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À quoi sert l'Europe ?

Article du numéro 452 - 01 novembre 2012

Tribune libre

L'Europe est là, certes, mais on est bien loin des projets des pères fondateurs. À force de privilégier l'élargissement et non l'approfondissement, on a donné naissance à un consensus mou, qui peine à pouvoir relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Au point d'envisager la fin de l'Europe ?

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Philippe Laporte

philippe.laporte@perigueux.fr
Directeur général des services
ville de Périgueux


Nous sommes à un tournant intéressant. Enfin, nous allons savoir à quoi sert l'Europe et si cette construction baroque va se développer ou éclater. Présentée depuis ses débuts comme notre horizon indépassable, l'Europe a connu soixante-dix années de paix et de relative prospérité. Cela ne signifie pas que sans le développement des institutions européennes, il en aurait été autrement. À défaut de réécrire l'Histoire, nous pouvons constater que l'Europe ne ressemble pas au projet de ses pères fondateurs. Elle est devenue une vaste zone mondialisée de libre-échange, et pas seulement européanisée, productrice de normes essentiellement techniques, sous l'influence très prégnante de lobbies divers.


Une conception maximaliste et floue

La citoyenneté européenne existe depuis 1992, mais il est parfois difficile, en dehors de certains droits et de symboles, de lui donner un contenu tangible. Les rappels à l'ordre réguliers de la Commission européenne à certains pays (comme la Hongrie récemment) prouvent que l'intégration de certaines valeurs prend du temps. Les difficultés financières et économiques ont mis sous tension la solidarité et la réalité même de cet espace supposé de fraternité. Le retour de réflexes nationaux illustre les différences fondamentales et presque anthropologiques qui demeurent entre les peuples (voir à ce sujet les travaux d'Emmanuel Todd). Il y a des racines ancestrales à ces divergences persistantes.
Depuis vingt ans, des Cassandre marginalisées parlaient de «zone monétaire non optimale». Mais il a fallu attendre ces derniers mois pour que ceux qui osaient imaginer la fin de l'euro ne soient plus regardés comme de consternants illuminés. Depuis 1973 et l'entrée des Britanniques dans l'Europe, celle-ci a changé de figure et de sens. L'élargissement a pris les pas sur l'approfondissement. L'approche pragmatique de la CEA a été remplacée par une conception maximaliste et floue, à géométrie variable et à la carte.


Vers un effondrement de l'Europe ?

Cette auberge espagnole ressemble à certaines de nos intercommunalités : quelques projets, beaucoup de marchandages et un consensus mou qui a « confisqué la politique » (voir l'excellent livre de MM Desage et Guéranger, La politique confisquée. Sociologie des réformes et des institutions intercommunales). La différence avec les EPCI, c'est que, sous la pression de la crise des dettes publiques et des déséquilibres commerciaux, l'Union européenne pourrait s'effondrer. Un énième plan de sauvetage financier de la Grèce, de l'Espagne ou de l'Italie n'y changera rien.
Entre intégration ou implosion, entre fédéralisme ou nationalisme, entre approfondissement ou délitement, entre solidarité avec des règles communes ou indépendance monétaire avec une liberté budgétaire, il conviendrait de choisir. C'est désormais un grand saut en avant ou en arrière qu'il faut faire. Ce serait, quel que soit le choix, le vrai retour de la politique et de la puissance publique. Pour la démocratie, après le scandaleux contournement des peuples suite à l'échec du référendum de 2005, nous attendrons sans doute encore un peu.