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Égalité des territoires : uniformité ou équité ?

Article du numéro 466 - 15 juin 2013

Idées

«L'idée d'égalité est devenue une divinité lointaine, dont le culte routinier n'alimente plus aucune foi vivante », a écrit Pierre Rosanvallon. Pour ne pas en rester à ce constat désabusé, les auteurs de ce rapport ont entrepris de revisiter en profondeur la manière dont pourrait être tenue cette « redoutable promesse » d'égalité des territoires.

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Vers l'égalité des territoires. Dynamiques, mesures, politiques.
Éloi Laurent. Rapport au ministère de l'Égalité des territoires et du Logement, février 2013, 534 pages.
Retrouvez des extraits de cet ouvrage sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html, complément rédactionnel n° 1025.


L'air du temps est à la concurrence

Si cette grande mission, aujourd'hui confiée à un ministère qui en porte le nom, a des allures de défi, c'est tout d'abord que l'action publique va, en ce domaine, à contre-courant. Déjà marqués par des disparités naturelles d'attractivité et de ressources, nos territoires sont maintenant travaillés par les redistributions de cartes que provoque le jeu des marchés. L'air du temps est à la concurrence, à la compétitivité, à la polarisation des activités et des richesses au profit des mieux dotés et des plus habiles à faire valoir leurs atouts.
Le résultat, au regard du souci d'égalité, n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser. Vus de loin, nos territoires se sont plutôt rapprochés jusqu'à récemment : les niveaux de richesse ont convergé entre régions, départements et même agglomérations. En revanche, quand on y regarde de plus près, c'est une sorte de dérive des continents qu'on découvre : les écarts se creusent à l'intérieur des aires urbaines, entre quartiers, et entre couronnes résidentielles proches et couronnes périurbaines éloignées. Le gradient d'urbanité (mesurant proximité et accessibilité des biens publics que propose la ville) devient un déterminant majeur des inégalités sociales ; les inégalités territoriales engendrent des inégalités de destin, au point de commencer à mettre en péril le pacte républicain lui-même.


Une nouvelle approche pour sortir de l'impasse

Le travail présenté ici montre avec force l'épuisement du modèle traditionnel d'action publique en la matière : proclamant à l'envi l'égalité des territoires, il a, dans les faits, servi à couvrir des inégalités croissantes, qu'il laissait se développer et empêchait de voir et de discuter. C'en est fini du temps où l'État pouvait, en surplomb de la société, se porter garant d'une égalité octroyée aux territoires.
Se dégager de cette impasse exige une autre approche de l'égalité : le rapport propose pour ce faire les notions de justice territoriale et de différenciation égalitaire. Dans cette perspective, l'égalité reste la valeur de référence, mais il n'est plus question d'égalité par l'uniformisation ; les différences prennent valeur de possibles avantages comparatifs à mobiliser dans l'inévitable compétition que représente l'économie ouverte d'aujourd'hui. Et le rôle des institutions publiques n'est plus de s'évertuer à un impossible nivellement, mais d'outiller les territoires pour leur permettre de jouer chacun la meilleure partition, de les doter des capacités à produire les biens collectifs nécessaires au bien-être, et à négocier au mieux leur place dans le monde qui les entoure. On se doute bien qu'une telle réorientation s'accommoderait mal d'un maintien en l'état des actuels agencements institutionnels, dont Jacques Lévy, dans une contribution très éclairante, souligne qu'ils reconduisent, au fil des réformes manquées, des « territoires pourvus de ressources mais dépourvus de sens ». Il pointe là les séparations non pertinentes au sein des aires urbaines, les agrégats obsolètes maintenus (département, cantons). Et il appelle de ses v½ux, pour qu'enfin « les habitants puissent parler justice à propos de leur espace de vie », une nouvelle architecture des pouvoirs.