consultation guide des usages, du protocole et des relations publiques

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III • Les cérémonies publiques et les manifestations patriotiques

Fiche pratique n° 15  Les Cérémonies commémoratives de l’abolition de l’esclavage

 

Les commémorations de l’abolition de l’esclavage sont marquées par de nombreux rendez-vous organisés par l’État et/ou les collectivités locales.

 

Du 27 avril, date de l’abolition de 1848, au 10 juin, date de commémoration en Guyane, associée au 20 décembre pour La Réunion, les dates de commémoration des mémoires de l’esclavage sont nombreuses et offrent donc des rendez-vous mémoriels pour tous associant les collectivités locales, associations, écoles, institutions patrimoniales, artistes, sportifs, médias et grand public…

Il y a 175 ans, Victor Schœlcher signait le décret abolissant l’esclavage en France. Une première tentative avait eu lieu le 4 février 1794, mais elle s’était soldée par un échec. En 1802, Napoléon Bonaparte réinstaurait cette pratique dans les colonies où l’abolition n’avait pas été appliquée. Cela sera le cas des Mascareignes (La Réunion, Maurice et Rodrigues), de la Martinique, de Tobago, de Saint-Martin et Sainte-Lucie. Pour la Guyane et la Guadeloupe, des arrêtés consulaires plus tardifs vont réinstaurer l’esclavage. Pour être en corrélation avec l’histoire de son territoire, chaque ancienne colonie a donc choisi des dates commémoratives différentes, qui deviendront fériées. Les premiers à mettre fin à l’esclavage seront les Mahorais. Le 27 avril 1846, le baron de Mackau va en effet décréter la fin de l’esclavage à Mayotte. Mais pour des raisons économiques, celle-ci va mettre plusieurs années à être appliquée.

 

Aujourd’hui, en France, environ une centaine de collectivités commémorent chaque année aux mois de mai, juin et décembre, l’abolition de l’esclavage. Souvent organisées sous l’impulsion d’associations locales qui ont porté le combat pour la reconnaissance de la mémoire de l’esclavage, ces cérémonies sont devenues des moments récurrents de la vie locale.

Toutes les collectivités ne s’y associent pas directement : certains territoires ultramarins sont, bien entendu, directement concernés par ces cérémonies qu’ils organisent, d’autres collectivités marquent une simple présence lors des cérémonies organisées par l’État en région (préfecture). Certaines communes ont un lien particulier avec cette question douloureuse comme Nantes. La traite négrière à Nantes est en effet à l’origine de la déportation, de la fin du XVIIe au début du XIXe siècle, de plus de 500 000 esclaves noirs d’Afrique vers les possessions françaises en Amérique, principalement aux Antilles.

Nous avons essayé de souligner certains enseignements, conseils et recommandations importants pour les collectivités organisatrices ou participantes.

 

A - Le choix de commémorer localement ou de se joindre à une cérémonie nationale

 

Le 10 mai marque donc la journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leur abolition. Du XVe au XIXe siècle, plus de 11 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été capturés en Afrique, transportés à travers l’Atlantique et réduits en esclavage pour travailler dans des conditions très dures au sein d’exploitations coloniales en Amérique. Des débats existent sur le choix de telle ou telle date, mais un certain nombre de recommandations trouvent à s’appliquer dans le protocole de telles cérémonies.

Pour les collectivités organisatrices : c’est évidemment un rendez-vous important, majeur, étroitement associé aux questions (majeures) du devoir de mémoire. La date de la cérémonie correspond à un jour férié, lequel comporte une résonance toute particulière, notamment pour la population (un peu comme le défilé du 14 juillet). La plupart du temps, la cérémonie reprendra les fondamentaux des commémorations : dépôt de gerbe, minute de silence et musique traditionnelle. Certaines collectivités choisissent fort logiquement d’étoffer ces célébrations avec des initiatives spécifiques qui amènent une dimension pédagogique, de transmission supplémentaire.

En 1998, à l’occasion du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, le conseil départemental de La Réunion lance ainsi un programme ambitieux de commandes artistiques pour rendre hommage aux esclaves de l’île. L’objectif est d’ériger sur l’ensemble du territoire réunionnais un grand Mémorial de l’esclavage pour appeler les générations d’aujourd’hui et de demain à faire œuvre de mémoire.

