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LGV PACA, l'arc latin sans flèche ferroviaire

Article du numéro 471 - 01 octobre 2013

Transports

C'est un vieux serpent de mer qui ne parvient pas à sortir d'une Méditerranée complexe. Pour donner un élan nouveau à l'Europe du Sud, l'axe Barcelone, Montpellier, Marseille, Nice, Gênes, constitutif de l'arc latin, doit être relié par une ligne à grande vitesse digne de ce nom. Mais, faute de moyens publics financiers, l'Europe du Sud attendra des jours meilleurs.

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Le rapport Mobilité 21, destiné à prioriser les prochains chantiers ferroviaires français, a rendu son verdict avant l'été, officialisant la mort de la LGV PACA. Depuis, les réactions s'enchaînent, oscillant entre dépit et raison. Les chambres de commerce et d'industrie en région PACA ont ainsi rédigé un communiqué à plusieurs mains pour contester le fait que « la seule réalisation de la traversée de Marseille ne [puisse] créer un système ferroviaire régional performant ». À Nice, l'émotion est si grande qu'elle a même rapproché un temps Christian Estrosi, député-maire de Nice, et Éric Ciotti, président du CG 06, dont les relations s'étaient, ces derniers temps, rafraîchies sur fond de guerre des chefs de l'UMP. Le propos est amer : « Plusieurs millions d'euros pour les frais d'études de faisabilités [ont été engagés]. Nous demandons le remboursement intégral des sommes engagées », assurent les deux élus sans trop y croire. Ils reçoivent indirectement... le soutien d'Eugène Caselli, président de la communauté urbaine de Marseille, Marseille Provence Métropole (MPM). « Je ne partage pas le diagnostic porté par le rapport du député PS Philippe Duron (Ndlr, auteur du rapport Mobilité 21) préconisant le report de la Ligne à grande vitesse », assène-t-il, estimant qu'une césure territoriale entre Marseille et Nice manque de « cohérence ».


Rendez-vous en 2040 ? !

Comme souvent, Michel Vauzelle, président de la région PACA, tente un compromis. Il s'est d'abord refusé à un tel verdict, avant de prendre en compte la situation financière du pays et des collectivités territoriales : « La ligne nouvelle (Ndlr, lot de consolation, censé renforcer les relations TER) figure désormais parmi les priorités nationales. Il est cependant indispensable de combiner le traitement des n½uds de congestion de Marseille et de Nice. C'est là un point essentiel pour améliorer, dans leur ensemble, les déplacements quotidiens des habitants ». Un point essentiel que le gouvernement, faute de moyens, a remis à plus tard. « Plus tard, en langage institutionnel, ça veut dire jamais... Les élus locaux ont raté le coche et les finances publiques sont au plus mal. On ne risque pas de voir le train du projet repasser de sitôt. De plus, un tel chantier réclame une bonne vingtaine d'années avant de devenir une réalité, entre sa conception et son inauguration. Autant dire qu'il existera peut-être une LGV entre 2040 et 2050 ! », confie un technicien d'une collectivité.


Estrosi tacle Mariani

Christian Estrosi, maire de Nice et président de la métropole azuréenne, a du mal à digérer les atermoiements de l'État. « Sur ce dossier, j'ai autant de reproches à faire à la droite qu'à la gauche. Je crois que Thierry Mariani, lorsqu'il était ministre des Transports, aurait pu s'emparer du dossier avec plus de conviction.Finalement, cette LGV se transforme en nouvelle ligne ferroviaire (NLF) et permettra à la gare Saint-Charles à Marseille de se transformer, de créer à Nice une gare multimodale, nous permettant de nous rapprocher de l'est varois, tout en étant à 1 h 10 de Gênes. Ce lien avec l'Italie est indispensable à notre département, notamment pour profiter des autoroutes maritimes partant de Gênes, ce qui nous permettra de désengorger le trafic routier dans le 06. Si je suis déçu de la disparition de la LGV, je crois que nous avons bien avancé dans la construction de nouvelles dessertes ferroviaires capitales pour notre développement ». Une manière très policée de dégager en touche...


Marseille, grande métropole, vraiment ?

Les différents préfets ont souvent pointé le manque de combativité des élus locaux sur ce dossier. À tel point que les observateurs se demandaient si les collectivités souhaitaient réellement cette LGV. Jean Viard, sociologue mais aussi conseiller communautaire à Marseille Provence Métropole, proposait de revenir à des ambitions plus mesurables : « Il faut faire preuve de créativité parce que l'argent public se fait rare. Sur les autoroutes arrivant à Marseille, par exemple, il faut créer trois voies, en utilisant la bande de sécurité, pour la réserver aux transports publics. Ce serait un excellent moyen de favoriser rapidement la mobilité. Il faut tourner le dos aux projets pharaoniques, du genre LGV PACA ».
Maryse Joissains, maire UMP d'Aix-en-Provence, qui a mené un combat épique contre un projet dont un des tracés menaçait de défigurer la Sainte-Victoire chère à Cézanne, affiche une satisfaction mesurée : « Je me suis opposée à une certaine vision de la LGV, qui menaçait la Sainte-Victoire et les vignobles AOC du Pays d'Aix. Mais je ne comprends pas l'attitude du gouvernement, qui veut faire de Marseille une grande métropole et coupe son élan en rayant d'un trait de plume la LGV. Je pense toujours que le tracé des métropoles se justifie mais il aurait fallu que le gouvernement réponde favorablement aux demandes de certains maires, en enterrant la ligne à certains endroits ou en prévoyant des déviations là où ce tracé aurait dénaturé la beauté des paysages », assène-t-elle.
L'État tiendrait donc deux discours, aux yeux du maire d'Aix, assurant que Marseille est une priorité nationale sans accompagner le territoire dans son développement économique. Une contradiction que certains élus de gauche, en catimini, n'hésitent pas à pointer...


La Nouvelle ligne ferroviaire, un lot de consolation ?

De la LGV à la NLF, est-ce un recul ou un abandon de projet ? L'ancien préfet, Hugues Parant, n'est pas loin de penser qu'il s'agit d'un bien pour un mal. « Ce changement sémantique a du sens. J'avais l'intime conviction que le tracé des métropoles coûterait plus cher. Les collectivités auraient eu du mal, dans le contexte actuel, à dégager 10 milliards d'euros pour financer la LGV. Notre priorité est de moderniser un réseau ferroviaire très obsolète pour trouver des réponses concrètes à la thrombose routière et à la volonté croissance des citoyens d'utiliser les TER. Il faut une nouvelle ligne entre Marseille, Toulon et Nice, à grande vitesse à certains endroits, un peu moins à d'autres, pour réduire le temps séparant Marseille de Nice, aujourd'hui de 3 heures, en le ramenant à 1 h 20 environ », assure-t-il. Cette solution est désormais actée par le gouvernement. Elle présente l'avantage extraordinaire de coûter beaucoup moins chère...


Nice, ville italienne

En attendant, Christian Estrosi a compris que le désenclavement de la cinquième ville de France passerait sans doute par un renforcement de la coopération avec l'Italie toute proche et notamment Gênes, port dont le maire de Nice ne cesse de vanter les qualités, visant indirectement le port de Marseille, accusé d'être peu fiable. Bref, la LGV PACA n'est pas pour demain. Quant à une véritable métropole intégrée marseillaise, entraînant dans son sillage les autres grandes villes de la région PACA que sont Toulon et Nice, cela reste encore un concept technocratique que les élus se chargent de rendre inopérant.