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Emprunts toxiques : n'ayez pas peur de la négociation

Article du numéro 467 - 01 juillet 2013

Finances

Négocier est le seul moyen de revenir à une gestion maîtrisée de ses charges financières dans un délai court et pour certaines collectivités de trouver l'accès au crédit. Le combat moral contre la commercialisation abusive de ces produits par les banques est légitime, mais il peut devenir un fiasco économique ou politique.

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Le contentieux est une arme tactique. Nous répétons depuis l'origine qu'aucun contentieux n'ira à son terme. Une transaction interviendra avant qu'un jugement en appel ou en cassation n'intervienne. L'assignation est devenue, au lendemain du jugement du 8 février, une nécessité pour prendre date même si nous avions alerté très tôt sur l'éventualité forte du vote d'une loi rétroactive sur les questions de TEG. Mais il serait extrêmement hasardeux et contraire aux intérêts de la collectivité de laisser un contentieux prospérer sans conserver une relation avec la banque pour négocier le moment venu.


Les écueils du contentieux

Les écueils sont extrêmement nombreux pour les emprunteurs qui n'ont recours qu'à la voie contentieuse. En premier lieu, la durée pour obtenir un jugement définitif en appel, voire en cassation, fait peser une période d'incertitude pouvant durer plusieurs années. Les premières assignations ont été délivrées en 2009. Un seul dossier a été jugé à ce jour pour une collectivité locale. Cette situation est incompatible avec les cycles de la gestion municipale. La meilleure preuve est ce qui se passe dans de nombreuses communes à l'approche des élections de 2014. La stigmatisation des banques ou d'une précédente équipe municipale a conduit nombre d'exécutifs à une impasse politique à l'approche de la fin du mandat. Les oppositions, qui parfois étaient en responsabilité au moment de la souscription des contrats litigieux, s'emparent du sujet pour critiquer pêle-mêle inaction et prise de risque excessive. En dehors du conseil général de Seine-Saint-Denis (jugement du 8 février), il n'y aura peut-être pas d'autre jugement en première instance sur un contrat de financement en 2013 ! Pour les assignations déclenchées tout récemment à la veille de la prescription qui touchait de nombreux dossiers le 17 juin dernier, les premières audiences de mise en l'état n'auront pas lieu avant 2014 !
En second lieu, il est désormais acquis qu'une loi de validation gommera la force des griefs « techniques » (absence de TEG, TEG erroné, peut-être même le taux usuraire...). Les autres motifs qui concernent le dol ou le défaut de conseil s'apprécieront au cas par cas devant le juge, mais les banques se donneront les moyens de transiger sur les dossiers qui pourraient les voir condamner. Faire espérer une jurisprudence sur cette thématique est hasardeux pour ne pas dire plus...
Ensuite, les banques pourront, lorsque l'emprunteur a bénéficié pendant plusieurs années de taux bonifiés, invoquer le défaut de loyauté si celui-ci conteste dès lors que la situation lui devient défavorable. Ainsi aujourd'hui, une seule famille de produits (EUR/CHF) génère des taux majorés (ainsi que quelques produits à effet cumulatif)...
En dernier lieu, les impacts budgétaires sont les mêmes, car l'on doit payer ou consigner, sauf à s'exposer à des risques supplémentaires en cas de jugement défavorable.


La négociation est la seule stratégie

Aujourd'hui, une triple conjonction (perspective de la loi de validation, possible remontée des taux d'intérêt, approche des échéances électorales) fait douter les élus et nous constatons une réelle volonté d'ouvrir ou de rouvrir les négociations.
La négociation n'a pas pour objectif de se substituer au jugement dont on rêve et qui pourrait intervenir dans quatre ans, mais seulement de faire disparaître les risques pour la collectivité en jouant sur des leviers qui génèrent des manques à gagner pour les banques plutôt que des pertes comptables. Un accord tacite existe cependant de la part des banques pour prendre à leur charge les échéances majorées d'intérêt pour les communes de moins de 10 000 habitants, mais il est probable que le fonds de soutien vienne se substituer à cet effort des banques.
Il faut comprendre la façon dont les banques comptabilisent ces opérations avant de s'aventurer sur des affirmations théoriques sur ce que devrait être le résultat d'une négociation. Une banque peut générer des manques à gagner sur des opérations de financement sans implication comptable et sans contagion. En revanche, elle s'expose à devoir passer des provisions sur l'ensemble de son portefeuille de crédits structurés si elle enregistre une perte comptable. Le fonds proposé par le gouvernement aura une réelle utilité dans le cadre de ces négociations. La mise en place du fonds va établir désormais sans contestations et définitivement que les solutions ne passent pas par un règlement global du dossier mais par la résolution des mille ou mille cinq cents cas individuels qui sont sur la table aujourd'hui. En effet, la nature du produit structuré et la situation de solvabilité de l'emprunteur seront des critères pour l'octroi de l'aide.


Des efforts conséquents

La médiation ne s'inscrit pas dans une logique juridique. Elle prend en compte la capacité du client à assumer financièrement l'accord envisagé et invente la manière la plus adaptée pour la banque pour matérialiser l'effort qu'elle est prête à faire.
De nombreuses renégociations sont conclues sans présence d'un médiateur, mais parfois lorsque la confiance est rompue, un tiers de confiance permet d'objectiver les efforts faits de part et d'autre. Beaucoup de facteurs incitent les banques à faire des efforts de plus en plus conséquents (engagements de désensibilisation vis-à-vis de leurs autorités de tutelle, volonté de limiter le nombre de dossiers avant la mise en place du fonds, renchérissement des coûts de hors-bilan, sortie des périodes bonifiées...). La construction de solutions de sortie par les banques se fait en refacturant cent pour cent de la soulte et en l'imputant sur un refinancement ou sur des financements nouveaux. L'effort de la banque ne sera pas l'abandon de tel ou tel pourcentage de la soulte mais les conditions de financement ou de refinancement qu'elle offrira.
Il est très dommageable de faire miroiter aux collectivités des solutions économiques qui ne seront pas réalisables, ce qui prolonge d'autant l'exposition au risque pour ceux qui refusent de négocier. Désormais, toutes les banques, à la différence de 2012, acceptent d'offrir des conditions de financement optimisées et en dessous du marché pour matérialiser leur effort.


Pragmatisme et rigueur

Le principe de la médiation est la renonciation réciproque en présence d'un tiers de confiance qui aide à construire l'architecture de la transaction.
La médiation traite les dossiers suivant une méthode pragmatique et rigoureuse en examinant la situation de chaque collectivité de manière concrète et factuelle, en rapprochant les positions divergentes à partir d'une expertise technique des dossiers, et en proposant des solutions concertées et adaptées. Les principes retenus sont d'inclure dans le champ de la médiation d'autres emprunts que les emprunts « toxiques », de prendre en compte la capacité contributive réelle de chaque collectivité, d'obtenir des banques des efforts consentis et d'assurer en même temps les besoins de financement nécessaires à l'investissement ou au refinancement de tout ou partie de la soulte. Les deux parties ont, au moment de la transaction, une appréciation positive de l'accord qu'elles concluent. Chaque banque comme chaque emprunteur a une vision propre de la négociation équilibrée car chaque dossier est spécifique. Affirmer de façon péremptoire par exemple que la soulte de sortie doit être partagée à parts égales entre les deux parties est une méconnaissance de la réalité de ces transactions ou une volonté cachée de faire durer très longtemps la procédure.