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Article du numéro 451 - 15 octobre 2012
Le tourisme peut défigurer et dénaturer. Il peut, surtout, permettre la préservation des espaces, le décollage économique et la démocratisation du voyage. Voyage, découverte et divertissement durables sont possibles. Tous les articles du numéro 451 |
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Sylvie Brunel, La planète disneylandisée. Pour un tourisme responsable, Auxerre, Sciences Humaines éditions, 2012, 308 pages, 15 euros.
La géographe Sylvie Brunel défend des positions relativement iconoclastes mais très solides sur le développement durable. Certes la nature, c'est important, mais c'est surtout l'humanité qu'il faut défendre. Le secteur, en essor, du tourisme est une porte d'entrée pour comprendre qu'il est possible, à la fois, de protéger et de prospérer.
Sylvie Brunel nous transporte, en famille, dans un réjouissant tour du monde. Ses tribulations familiales, relatées avec une distance souriante, passent par les studios Universal, les hublots d'un avion au-dessus de Bora-Bora, les routes australiennes, un Rio pas si dangereux que ça, la Grande Barrière de corail. On croise des animaux, sympathiques ou dangereux, mais aussi les obèses, les sans-abri et les bodybuildés de Los Angeles. On lit, avec délice, les mauvais traitements infligés à la classe Y (non pas la génération, mais la classe économique). Accompagnée de ses trois enfants et de son mari (Éric Besson, dont elle a, depuis, divorcé), l'auteur relate les plaisirs et difficultés du touriste.
L'ouvrage est la deuxième édition de ce récit de voyage. Il est assorti d'une copieuse postface qui tire des leçons générales à partir des voyages, observations et recherches de la géographe/touriste. Le tourisme, bien entendu, c'est pour les autres. Chacun se veut aventurier en quête d'authentique. Brunel, à rebours des positions élitistes dédaigneuses (parfois sous couvert d'humanitaire), souligne le caractère éminemment démocratique de la «mise en tourisme du monde». 25 millions de touristes internationaux au milieu du XXe siècle, un milliard aujourd'hui, venant de toute la planète. Et il faut y ajouter un milliard de touristes au sein des pays eux-mêmes.
Les enjeux sont de taille : 12 % du PIB mondial. Attention, nous dit l'experte, il ne faudrait pas qu'une certaine sanctuarisation de la nature, pour les riches occidentaux, conduise au maintien de populations dans l'archaïsme et la misère. Le tourisme peut ainsi être bêtement rejeté, comme généralisation de parcs à thèmes uniformisés, ou bien célébré comme manne économique. À condition de respect réciproque (le touriste ne saurait être uniquement considéré, dans les rues américaines ou dans les réserves africaines, comme un «portefeuille ambulant»), le tourisme constitue un accès démocratisé à l'émerveillement et à la rencontre. Si la Disneylandisation peut ne consister qu'à «transformer le monde en décor», il ne suffit pas de le déplorer. Il faut y ajuster nos comportements (et nos budgets). Une règle concrète : «il faut laisser ses préjugés au vestiaire, mais pas sa jugeotte». Un bon conseil qui doit faire de bons touristes. Et une bonne planète.
"Tout comme les employés de Disney qui, une fois endossé leur costume, souvent lourd et étouffant, ont l'interdiction absolue de prononcer la moindre parole pour se fondre complètement dans leur personnage, les indigènes des parcs naturels doivent jouer les bons sauvages, sous peine de devoir quitter le territoire où ils vivent."
"Les agences de voyage vendent sans état d'âme la matinée dans le village maori ou aborigène, avec démonstration artisanale, danses rituelles, découverte des traditions, comme elles vendent la chevalerie médiévale à Carcassonne ou à Provins. Sauf que la théâtralisation, évidente dans le second cas, devient de l'authenticité dans le premier."