Lettre Culture

Lettre d'information du réseau culture

Edito

. (04/01/2016)

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Chaque année on se souhaite une bonne année, et puis l'année passe et le monde continue de tourner avec ses périodes fastes et ses drames. 2015 aura été une année terrible en tout point : guerres, migrations importantes qui en découlent et qui ont mis sur les routes et sur les mers un millions de réfugiés rien qu'autour de la Méditerranée, terrorisme non pas aveugle mais précis qui a fait que des jeunes djihadistes endoctrinés de notre pays ont tué sciemment d'autres jeunes et moins jeunes, des journalistes, des juifs qui vivaient et partageait notre vie quotidienne, repli sur soi et vote massif d'extrême droite dans notre pays, batailles politiciennes insensées et destructrices. Ni la COP21, ni le Prix Nobel de la Paix donné au processus démocratique tunisien, entre autres nouvelles positives, n'auront permis d'ouvrir de grandes espérances. Alors oui, parce qu'il le faut, et que nous nous le devons : bonne et heureuse année à vous tous et tel le colibri de Pierre Rabbi que chacun continue à faire sa part pour que ces incendies d'éteignent enfin...

Suite et pas tout a fait fin du texte que je vous propose depuis deux éditos :

« La question qui nous est posée aujourd'hui est : quelle société voulons- nous ? La culture en est le c½ur de la réponse.


Alors parler des politiques culturelles aujourd'hui, au regard de l'enjeu que je viens de dire, ne peut plus se limiter à parler de la culture version politique culturelle française tournée vers les arts, les ½uvres, les expressions artistiques, le patrimoine matériel et immatériel. Une culture cloisonnée par champ disciplinaire : spectacle vivant, lecture publique, enseignement artistique spécialisé... Une culture qui pose depuis 50 ans la question de la relation de l'art à un public et par là même, la question de la démocratisation. Une culture qui a séparé en deux sa médiation avec d'un côté l'action socioculturelle qui socialise l'½uvre d'art en développant les pratiques, en particulier en amateur (l'éducation populaire), et de l'autre l'action culturelle qui met en relation l'½uvre avec un public (les institutions culturelles).

Parler les politiques culturelles aujourd'hui c'est les inscrire dans un champ plus vaste, plus large, plus ouvert, un espace qui croise la recherche de l'humanité et la fraternité de tout le monde dont je vous parlais tout à l'heure et les révolutions en cours portées par les jeunes générations.
Je voudrais évoquer à ce propos une personne qui m'a marqué et qui parlait si bien de ça : Hélène Combe. C'est une sociologue et politiste qui est décédée ce printemps. Elle a travaillé avec Patrick Viveret sur les nouveaux indicateurs de richesse.
Elle avait une chaire à l'école des mines de Nantes sur « développement humain durable et territoires ».
C'est par elle que la première fois j'ai entendu parler de la culture comme quatrième pilier du développement durable à côté de l'économie, du social, et de l'environnemental. Cette personne claire et lumineuse m'avait alors révélé ce qu'intimement je sentais et qui est devenu pour moi l'axe essentiel de ma pensée, de mon action sur les politiques culturelles.
Cela s'exprime dans deux textes internationaux :
L'article 5 de la déclaration universelle de l'UNESCO « (...) Toute personne doit ainsi pouvoir s'exprimer, créer et diffuser ses ½uvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites qu'impose le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

La Déclaration de Fribourg (2007) qui définit la culture ainsi : « Le terme «culture» recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu'il donne à son existence et à son développement. »

Ces textes nous disent quoi ? Ils nous apportent quoi ? La recherche de l'humanité et la fraternité de tout le monde, oui, mais aussi un peu plus encore : ils nous disent que chaque personne est une ressource culturelle pour elle-même, pour les autres et pour l'humanité entière.
Aujourd'hui faire culture et mettre en ½uvre des politiques culturelles ne peut s'inscrire que dans cette volonté. Chacun est une ressource culturelle.
Alors comment cela peut-il se vivre, se faire, se jouer dans nos collectivités?
Intérêt général et service public
Le premier élément est d'être vigilant à propos des responsabilités des politiques publiques. En France cela s'exprime par deux notions fondamentales : le service public et l'intérêt général.
L'intérêt général est une notion de droit public qui désigne la finalité des actions des institutions et qui intéresse l'ensemble de la population. Il s'apprécie à l'échelle d'une communauté. Il devient d'intérêt public quand il concerne l'ensemble du pays. Dans la conception française, l'intérêt général ne se résume pas à la somme des intérêts particuliers. Au contraire, l'existence et la manifestation des intérêts particuliers ne peuvent que nuire à l'intérêt général qui, dépassant chaque individu, est en quelque sorte l'émanation de la volonté de la collectivité des citoyens en tant que telle.
L'intérêt général, c'est aménager l'activité économique, sociale et culturelle de la commune ou de l'intercommunalité en gérant, en particulier, les subventions et les politiques tarifaires.
Mettre en ½uvre l'intérêt général c'est communiquer, transmettre et être pédagogue sur la légitimité de la culture dans la politique locale. C'est pour les élus être force de proposition mais surtout être à l'écoute. C'est promouvoir la dimension transversale de la culture et favoriser la coopération entre les acteurs. C'est mettre les personnes au c½ur du projet culturel commun.

Le service public de la culture est d'un autre ordre. Il concerne les besoins propres de la municipalité ou de l'intercommunalité en termes de culture. Il s'agit là de faire des choix, de déterminer de grands axes les politiques culturelles, d'établir un programme, de l'appliquer et d'exprimer ce qui est du domaine public et ce qui ne l'est pas. On pourrait dire qu'il est l'aiguillon de l'intérêt général. Aujourd'hui les services publics sont mis à mal. Industrialisés, rentabilisés, individualisés, il répondent de plus en plus à des intérêts particuliers et échappent à cette émanation de la volonté collective. L'éducation et la culture portent encore en eux les éléments de cet idéal collectif car ils échappent à ces rentabilités... pour combien de temps encore ?

Se connaître et se reconnaître

Le deuxième élément est de se reconnaître et d'apprendre à se connaître. Les personnes sont des ressources. Les associations, institutions, organisations, dispositifs, entreprises qui les rassemblent sont aussi des ressources de ces personnes.
Patrice Meyer Bisch, à propos des ressources culturelles, a décrit une typologie.
La connaissance de ressources culturelles, dit il, est un savoir approprié permettant l'accès à des oeuvres qui se constituent des savoirs proposés par les personnes et des savoirs déposés dans les oeuvres. Nos écoles et nos lieux culturels sont des conservatoires de patrimoines matériels et immatériels, objets de toute notre attention dans les transmissions aux générations futures, des auditoires d'informations et de formations croisées qui relient éducation, enseignement, formation, tout au long de la vie, et des laboratoires de création partagée et producteurs de richesse culturelle, espaces de créativité et d'innovation.

(à suivre)

Lettre d'information du réseau culture
Extrait de Lettre d'information du réseau culture - N° 452 (04/01/2016)
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