Lettre Culture

Lettre d'information du réseau culture

Edito

. (10/03/2016)

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Alors que l'Agence Culturelle d'Alsace va organiser les 12 et 13 octobre prochains les premières rencontres nationales des agences territoriales, nous venons d'apprendre coup sur coup l'arrêt de l'activité de plusieurs de ces agences : l'Adiam de Corrèze, Itinéraire Bis dans les Côtes d'Armor, Culture 0 Centre en région Centre. Ces arrêts s'inscrivent dans une suite de fermetures d'agences territoriales qui se développe depuis quelques années, un peu partout en France (dans le Morbihan, en Ile et Vilaine, dans la Haute Garonne, dans l'ancienne région Nord Pas de calais, dans les Vosges...). Dans mon comptage il existe aujourd'hui vingt cinq agences départementales (pour 45 en 2010), une douzaine d'agences régionales et neuf missions voix en région.

Les raisons politiques sont évoquées en premier mais ces fermetures sont souvent économiques et budgétaires. Il en est ainsi de la situation d'Itinéraire Bis dans les Côtes d'Armor. La fin du subventionnement départemental a été annoncée le 8 février dernier lors du débat d'orientation budgétaire 2016 du Conseil Départemental.

Oui, c'est souvent la raison économique qui est mise en avant. Mais cette explication cache en fait les véritables causes de ces décisions de fermeture.

Nous ne sommes plus dans la période où la gestion de fait pouvait être à l'origine de ces décisions. Cette cause juridique a souvent été réglée dans les années 2000 par les services juridiques des collectivités territoriales disposant d'un opérateur culturel associatif.

Nous ne sommes plus non plus dans une période où l'Etat, par son retrait de certaines agences, donnait le signe d'un désengagement. Cela fait longtemps que les directeurs des ADIAM, ADDM et autre ADDA ne sont plus les délégués départementaux à la musique dont les postes étaient financés par l'Etat. C'est même une histoire ancienne.

Nous ne sommes donc plus dans la période des années 80-90 qui a vu fleurir bon nombre d'agences départementales et régionales, « fers de lance », « bras armés », mais aussi « satellites mortels » des politiques culturelles de ces collectivités territoriales.

Ces agences ont précédé, accompagné, développé ces politiques culturelles en tous points: par l'observation (des finances publiques des collectivités territoriales en 2010 ou lors des états des lieux des enseignements artistiques), par le soutien à la diffusion artistique (avec des logiques d'accompagnement en complément de prix et en action culturelle), par de l'accompagnement, en particulier de l'enseignement artistique spécialisé ou de l'éducation artistique et culturelle (dans les schémas départementaux par exemple, ou dans le développement culturel en milieu rural), par de la transversalité avec d'autres secteurs (sur des filières ou des écosystèmes économiques, dans le lien avec les politiques sociales, touristiques, de santé...), etc.


Qu'elles soient régionales ou départementales ces agences ont su pendant trente à quarante ans (c'est l'âge de l'Agence Culturelle d'Alsace) s'adapter aux évolutions de leurs territoires et s'organiser nationalement face aux mutations des politiques publiques de la culture.

Alors, en plus de la raison économique déjà évoquée, quelles sont les causes de ces fermetures ? Au regard de mon expérience professionnelle (ancien directeur d'une agence départementale) et de mon observation professionnelle (j'ai mené un état des lieux sur les agences départementales en 2010), j'en perçois trois essentielles :

La première est liée à la création même de ces agences. Ces structures souvent associatives s'inscrivent comme toute personne morale dans des cycles de vies, qui vont de la naissance à la mort. Certaines échappent à cette fin par des fusions avec d'autres opérateurs. D'autres mènent un travail de fonds sur le terrain qui s'inscrit petit à petit dans la reconduction puis dans la formalisation qui devient alors politiques publiques de la collectivité territoriale. Elles touchent alors aux limites de leur action et de leur autonomie. On en a vu ainsi qui géraient à part entière la politique culturelle de la collectivité territoriale jusqu'à gérer les subventions publiques...

La deuxième s'inscrit dans les mutations en cours des politiques publiques de la culture. Nous sommes dans une période intégrative. Les régions et les départements ont perdu leur clause de compétence générale. Ils sont en train de préparer différemment la mise en œuvre de la compétence culture partagée de la loi NOTRe. Les régions vont appuyer de plus en plus leur politique culturelle sur leur politique économique et les départements sur leurs compétences « obligatoires » sociales, éducatives et culturelles (lecture publique, enseignements artistiques et archives). Avoir un opérateur associatif parapublic n'est plus le seul levier possible pour accompagner ces mutations. La collectivité peut le faire à partir de ces services, mais aussi le confier par voie de délégations (DSP ou convention d'objectifs et de moyens) à un organisme qui ne lui est pas dédié. Seules les agences qui ont une forte implication dans ces secteurs paraissent pouvoir jouer leur carte, par exemple les agences régionales de soutien à la diffusion artistique ou celles qui ont une forte implication sur les questions de filières économiques.

La troisième raison de ces arrêts est plus politique. La reprise en main par des exécutifs (plutôt à droite) de ces opérateurs associatifs, marque aussi la fin d'un modèle de gestion des politiques culturelles, voire, et c'est là le plus inquiétant, la fin de certaines politiques publiques de la culture des régions et des départements. La brutalité de certaines décisions, le refus de discussions ni même d'échanges préalables à ces décisions sont les indicateurs d'une absence d'évaluation de ces agences territoriales et des projets qu'elles ont menés. C'est un mauvais traitement que ces exécutifs donnent à la culture. Ne pas évaluer c'est ne pas considérer, c'est mépriser un secteur d'activité qui ne demande qu'à être reconnu dans ce qu'il fait, plus que dans ce qu'il paraît son image.

Il reste encore des agences départementales et régionales. Les rencontres alsaciennes de l'automne sont bienvenues. Elles permettront de faire le point sur leurs actions et leur devenir. Elles seront aussi un temps précieux pour en exprimer l'intérêt et pour voir comment elles s'inscrivent dans les mutations en cours et à venir.

Lettre d'information du réseau culture
Extrait de Lettre d'information du réseau culture - N° 457 (14/03/2016)
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