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Travailler ensemble contre la pauvreté

Article du numéro 458 - 15 février 2013

Interview

La Marseillaise du gouvernement Ayrault a été la cheville ouvrière du plan contre la pauvreté, qui mobilisera 2 milliards d'euros. Marie-Arlette Carlotti ambitionne de mettre de l'ordre dans les dispositifs existants afin d'améliorer le recours au droit des personnes éligibles. Elle évoque à demi-mot son avenir municipal à Marseille, assurant que « cette ville a besoin d'un nouveau souffle ».

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Marie-Arlette Carlotti

Ministre déléguée aux Personnes handicapées et à l'Exclusion sociale


Le plan annoncé par le gouvernement pour lutter contre la pauvreté met l'accent sur la jeunesse. En quoi le contrat d'insertion professionnelle serait-il plus efficace qu'un assouplissement des conditions d'accès au RSA pour les jeunes de moins de 25 ans

Le RSA dit « jeune » est un échec : seuls 9 000 jeunes en bénéficient aujourd'hui sur les 130 000 prévus. Les critères d'éligibilité sont beaucoup trop stricts et complètement décalés par rapport à ce que vivent les jeunes sur le marché de l'emploi. Nous sommes partis de cette réalité, de l'expérience concrète des jeunes, et notamment de ceux qui sont les moins bien armés, pour proposer une mesure simple et efficace : la garantie jeune. Bien souvent sans ressources et en rupture familiale, ces jeunes ont avant tout besoin d'être rattrapés et accompagnés. Cet accompagnement fait aujourd'hui largement défaut dans le RSA. En retour, je veux mettre le marché en main aux jeunes qui seront accompagnés : nous vous offrons une chance, vous vous engagez à la saisir. Vraiment. La contractualisation garantira donc un accompagnement rapproché et une garantie de ressources équivalente au RSA dans les périodes de carence du jeune. En contrepartie, le jeune devra choisir un projet et s'y tenir.


Ce plan, qui mobilisera 2 milliards d'euros, entend traiter la pauvreté sur plusieurs fronts, de la santé au logement, en passant par l'emploi ou l'école. En quoi serait-il plus efficace que les mesures qui existaient déjà ?

Ce plan doit redonner du souffle à notre idéal de solidarité. Cela implique des mesures pragmatiques et le souci de la cohérence. J'ai donc souhaité mettre de l'ordre dans les dispositifs existants. Le moyen d'y parvenir, c'est une méthode fondée sur la clarté et la participation de tous les acteurs, y compris des personnes pour qui les dispositifs sont conçus. Cette méthode, nous l'avons déjà mise en pratique dans le cadre de la conférence de décembre dernier. Cette méthode servira un objectif prioritaire : l'amélioration du recours aux droits par les personnes qui y sont éligibles. L'empilement de mesures complexes, méconnues, la stigmatisation, sont autant d'éléments qui plombent l'efficacité de notre système de solidarité. Le résultat, c'est que des personnes qui vivent dans des conditions extrêmement précaires ne bénéficient pas des droits prévus pour elles. C'est un gâchis humain et financier que le plan doit permettre d'éviter.


Quel sera le rôle des collectivités dans ce plan ? Ces dernières, auxquelles l'État réclame des efforts budgétaires, pourront-elles répondre aux besoins de façon uniforme sur l'ensemble du territoire ?

Les collectivités locales assument une grande partie de l'effort de solidarité et leur concours est essentiel à la réussite du plan pluriannuel que nous mettrons en ½uvre. Les collectivités locales ont été pleinement associées aux travaux préparatoires de la conférence, et plusieurs coopérations sont déjà en cours avec l'État. Par exemple, lorsque nous avons étendu le périmètre des bénéficiaires des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité. Nous allons également conclure un partenariat avec l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) afin de leur permettre d'instruire des dossiers de demande de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé et d'augmenter le recours à ce droit, aujourd'hui très faible (seulement 35 %). Par ailleurs, nous travaillons de façon expérimentale avec deux conseils généraux, la Seine-et-Marne et la Loire-Atlantique, sur des actions d'amélioration de l'accès aux droits sociaux des populations en situation de fragilité. La maîtrise des dépenses des collectivités est un impératif qui s'impose à elles comme à l'État. Nous devons y travailler ensemble. Cette maîtrise passe par une meilleure visibilité sur les ressources que l'État met à leur disposition, ainsi qu'une attention particulière à la péréquation entre les territoires.


Que répondez-vous à ceux qui considèrent qu'une réforme des allocations familiales, qui seraient accordées prioritairement aux familles les plus démunies, menacerait la cohérence de la politique familiale française ?

La cohérence de la politique familiale n'est absolument pas menacée. Ceux qui sont menacés, ce sont les deux millions d'enfants - un sur cinq ! - qui vivent dans la pauvreté en France. L'universalité est un principe important mais il doit absolument s'articuler avec celui de justice. Aujourd'hui, la pauvreté se transmet de génération en génération. C'est cela qui doit nous inquiéter et nous mobiliser.
Offrir à chaque enfant des conditions d'existence dignes doit être au c½ur de notre politique familiale. Notre politique familiale est enviée par de nombreux pays mais cela ne doit pas nous empêcher de voir que cette politique s'essouffle.


N'aurait-il pas été plus pertinent d'insister sur l'accès au droit, une des bizarreries du système social français ?

L'accès au droit a fait l'objet d'une table ronde spécifique que j'ai présidée lors de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et l'inclusion sociale en décembre dernier. Nous avons donc traité cette question du non-recours. Notre République, cette communauté qui fait le pari de la fraternité, est fondée sur la solidarité entre ses membres. Si ceux qui sont censés bénéficier de cette solidarité ne le font pas, c'est le système entier qui s'écroule et finalement notre idéal qui s'éloigne. Par conséquent, la lutte contre le non-recours est l'un des objectifs prioritaires du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Jusqu'à présent, des dispositifs sont venus s'ajouter à d'autres dispositifs, et ceux qui ont participé à cet enchevêtrement ont échoué à répondre aux besoins réels des personnes en situation de précarité. Nous l'avons montré dans le dernier rapport du gouvernement au Parlement sur la pauvreté qui comporte pour la première fois un état des lieux du recours aux prestations. Cet état des lieux est éloquent : notre système de solidarité a besoin d'être simple et lisible sans quoi il manque complètement son objectif. Apporter simplicité et lisibilité est donc mon ambition !


Sur un plan local, un sondage récemment publié vous place en tête des personnalités de gauche pour les municipales de 2014 à Marseille. On ne peut pas imaginer un seul instant que cette échéance n'occupe pas un coin de votre tête...

Aujourd'hui, je suis mobilisée aux côtés de mes collègues du gouvernement. Notre priorité est la bataille pour l'emploi et le redressement de la France. Effectivement, je suis ministre mais aussi marseillaise. Et pour le gouvernement comme pour moi, la situation de Marseille est un enjeu majeur. L'avenir de Marseille est important pour les Marseillais mais aussi pour la France. C'est le sens du comité interministériel consacré à Marseille que le Premier ministre a organisé en septembre dernier. Marseille a besoin d'un nouveau souffle et d'une nouvelle dynamique. Il faut rassembler cette ville, que les quartiers nord parlent aux quartiers sud. Au-delà d'une candidature, c'est le projet qu'on porte qui est important... mais il est vrai qu'être placée en tête de plusieurs sondages donne une responsabilité particulière.