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Edito

En campagne... aux BIS de Nantes. (22/01/2012)

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Les BIS (Biennales internationales du spectacle sont devenus au fil des ans le rendez-vous incontournable de plus de 10 000 professionnels aux motivations très diverses : pour les uns, il s'agit de venir s'informer des enjeux culturels tels que les appréhendent chercheurs, élus, acteurs culturels, artistes... enrichis cette année des interventions de deux candidats aux Présidentielles, Eva Joly et François Hollande; pour d'autres il s'agit, dans des ateliers trop limités hélas en nombre de places,  de repérer des expériences intéressantes en référence à leurs propres pratiques. Et puis il y a ceux qui viennent faire leur marché auprès de producteurs, notamment dans le domaine des musiques actuelles ; et enfin ceux qui viennent retrouver leurs collègues, notamment dans le cadre de réunions professionnelles ou de petits repas au Lieu unique ou dans les restaurants nantais !

La situation économique est difficile, tout le monde en a conscience. Dans son discours fleuve du premier jour, Georges-François Hirsch (Ministère de la culture) a reconnu que le Ministère, pour pouvoir réaliser une péréquation territoriale dans le cadre de « mandats de révision des DRAC », allait provoquer "un infléchissement ponctuel du budget de certaines DRAC".

Le lendemain Jean-Pierre Saez (OPC) a rappelé les évolutions des dépenses publiques dans le domaine culturel (quand on a les chiffres, ce qui n'est jamais évident). Le sociologue Pierre-Michel Menger a tracé de façon dense le bilan de la réforme de 2003 des intermittents : il y en a de plus en plus mais ils travaillent sur des périodes de plus en plus courtes ; ceux qui, en fin de droits, bénéficient du fonds spécifique de l'Etat se requalifient à 80%, mais parmi les 20% qui sont évincés, on trouve surtout des artistes. Car ce sont les intermittents techniques, de plus en plus nombreux, qui travaillent davantage, et ils sont deux fois moins à recourir au chômage.


François Hollande, dans un discours de 35 minutes assez bien construit bien qu'un brin solennel,   est venu apporter quelques engagements forts :
- sur « l'entière sanctuarisation" du budget du ministère de la culture (l'Etat ne doit pas s'effacer, le Ministère doit retrouver sa légitimité), en reconnaissant que la gauche n'avait pas toujours été assez vigilante et n'avait pas assez parlé de culture jusqu'alors dans son programme électoral alors « qu'elle doit être une priorité majeure, une ambition commune » ;
- sur le soutien aux collectivités territoriales qui mettent deux euros quand l'Etat en met un dans les politiques culturelles, car elles ont bien compris que c'était un moteur de développement territorial (vie culturelle de proximité, attractivité pour l'extérieur), économique (emplois), social, éducatif. Il a annoncé ainsi une nouvelle étape de la décentralisation culturelle pour un bon équilibre territorial, car "plus que de nouveaux équipements nous avons besoin de moyens pour les faire fonctionner correctement") ;
- sur un plan national pour l'éducation artistique et culturelle (la jeunesse, facteur d'émancipation), qui serait pilotée par une instance indépendante rattachée au premier Ministre et doté d'un budget propre, avec des formations pour les enseignants ;
- sur une loi d'orientation pour le spectacle vivant (visant notamment à sécuriser les financements) qui mobilisera tous les partenaires. François Hollande s'est engagé à reprendre le chantier du Centre national de la musique (CNM) pour en faire un outil au service de la diversité culturelle et de l'ensemble du spectacle vivant, pas seulement de la musique enregistrée ;
- sur la numérisation des biens littéraires et artistiques (facteur de croissance), avec une loi qui reposera sur la concertation et la recherche d'un consensus. Elle visera autant à développer l'offre culturelle légale sur internet pour rémunérer justement les créateurs en simplifiant la gestion des droits, qu'à imposer une contribution à tous les acteurs de l'économie numérique (FAI et fabricants de matériels).
- sur l'importance du réseau culturel de la France dans le monde ("l'exception culturelle française est une chance") et des échanges culturels européens à développer systématiquement ;

Le candidat socialiste a fait une petite mention, trop brève, aux «personnes et territoires les plus éloignés de la culture », pour l'accès du plus grand nombre aux bien culturels, "qui passe par la mobilisation de l'ensemble des acteurs et des institutions culturelles, et par des règles fiscales".

Est-ce parce qu'il s'adressait, comme à Avignon, aux seuls représentants du spectacle vivant qu'il n'a pas abordé, ou si peu, les secteurs du livre, des arts visuels, du cinéma et du patrimoine ?

La veille, Jean Blaise avait su mettre davantage encore de vie et d'émotion dans son propos. Après avoir fait part du sentiment de régression qu'il ressentait par rapport aux années 80, il a su dire l'urgence d'aller à la rencontre des publics là où ils se trouvent, « en sachant sortir de nos salles pour y retrouver les 90% qui n'y vont plus ». Pour éviter ainsi qu'on puisse entendre un jour, y compris de la part d'élus, que « tout ça est trop cher », il a témoigné de l'expérience d'Estuaire où, par le biais d'œuvres contemporaines, il avait pu retrouver de nouveaux publics de la métropole Nantes-Saint Nazaire, en faisant l'effort d'adapter le discours sur celles-ci pour qu'il soit entendu.

Au-delà d'une certaine forme d'attentisme de ceux qui se contentent d'attendre la suite, il s'agit finalement de réinventer, de retrouver un élan, d'expérimenter pour aborder le tournant qu'on voit poindre dans ce que seront les politiques culturelles de demain...

François Deschamps

Photo © F Deschamps

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Extrait de Lettre d'information du réseau culture - N° 333 (23/01/2012)
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