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Europe : l'impasse « post-démocratique »

Article du numéro 448 - 01 septembre 2012

Idées

Voilà un ouvrage qui vient à point éclairer les enjeux et issues possibles du débat, pour l'instant assez confus, que la crise provoque à propos de l'Europe.

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La constitution de l'Europe
Jürgen Habermas, Éditions Gallimard
Retrouvez des extraits de cet ouvrage


Voilà un ouvrage qui vient à point éclairer les enjeux et issues possibles du débat, pour l'instant assez confus, que la crise provoque à propos de l'Europe. L'idée fondatrice de l'Union est plus actuelle que jamais : les États nationaux n'ont plus de prise suffisante sur les grands enjeux qui se posent aujourd'hui à l'humanité. Il y a urgence à construire de nouvelles capacités d'action politique qui rattrapent les marchés aux échelles où ils opèrent : continentale et mondiale.


Un dilemme grandissant

C'était bien la vocation de l'Europe, mais il est clair désormais qu'elle n'a été que très imparfaitement mise en œuvre : les institutions dont elle s'est dotée n'ont pas les capacités d'action requises pour éviter la dérive des économies nationales les unes par rapport aux autres, et harmoniser les niveaux de compétitivité. La conséquence en est de plus en plus largement comprise : le dilemme qui se profile va être d'approfondir l'intégration ou d'abandonner l'euro.
À partir de ce constat, deux issues sont envisageables. Celle qui prévaut pour l'instant, relève de ce que Habermas appelle le « fédéralisme exécutif ». Elle consiste, au gré de « sommets », mis en scène à chaque fois comme dernière chance, à enchaîner au sein du Conseil, dans des épreuves de force entre chefs d'État, des arrangements laborieux, conciliant tant bien que mal la nécessité d'agir et les limites imposées par les traités. Cette méthode ne fait qu'exacerber la tendance observée depuis le début de la construction européenne à « traficoter par-dessus la tête des gens ». Selon Habermas, elle conduit l'Europe droit vers l'impasse post-démocratique : une gouvernance loin des peuples, à base de règles et de mécanismes dépourvus de légitimation politique, suffisante pour être acceptée lorsque les conséquences en sont trop dures à vivre.


Vers une démocratie européenne transnationale ?

Habermas dessine une alternative à cette impasse. Plutôt qu'à la perspective fédérale, selon lui hors de propos, il en appelle à une démocratie européenne transnationale ; démarche plus subtile car elle articule l'attachement des peuples à leurs États, qui a ses raisons d'être, et la construction d'institutions européennes assurant une réelle inclusion des citoyens européens aux grandes décisions à prendre, à commencer par l'inévitable révision du traité et la réouverture du chantier constitutionnel. Une telle dynamique intégratrice ne se conçoit que portée par une authentique démocratie délibérative, reposant sur plusieurs innovations cruciales : une mise en débat des enjeux européens par les grands partis (qui pour l'instant croient pouvoir les traiter en catimini), un processus électoral unifié permettant à tous les citoyens européens de se prononcer simultanément sur les mêmes questions et sur les mêmes choix de dirigeants sur des listes européennes, un nouvel équilibre entre exécutifs européens (conseils, commission) et Parlement...
Le travail d'Habermas offre à la fois de solides repères pour le débat européen, et un très riche outillage conceptuel pour réfléchir plus largement aux problèmes qui se posent chaque fois que s'avère nécessaire un changement d'échelle dans la vie démocratique, par exemple dans la recomposition de nos institutions territoriales. Le risque post-démocratique y est tout aussi prégnant, et des « loyautés multiples » y sont aussi à conjuguer. C'est une illusion, dans les deux cas, d'imaginer qu'une nouvelle échelle plus pertinente effacera l'ancienne, et il y a de nouvelles formules à inventer pour un « agir commun » sur des bases légitimes.