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Article du numéro 448 - 01 septembre 2012
Après mûre réflexion, Christian Estrosi, maire de Nice, a décidé de tourner le dos à Veolia ou Keolis pour reprendre en régie les transports publics de la métropole. Il assure que les offres ne correspondent pas aux attentes de la collectivité. Alors que 90 % des réseaux dans les communes sont gérés par le privé, de plus en plus d'entre elles seraient tentées par un retour en régie, plus efficace et moins onéreux. Tous les articles du numéro 448 |
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Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice, président de la métropole Nice Côte d'Azur, sait ménager le suspens. Le 9 juillet, il a invité les journalistes à une conférence de presse surprise pour leur annoncer qu'il entendait reprendre en régie métropolitaine l'exploitation du réseau de transports publics dans les 46 communes réparties le long de la Baie des Anges. Le réseau était exploité depuis 2004 par Veolia Transdev et, arrivé à échéance le 30 juin dernier, devait être réattribué. Un important bras de fer a opposé pendant plusieurs semaines la filiale de Veolia et de la Caisse des dépôts et Keolis, filiale de la SNCF. L'enjeu était de taille : récupérer la plus grosse délégation de service (DSP) de France dans les réseaux des transports, avec un chiffre d'affaires annuel de 130 à 140 M. d'euros. Un CA appelé à grossir avec l'arrivée prochaine de la ligne 2 du tramway, livrée normalement en 2016.
Mais le président de la métropole a préféré siffler la fin du match avant le résultat. « Il nous apparaît que les offres ne correspondent pas aux attentes de la collectivité », confiait-il lors de la conférence de presse. Le conseil métropolitain devrait se prononcer en septembre sur la mise en place de la régie, Veolia Transdev assurant la transition jusqu'à la décision de la collectivité. « Paris, Marseille, Toulouse administrent déjà en régie leurs transports publics. Plus j'avance et plus je suis convaincu que l'administration d'un grand service par la collectivité elle-même apporte de l'efficacité, de la reconnaissance à l'ensemble de nos administrations et répond aux attentes de nos usagers », explique Christian Estrosi pour justifier sa décision. Il ne s'agit pas pour lui d'une révélation divine. « Depuis 2008, j'avance sur cette réflexion. Je prendrai en référence la piscine Jean Bouin, le marché international, les cantines scolaires, pour citer les exemples les plus significatifs. La ville de Nice a aussi repris en régie directe le Nice jazz festival ».
Certains ont d'autres lectures de sa décision. En effet, certaines lettres professionnelles spécialisées, généralement bien informées, avaient assuré que Keolis avait remporté l'appel d'offres au détriment de Transdev. Une victoire à laquelle Henri Proglio, l'ancien patron de Veolia, ne serait pas étranger, malgré ses dénégations. Ce dernier a en effet gardé une dent dure contre son ancien bras droit, Antoine Frérot, avec lequel les relations sont sibériennes depuis la tentative de Proglio d'imposer Jean-Louis Borloo à la tête de l'entreprise. La « rumeur » laisse entendre que Proglio a tout fait pour faire mordre la poussière à son ancienne entreprise. Découvrant l'information, Christian Estrosi était alors entré dans une noire colère, qualifiant l'information de « mensongère » et s'apprêtant à porter plainte contre les publications en question. Cette rumeur ou cette information ont-elles eu pour effet de pousser le président de la CU vers un non-choix de DSP ? En attendant, Veolia ne semble pas plus traumatisé que ça par la perte de ce contrat, une source interne laissant même entendre dans Le Monde du 9 juillet 2012 qu'il s'agirait plutôt d'une bonne nouvelle puisque l'entreprise perdait 10 M. d'euros par an sur ce contrat (lire encadré).
Adieu DSP donc, place donc à la régie publique. « Je préfère être responsable moi-même du service que j'offre à mes usagers et, plus j'avance dans la vie publique, plus j'ai la conviction que les grands services publics à la française, trop souvent décriés, sont des grands services publics de qualité. Je me sens bien à travailler avec les fonctionnaires et en même temps à relayer les attentes des usagers pour être sûrs qu'elles soient parfaitement mises en œuvre », déclare avec enthousiasme le président de Nice Métropole.
D'autres communes seront-elles tentées d'imiter Nice ? En France, une petite vingtaine de villes se trouve dans une situation similaire : leur contrat de transports urbains est arrivé à expiration au 30 juin. À ce jour, 90 % des réseaux urbains sont gérés par le privé. Il y a donc de la marge, la mise en place d'une régie réclamant une mobilisation importante de la collectivité. Il y a quelques années, la ville de Cholet, elle aussi UMP, avait déjà suscité une certaine sensation en choisissant le retour au public. Aujourd'hui président d'Agir, association réunissant élus et techniciens des transports publics de près de 110 communes, le maire de Cholet, Jacques Bourdouleix, a salué la décision de son homologue niçois : « La gestion directe est aujourd'hui choisie non sur des critères idéologiques mais pour ses avantages constatés en termes de maîtrise des coûts, d'efficacité de gestion, de performance du service public de transport et de cohérence entre les choix politiques et la volonté du délégataire », indique-t-il dans un communiqué. Sur son site, Agir « rappelle que cette alternative représente une solution vers laquelle de plus en plus d'élus s'orientent » (lire encadré).
La décision niçoise va entraîner un grand bouleversement dans l'organisation de la collectivité. Si Nice Métropole est déjà propriétaire des dépôts et d'une grande partie de la flotte (250 bus sur les 400 que compte le réseau), elle prendra à sa charge la gestion du trafic, ainsi que les 1 100 salariés travaillant dans les transports. Autant dire que la collectivité va devoir pousser les murs. Mais quand on aime les services publics, on ne compte pas...
L'association Agir explique les raisons pour lesquelles le retour à la régie municipale semble être un mouvement de fond durable dans le domaine des transports publics. « À l'instar des conseillers niçois, les élus sont fréquemment confrontés à une concurrence trop restreinte ou trop timorée. Les procédures de DSP les amènent à arbitrer entre des offres qui ne correspondent pas à leurs attentes et aux ambitions de leurs politiques de transport. Ils doivent également faire face à une hausse galopante des prix proposés par les délégataires, à contre-courant de la nécessité actuelle de réduire les dépenses des collectivités locales. C'est pourquoi, ces dernières années, la gestion directe des transports par les collectivités, sous forme de régie, EPIC ou société publique locale (SPL) se développe aussi bien dans des agglomérations moyennes que dans des grandes villes, quelle que soit la couleur politique des élus ».
A lire
La Seyne-sur-Mer rachète ses parkings, La Lettre du cadre territorial, n° 409, 15 octobre 2010.
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