Pour ce projet qui s’inscrit dans la durée et sur plusieurs années, cinq sculpteurs réunionnais de renom, très ancrés dans la culture locale, ont été sollicités dans un premier temps. Il a été demandé à chacun de créer les différents éléments de ce mémorial collectif qui devait à terme se décliner sur les 24 communes de l’île, mais qui en définitive s’est arrêté avec la livraison des premières installations en fin d’année 1998.

Depuis, à l’initiative des communes ou des associations, d’autres artistes locaux se sont engagés dans ce travail mémoriel qui a fait l’objet d’un recensement.

En 2018, une commande photographique a été passée par le département au photographe Ibrahim Mulin concernant les œuvres produites. Les prises de vues issues de cette campagne photographique sont versées au fonds du musée de Villèle (consacré à l’esclavage) et mises en ligne.

Au fil du temps, toutes ces réalisations, qui se présentent comme autant de lieux de mémoire, ont « structuré de nouveaux espaces » dont la conservation et la valorisation sont assurées par les municipalités où elles se trouvent et les populations des quartiers concernés.

On soulignera donc, d’un strict point de vue protocolaire, qu’il est intéressant d’enrichir ces cérémonies du souvenir d’une dimension supplémentaire, qui peut prendre de multiples formes : festival des arts traditionnels, commandes artistiques, exposition pédagogique…, et réunir de nombreux partenaires. La dimension mémorielle forte de l’abolition de l’esclavage en fait un excellent sujet à initiatives (historiques, culturelles), en particulier dans les territoires qui en ont été les plus victimes. Le protocole devra donc enrichir la proposition initiale (le dépôt de gerbes) des temps forts qui ont été travaillés avec les archives, DAC et autres acteurs publics ou privés. Le public scolaire est à privilégier lors de chacun des temps : la présence d’écoles, collèges ou lycées sera un signe fort de l’enjeu de la transmission.

 

À noter
Outre le décorum (propreté du site, qualité du son en plein air, drapeaux : France, Europe, collectivité), un soin particulier sera à apporter à l’ensemble des prises de parole, et notamment à celle de l’élu en responsabilité. Un propos solennel, concis et efficace, lu avec la maîtrise, sera un propos qu’on retient et qui marque la qualité d’une cérémonie. Selon les territoires, existent des stèles dédiées, des monuments aux morts spécifiques. Il n’est pas rare non plus de proposer un cadeau aux participants ou aux autorités (un ouvrage sur ce thème par exemple, en particulier pour le préfet).
Dans le cas d’une « simple » participation à une cérémonie commémorative, l’élu concerné devra veiller à ce que l’éventuelle gerbe qu’il (ou elle) déposera ait bien été livrée en temps et en heure. Dans l’hypothèse d’une prise de parole, comme maire de la ville d’accueil, les recommandations habituelles trouvent à s’appliquer : parler avec clarté et concision, trouver le juste ton, maîtriser les références historiques, inclure la population dans son propos…


 

Ce qu’il faut retenir d’un point de vue protocolaire, c’est que les cérémonies d’abolition de l’esclavage obéissent aux règles et usages en vigueur des cérémonies du souvenir (positionnement, dépôt de gerbe, minute de silence, musique, textes lus par des enfants le cas échéant). On peut tout à fait décider d’enrichir ces cérémonies d’initiatives qui amèneront une dimension supplémentaire : expositions, lectures… De nombreux exemples montrent que les collectivités estiment, à juste titre, devoir aller au delà d’une classique cérémonie du souvenir pour créer les conditions d’un geste fort vis-à-vis des populations et des plus jeunes. Ce sont en effet d’excellents vecteurs de transmission de cette histoire, pas toujours bien connue ou parfois méconnue (dates, personnalités fortes…). Ces initiatives participent d’un mécanisme d’appartenance fort à un territoire et il est donc fort bienvenu de les mettre en œuvre collectivement.

 

B - Les journées nationales

 

- 10 mai : journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions

Le 10 mai est la date anniversaire de l’adoption à l’unanimité par le Sénat, en dernière lecture, de la loi dite « Taubira » reconnaissant la traite et l’esclavage comme un crime contre l’humanité. C’est à l’époque Jacques Chirac qui avait acté cette décision, sur proposition du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, aujourd’hui remplacé par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, présidée par l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault. La « loi Taubira », du nom de l’ancienne garde des Sceaux qui, en 2001, était rapporteure du texte, prévoit, en plus de la reconnaissance comme crime contre l’humanité, qu’une place importante soit accordée dans les programmes scolaires et universitaires en sciences sociales à la traite et à l’esclavage. Pour certains historiens, le 10 mai, noyé au milieu d’autres dates plus locales, ne permettait pas de mettre en place un grand rendez-vous national et populaire sur la question.

