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La région au milieu du gué

Article du numéro 464 - 15 mai 2013

Idées

Il n'y a pas encore en France d'évidence des régions : leur découpage et leur nombre restent incertains ; les réformes décentralisatrices se succèdent sans jamais franchir le pas d'une véritable régionalisation.

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La fabrique des espaces politiques régionaux : retour sur une France différenciée
Romain Pasquier
Retrouvez des extraits de cet ouvrage sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html, complément rédactionnel n° 1024.


La région en trois dynamiques

La région, entrée en scène il y a seulement trente ans, est en réalité une entité en émergence. Elle s'affirme, montre Romain Pasquier, à la rencontre de trois dynamiques. La première est d'ordre identitaire : en réaction à l'uniformisation républicaine première manière, des mouvements, culturels d'abord, puis politiques, revendiquent dans des registres divers - marqués à droite au début, puis intégrés au projet décentralisateur de la gauche - le droit à la différence, et se font entendre. Ce premier mode d'affirmation trouve son prolongement dans les grandes politiques publiques d'aménagement du territoire des décennies post-« trente glorieuses » : l'État, puis l'Union européenne, développent une démarche ambitieuse de correction des inégalités territoriales et l'inscrivent dans la trame régionale, à laquelle la décentralisation de 1982 apporte une première consécration. Ainsi se dessine un paysage public renouvelé, dans lequel les régions - troisième ressort de leur affirmation - jouent un rôle emblématique de ce qu'est devenue l'action publique, et font figure de laboratoire d'une nouvelle gouvernance. On voit bien, en effet, que leur place tient, plus encore qu'à leurs compétences sectorielles, à la responsabilité qui leur revient de « gérer les interdépendances » entre les acteurs multiples que la complexité des enjeux territoriaux conduit à coordonner. C'est dans ce registre nouveau, où la capacité à « produire une vision partagée du territoire » et à « conduire des coalitions d'acteurs » est essentielle, que les régions se font le mieux reconnaître.


Un espoir chimérique

Une vraie avancée dans l'affirmation de la capacité politique des régions a donc bien eu lieu. Si elle semble encore fragile et inaboutie, c'est d'abord qu'elle est très inégale : la capacité à s'affirmer dans ce jeu sophistiqué de la gouvernance implique de disposer de ressources identitaires et d'aptitudes à l'action collective qui ne se décrètent pas, et s'avèrent pour l'instant inégalement distribuées.
C'est aussi que la montée en puissance des régions rencontre sur son chemin un État qui, loin de lui laisser le champ libre, a réussi à conserver l'exclusivité des outils classiques comme le pouvoir réglementaire et l'allocation des ressources, et en développe de nouveaux dans l'esprit du « gouvernement à distance ».
On comprend, à lire Romain Pasquier, que l'espoir d'un nouveau grand soir de la décentralisation qui verrait les régions accéder, toutes du même pas, au rang d'entités quasi fédérales relève de la chimère. L'avenir appartient d'abord à celles qui, se gardant de tout miser sur d'improbables bouleversements législatifs, sauront tirer parti des possibilités d'ores et déjà ouvertes d'engager des évolutions institutionnelles novatrices, comme la redistribution des cartes avec les départements.
Il faut en tout cas se déprendre de la vision du partage des rôles entre acteurs publics comme jeu à somme nulle, dans lequel chacun ne gagnerait que ce qui serait enlevé aux autres. C'est à mieux agir ensemble qu'il faut viser, dans un exercice de responsabilité partagée où l'État - qui reste, aux yeux des citoyens, garant des valeurs essentielles de l'action publique - et les grandes agglomérations - qui ont besoin d'outils de gouvernance adaptés aux nouvelles réalités urbaines - ont aussi un rôle éminent à jouer.