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Article du numéro 450 - 01 octobre 2012
À en juger par certains signes actuels concernant la décentralisation, les cadres territoriaux doivent être sacrément éminents ou dangereux, en tous les cas si l'on |
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Pour filer la métaphore médicale, trois symptômes interrogent la manière dont l'acte III de la décentralisation semble être en train de se construire.
Tout d'abord, la façon dont l'action publique locale est présentée dans les débats de non spécialistes. En effet, l'avenir des collectivités n'est souvent expliqué au grand public qu'au travers du seul prisme financier, dans un contexte de finances publiques certes dégradées, mais sans que l'esquisse d'une vision stratégique de l'action publique ne soit exposée. Ces perspectives sont en outre principalement envisagées sans que les premiers praticiens que sont les élus locaux ou les managers territoriaux n'aient réellement voix au chapitre. Exemple : il a fallu que les associations représentatives se mobilisent pour que les cadres territoriaux soient associés à la conférence sociale des 9 et 10 juillet, dont une des tables rondes avait pourtant pour objet la modernisation de l'action publique !
Il est de tradition que les hauts fonctionnaires de l'État soient très présents dans l'ombre des ministres. Il est d'ailleurs tout à fait logique que dans leurs domaines de spécialité, les cadres de l'État conservent une place éminente. Mais à observer, par exemple, la composition de cabinets dont l'action publique est pourtant dépendante de l'action des collectivités (redressement productif, développement durable, logement et égalité des territoires...), il est incompréhensible que les cadres territoriaux y soient aussi peu présents. Sans parler du ministère de la Fonction publique et du ministère délégué à la Décentralisation ! La logique de réseau de l'ENA fonctionnant à plein, il y a donc fort à parier que les politiques mises en place ne seront pas nécessairement marquées du sceau de l'ardeur décentralisatrice.
Quant à l'écho encore trop limité rencontré par des initiatives territoriales pourtant ambitieuses et solides, à l'instar du Manifeste de la décentralisation, présenté en juin par l'AATF, ou du rapport de l'ARF publié début juillet, Les Régions au c½ur du nouvel acte de décentralisation, ces productions peinent à susciter l'intérêt hors du monde territorial. Ce constat est d'autant plus décevant que ces initiatives traitent d'enjeux aussi cruciaux pour l'avenir du pays que les stratégies de développement économique pour la croissance ou l'articulation des compétences entre échelons de collectivités, dans un souci d'efficacité et de solidarité. Si les cadres territoriaux ne sont bien entendu pas les seuls à avoir un avis sur la question, la moindre des choses consisterait tout de même à ce que leurs paroles multiples fassent partie de celles auxquelles une oreille particulière pourrait être prêtée sur ces sujets.
Le prix Nobel de médecine Alexis Carrel aurait-il donc raison quand il disait que «l'éminence même d'un spécialiste le rend plus dangereux» ? Si les territoriaux ne sont pas plus éminents que d'autres, ils constituent sans doute un danger, au sens où ils risqueraient, par leurs propositions et la plus grande diversité de leurs profils, de mettre à mal des conservatismes persistants et des oligarchies qui demeurent plus que jamais puissantes. Reste à espérer qu'un autre propos de ce prix Nobel de médecine se traduise en actes : «c'est la qualité de la contribution des êtres humains qui importe, et non leur quantité».
A lire
- La décentralisation a fait progresser le niveau de service public, La Lettre du cadre, n°449, 15 septembre 2012.
- Acte III : la décentralisation entre en scène, La Lettre du cadre, n°445, 15 juin 2012.
Pour se former
Politique de la ville, réforme territoriale et décentralisation
Paris le 19/10 - Lyon le 23/11