 

- 23 mai : journée nationale à la mémoire des victimes de l’esclavage

Le 23 mai est la date anniversaire de la marche parisienne du 23 mai 1998 qui a mobilisé plusieurs dizaines de milliers de personnes issues des Antilles, de La Réunion, de Guyane et de l’hexagone pour la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité…

La journée nationale de commémoration en hommage aux victimes de l’esclavage colonial a été instaurée une première fois en 2008 par le Premier ministre François Fillon, puis radiée des commémorations et réinstaurée en octobre 2016 par la loi Égalité réelle outre-mer.

Depuis 2017, l’article unique de la loi n° 83-550 du 30 juin 1983 révisée institue le 23 mai comme Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage.

La coexistence de deux dates nationales est à l’origine d’un imbroglio au sein de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Le Comité marche du 23 mai 1998 (CM98) a ainsi claqué la porte de la Fondation le 26 avril 2021, estimant que la circulaire transmise le 16 avril par Jean Castex aux préfets, en vue de la préparation des cérémonies, ne donnait à la journée du 23 mai qu’une place mineure comparée aux cérémonies prévues pour le 10 mai, alors que depuis 2017, une loi place les deux dates à égalité.

 


C - Journées locales de commémoration

 

- 27 avril

Commémoration de la promulgation du décret du 27 avril 1848 relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et les possessions françaises, adopté par le gouvernement provisoire de la IIe République, sous l’impulsion de Victor Schoelcher.

Commémoration de l’abolition de l’esclavage à Mayotte. Cette date renvoie non pas à la promulgation du décret d’abolition du 27 avril 1848, mais au 27 avril 1846, date de l’abolition de l’esclavage, à titre expérimental, à Mayotte, par le baron Mackau, ministre de la Marine et des Colonies.

 

- 22 mai

Commémoration de l’abolition de l’esclavage en Martinique. L’abolition fut appliquée le 23 mai 1848 par le gouverneur avant l’arrivée du décret officiel, à la suite d’un soulèvement des esclaves le 22 mai 1848. 75 000 esclaves furent libérés.

 

- 27 mai

Commémoration de la promulgation de l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe. Le 27 mai 1848, le gouverneur de la Guadeloupe libéra 87 000 esclaves.

 

- 10 juin

Commémoration de la promulgation de l’abolition de l’esclavage le 10 juin 1848 en Guyane. L’abolition prit effet le 10 août 1848 pour 12 500 esclaves.

 

- 5 au 8 novembre

Célébration à La Réunion de la révolte des esclaves de Saint-Leu du 5 au 8 novembre 1811. Cette insurrection préparée pendant plusieurs mois fut suivie par plus de 300 esclaves menés par l’espoir d’être libérés de l’esclavage avec le soutien des Anglais qui occupaient l’île. La révolte fut écrasée et les esclaves arrêtés furent jugés le 11 février 1812 à Saint-Denis.

Le Komité Eli organise chaque année depuis 1999 une commémoration à Saint-Leu.

 

- 20 décembre

Commémoration de l’entrée en vigueur du décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848 à La Réunion. Le 20 décembre est institué jour férié par le décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983 (loi n° 83-550 du 30 juin 1983).

Nommé commissaire général de la République en remplacement du gouverneur Graëb, Joseph Napoléon Sébastien Sarda Garriga promulgua le 18 octobre 1848 le décret d’abolition de l’esclavage, avec effet deux mois plus tard. La proclamation de la liberté fut lue le 20 octobre 1848 par Joseph Sarda Garriga devant la préfecture de Saint-Denis. C’est cette scène qui est représentée dans le tableau d’Alphonse Garreau, « L’Émancipation à La Réunion », conservé au Musée du Quai Branly à Paris. 62 000 esclaves furent libérés le 20 décembre 1848.

 

D - Journées internationales de l’ONU

 

- 25 mars

Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves.

 

- 23 août

Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition, mise en place par l’Unesco en 1998. Cette date commémore l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue, dans la nuit du 22 au 23 août 1791.

À La Réunion, cette date est célébrée par le Komité Eli sur le site de la Ravine à Jacques à la Grande Chaloupe.

 

- 22 décembre

Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage. Cette date commémore l’adoption par l’ONU, le 2 décembre 1949, d’une convention pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui.

 

Les liens utiles

- Le décret n° 2006-388 du 31 mars 2006 fixant la date en France métropolitaine de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage

- La loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité

 

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