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Article du numéro 461 - 01 avril 2013
D'ici deux ans, la quasi-totalité des élus locaux sera renouvelée : municipales d'abord, cantonales et régionales ensuite. À la clé : la traditionnelle valse des équipes de direction. Mais l'absence de transparence dans lesquelles se font les recrutements commence à penser lourdement. Il est temps d'adopter de nouvelles règles, y compris par la loi, et d'assainir des pratiques qui dérivent de plus en plus. Tous les articles du numéro 461 |
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À environ un an des élections municipales et quelque deux ans des élections départementales et régionales, la question de ce que l'on a pu appeler le « mercato » des dirigeants territoriaux va se poser.
Aujourd'hui, leur départ ou recrutement et plus particulièrement celui des directeurs généraux de collectivités apparaît marqué de plus en plus par des considérations autres que celles des compétences, de l'expérience, en somme de la valeur professionnelle. Soyons clairs ! La sensibilité politique devient un critère déterminant, avec pour effet de conduire de plus en plus à faire des directeurs généraux des directeurs de cabinet bis. Or, on peut relever souvent des problèmes de positionnement, sources de conflits, entre les titulaires de ces deux types de fonctions. Cultiver la confusion dans le rôle de chacun ne peut qu'accentuer le phénomène, avec des dégâts collatéraux sur le fonctionnement des collectivités territoriales.
Un directeur général doit être dans une situation de potentialité d'alerte, même si cela est susceptible de déranger. L'indépendance intellectuelle des dirigeants territoriaux est l'assurance pour les élus d'être protégés d'orientations incertaines par l'effet d'entourages trop proches qui par nature manquent de recul. Les effets en sont souvent négatifs au plan de l'intérêt général, avec quelquefois des conséquences graves pour l'élu en charge. En ce sens, il devient urgent de mettre fin à cette dérive, de plus en plus prégnante dans notre pays, celle de directeurs généraux où le critère de l'appartenance politique réelle ou supposée conditionne la fonction qui de facto peut faire douter de leurs capacités.
Le résultat ne peut être que négatif sur l'image de la profession : alors que l'on pouvait penser qu'avec la mise en place de la fonction publique territoriale, le recours à des hauts fonctionnaires de l'État serait à terme limité par la présence de spécialistes reconnus au sein des collectivités territoriales, l'on relève aujourd'hui une propension de nombre d'élus des grandes collectivités (en particulier régions, départements, grandes villes ou communautés d'agglomération ou urbaines) à recruter au sein des services de l'État.
En somme, tout milite pour une gestion renouvelée des modalités de départ et de recrutement des cadres dirigeants avec deux principes :
- celui d'un encadrement bien compris de la fin de fonctions préservant certes la liberté des élus, mais aussi la potentialité des dirigeants en place de faire leurs preuves ;
- celui d'une véritable mise en concurrence par une publicité adaptée sur les postes à pourvoir, alliée à un processus décisionnel assurant la transparence de la décision.
Sur le premier point, et pour éviter que tout s'organise dans une démarche partisane, il est indispensable, après un renouvellement électoral, que tout agent recruté dans les premiers mois après l'élection ne puisse être désigné ensuite au poste de directeur général. Il faut, en effet, éviter des prérecrutements, souvent faits sans concurrence, puisque mis en œuvre dans des conditions juridiques intermédiaires dès l'installation du nouvel exécutif. Une telle occurrence s'assimile à un détournement de procédure. De plus, elle empêche le titulaire en place, y compris au regard des règles de recrutement et dans le délai de mise en œuvre d'une éventuelle fin de fonctions, de démontrer ses capacités à répondre aux préoccupations du nouveau président ou du nouveau maire.
Or, la prise d'effet d'une telle mesure, en application de l'article 53 de la loi modifiée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires sur la fonction publique territoriale, se fait au 1er jour du 3e mois suivant l'information de l'assemblée délibérante, sans que celle-ci ne puisse intervenir avant un délai de 6 mois à partir de la désignation de la nouvelle autorité territoriale. En d'autres termes, trois à quatre mois sont là pour permettre d'apprécier mutuellement les conditions d'une continuité éventuelle. Les pratiques d'aujourd'hui vident de leur sens cette potentialité-là.
Pour boucler le dispositif préconisé, la déclaration de vacance de poste et sa publication ne devraient se faire qu'après la notification de la fin de fonctions au DGS en place.
Sur le second point, on peut relever un détournement de la législation, au moins dans son esprit, pour la publicité des vacances de postes des dirigeants territoriaux, prévue par l'article 12-1 de la loi susvisée.
En effet, figurent sur le site internet du CNFPT les seuls emplois à l'initiative des collectivités avec une quasi-absence des postes de DGS, faisant en l'occurrence de cette publicité imposée par la loi un véritable leurre. C'était particulièrement significatif en 2008, lors du renouvellement des conseils municipaux et des conseillers généraux. Autrement dit, le CNFPT devrait faire figurer sur son site, en toute indépendance, toutes les déclarations de vacances de postes. Il ne le fait pas et un cadre de l'institution à qui je m'en suis inquiété en 2009, m'a répondu que la loi était respectée puisque les vacances étaient affichées au siège du CNFPT. Je n'ai pas vérifié. Mais la remarque est édifiante.
Toujours pour que la concurrence soit parfaitement établie, il est nécessaire que le choix soit opéré sur la base d'un jury comprenant au moins 3 élus, dont, bien entendu, le responsable de l'exécutif, sur la base d'une présélection de 4 candidats au moins. Il faut en effet éviter que les cabinets de recrutement, dans leur approche sélective qui n'est pas obligatoirement adaptée, se substituent à ce qui doit rester une décision propre à la collectivité.
D'autre part, pour que la concurrence soit effectivement organisée, le recrutement ne devrait pouvoir être effectif qu'après 3 mois maximum après la publication du poste sur le site du CNFPT.
Avec les préconisations ainsi formulées, serait permis, en tout cas mieux qu'aujourd'hui, le respect d'une valeur fondamentale, celle de la préservation de la neutralité de l'administration qui commence par son responsable principal. Comment comprendre des nominations intuitu personae pour les A+ et des jurys internes pour la sélection des autres agents A, B ou C ? L'exemplarité en la matière ne vient pas aujourd'hui d'en haut.
En somme, le législateur doit s'emparer de cette question. Certes, nombre de parlementaires sont des responsables de collectivités et ils peuvent avoir des réticences à remettre les choses à plat. Il en va pourtant de l'intérêt général d'un processus transparent dans le maintien ou le choix de tout dirigeant territorial, de sorte de disposer de collaborateurs qualifiés et sûrs au plan de la valeur ajoutée qu'ils se doivent d'apporter. Il en va également des deniers publics et, en cette période de disette financière, ce n'est pas indifférent. Ne pas prendre les mesures pertinentes sur l'encadrement de la fin de fonctions a un coût, dans le cas d'un administrateur territorial, pouvant atteindre 80 000 à 90 000 euros€par an pour la collectivité lorsque le collaborateur concerné ne retrouve pas de poste, voire jusqu'à quelque 450 000 euros, dès lors qu'il opte pour le congé spécial, (5 ans aumaximum) s'il est âgé de plus de 55 ans.
- Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en particulier articles 12-1 et 53.
- Décret n° 87-1101 modifié du 30 décembre 1987 portant dispositions particulières à certains emplois administratifs de direction.