conduit à la hussarde et sans une médiation avisée !


La coordination de l'action des services

La loi du 16 décembre 2010 (Chap. I) a créé le conseiller territorial qui se substituera au conseiller général et au conseiller régional et fera le lien entre les deux collectivités, les administrations du département et de la région restant distinctes et autonomes (sauf art 29). Les modalités de leur coopération seront précisées dans le cadre d'un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services (art 75) à élaborer dans les 6 mois suivant les élections de 2014 et au sujet duquel M. de Perretti s'est vu confié un rapport début 2011, laissant présager que des actions pourraient être conduites sans attendre l'échéance de 2014.

Trop souvent, la principale question posée est de savoir si le regroupement département-région via le conseiller territorial se traduira par la mise sous tutelle du département ou par la cantonalisation de la région. Il serait temps de dépasser ce débat existentiel pour identifier précisément les domaines dans lesquels des synergies et complémentarités permettraient de renforcer les deux collectivités sans remettre en cause leur spécificité.


Des synergies à développer

L'enjeu sous-tendu d'optimisation des politiques locales face à la crise des finances publiques vaut certainement la peine d'être cerné, comme les DGS et DGA des régions et départements l'ont fort bien souligné lors de leur colloque du 24 mai dernier. (Cf. actes sur site de l'ANDGDGARD).

Le couple département-région est nouveau dans notre histoire institutionnelle : les compétences partagées avec l'État pour la région et le partenariat avec les communes pour le département constituent la base de travail naturelle pour chacune des deux collectivités. Départements et régions ont besoin d'apprendre à se connaître avant de s'engager dans une démarche contractuelle ou de se voir imposer un mariage forcé.
Plusieurs questions nous paraissent de nature à ouvrir des pistes prometteuses pour avancer vers une réelle synergie.

- L'organisation de la réflexion stratégique
L'opposition entre un niveau stratégique réservé à la région et un échelon opérationnel de proximité, le département, est trop schématique. En revanche, le rapprochement entre département/région pourrait conduire à une nouvelle articulation entre le « penser global » et « agir local » spécifiques à chaque problématique mais pensés de façon cohérente.

- La territorialisation des services
Plus des deux tiers des personnels du conseil général, notamment dans le domaine des routes, des collèges et du social, travaillent sur les territoires alors que le fonctionnement de la région repose sur une organisation, pour l'essentiel, centralisée au siège (en dehors des agents des lycées au demeurant souvent fort éloignés et isolés). La région pourrait utilement s'adosser au réseau de proximité des départements pour l'exercice des compétences régionales nécessitant un appui ou une animation locale. Une telle évolution, politiquement sensible car elle touche aux relations avec les partenaires et les usagers, suppose que la lisibilité de l'action régionale soit garantie, ce qui ne paraît pas insurmontable.

- La gestion des aides et allocations individuelles à la personne
Si le département a traditionnellement la responsabilité de nombreuses aides individuelles à vocation sociale (RMI-RSA, APA, PCH...), la région a récemment reçu des compétences du même type pour les jeunes engagés dans une démarche de formation professionnelle. Les deux collectivités pourraient utilement harmoniser les modalités de gestion de ces dispositifs qui ont pour point commun de s'adresser à des publics précaires très dépendants de ces concours financiers.

- L'organisation de la maîtrise d'ouvrage et de l'ingénierie en matière d'infrastructures et de constructions publiques
Le département dispose d'un réseau de services techniques propres important, alors que la région est plus souvent sur une logique d'externalisation. Il pourrait être intéressant d'étudier les mises en synergie possibles en fonction de la nature des différents projets.

- Les aides au secteur associatif
Tant la région que le département soutiennent les associations sportives, culturelles, sociales ou à vocation touristique par des subventions qui bénéficient souvent aux mêmes structures. Une intervention conjointe permettrait, en amont, d'harmoniser les critères de financement et de simplifier les dossiers pour les demandeurs et, en aval, de mieux suivre les actions financées, comme cela est préconisé pour les aides aux communes.

- La gestion des personnels
Tant les régions que les départements s'efforcent de fédérer leurs agents dont les métiers et les filières sont hétérogènes autour d'une identité commune. Sans doute faut-il aujourd'hui voir plus loin en développant une culture partagée aux deux niveaux : favoriser les mobilités entre les agents du département et de la région, mettre en place une gestion des ressources humaines à la fois globale et plus proche des intéressés et bâtir un tronc commun de plan de formation, seraient autant d'éléments facilitant la compréhension mutuelle.


Volonté politique obligatoire

Le PACS région-département ne sera possible que s'il est l'aboutissement d'un chemin partagé et que s'il n'est pas vécu comme l'extension aveugle de la révision générale des politiques publiques (RGPP) de l'État.
Il serait illusoire d'imaginer que pourrait avancer de façon autonome une réflexion menée entre techniciens sur les modalités  les plus rationnelles d'une mutualisation des services et un projet politique concrétisant la volonté des élus des deux collectivités  de travailler ensemble : celle-ci est une condition préalable et indispensable  à toute évolution.
Le pari de la loi du 16 décembre 2010 est de considérer que cette volonté politique sera consubstantielle du conseiller territorial. Notre analyse est que, conseiller territorial  ou pas, il est utile d'explorer les voies d'une mise en synergie entre la région et les départements qui la composent, dans un objectif d'optimisation et de lisibilité des politiques publiques locales. Pourquoi attendre 2014 ?