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« Refaire la ville sur la ville » : une utopie réaliste

Article du numéro 454 - 01 décembre 2012

Idées

Ce titre pourrait annoncer un plaidoyer pour une nouvelle utopie urbaine, une de plus, sans perspective d'inscription dans le réel. Ce n'est pas le cas : au fur et à mesure de la visite guidée que l'auteure nous propose, on découvre que cette « autre ville » est déjà là. On la voit émerger, à travers des mutations de toutes sortes dont il faut seulement apprendre à déchiffrer les traits communs porteurs d'avenir.

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Une autre ville sinon rien, Élisabeth Pélegrin-Genel Éditions La Découverte
Retrouvez les extraits de cet ouvrage sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html, complément rédactionnel n° 1019.


Tous acteurs

Ces mutations ne répondent à aucun grand dessein explicite. Certaines sont le fait des institutions, qui promeuvent des manières d'habiter et de se déplacer moins consommatrices de biens naturels (sol, énergie, CO2...). À leur initiative, l'habitat se densifie ; les modes de déplacements alternatifs à la voiture gagnent du terrain. L'espace public se transforme : des pans entiers de nos villes bénéficient désormais d'une ambiance apaisée par le ralentissement des déplacements, selon des modèles plus astucieux que la spécialisation tout voiture/tout piéton. Le dilemme collectif/individuel s'enrichit d'une troisième voie, avec l'essor de l'habitat intermédiaire, qui offre en ville une partie des avantages de l'habitat périurbain. D'autres transformations sont plutôt le fait des acteurs privés. De nouvelles manières d'habiter sont en plein essor : l'habitat coopératif, la colocation (intergénérationnelle notamment), les résidences mixtes (seniors et jeunes ménages), les éco-quartiers. De multiples initiatives fleurissent dans les interstices de la ville : usines, prisons, chais connaissent de nouveaux usages, durables ou précaires mais dans tous les cas novateurs quant à la manière de vivre et partager l'espace.


Une urbanité à venir

Toutes ces innovations publiques et privées ont en commun plusieurs caractéristiques. De fait, elles s'inscrivent toutes dans une logique de développement durable ; en privilégiant le recyclage de l'existant, elles contribuent à économiser les ressources de tous ordres : sols, matériaux... En tirant le meilleur parti des interstices de la ville, de ses friches, de ses toits, plutôt que de s'en éloigner, elles offrent une alternative à l'explosion des déplacements. En réintroduisant la nature au c½ur de l'urbain, elles ouvrent à un dépassement du clivage ville/campagne qu'on a trop laissé s'accentuer dans les décennies passées.
Et surtout, aspect essentiel quant à l'urbanité à venir, elles vont de pair avec une nouvelle vision du rapport individu/collectivité. Cette autre ville dont l'émergence est décrite ici apparaît comme une alternative possible au « non-lieu accueillant l'errance des solitudes » que tend à devenir, selon Marc Augé, la ville actuelle. On y voit partout se développer partages et coopérations : espaces communs ou espaces publics propices à la rencontre, mise en commun de moyens, développement de l'entraide, initiatives de convivialité, arrangements architecturaux conciliant astucieusement besoin d'intimité et besoin de rencontre... Au bout du compte, cette floraison d'initiatives pourrait bien rendre obsolète l'opposition ville/périurbain dont on commence aujourd'hui à mesurer les dégâts.
En l'état actuel des choses, l'action publique accompagne plus ou moins bien ces innovations. Elle aurait besoin, pour en libérer toutes les potentialités, de gagner en souplesse et en ouverture dans la relation avec des acteurs sociaux qui expérimentent sur tous ces sujets ; de s'affranchir aussi d'une posture trop uniformément normative qui, on le voit sur des questions comme l'accessibilité ou les règles de sécurité, peut faire obstacle à l'innovation.