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Le FSRIF à qui gagne perd

Article du numéro 447 - 15 juillet 2012

Finances

Comment une ville aux forts besoins sociaux, qui compte parmi les plus hauts taux de logements sociaux de son département, bénéficiaires de nombreux mécanismes de solidarité, peut-elle se trouver en position de devoir aider les autres au titre du Fonds de solidarité de la région Ile-de-France ? La réponse sonne comme un appel à des modifications du dispositif.

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Tous les articles du numéro 447

La loi de finances pour l'année 2012, votée fin décembre 2011, a introduit des modifications substantielles dans les mécanismes de péréquation territoriale. Le Fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF) a vu ses critères de calcul modifiés, privilégiant les critères purement financiers aux dépens des critères sociaux (nombre de logements sociaux, taux de bénéficiaires des aides personnalisées au logement etc.). Ces évolutions aboutissent pour plusieurs communes franciliennes à des incohérences : ainsi, elles continueront à percevoir la dotation de solidarité urbaine (DSU), versée par l'État et qui prend en compte la réalité sociale du territoire, mais se retrouvent contributrices au titre du FSRIF, cette dernière contribution étant désormais supérieure à la DSU perçue (soit 339 503 euros).


Le service public sacrifié ?

La ville de Guyancourt (Yvelines) est concernée par cette problématique, ainsi que trois autres communes. L'impact financier peut donc être relativisé à l'échelle de l'Ile-de-France, mais il ne l'est pas au regard des finances des collectivités territoriales concernées. La commune a appris - mais après avoir adopté son budget, voté ses taux d'imposition et entamé l'exécution de son budget - qu'elle sera désormais redevable d'une contribution au Fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF) à hauteur de 1,34 million d'euros dès 2012, et à hauteur de 2,6 millions d'euros minimum pour les années suivantes, si rien n'est corrigé. Cette ponction résulte d'une mesure du budget de l'État, adoptée fin 2011. Ce nouveau dispositif atténue la prise en compte des critères sociaux, rendant prédominant le seul potentiel financier. Il pénalise injustement une ville qui, depuis longtemps, a fait l'effort d'accueillir en nombre tout à la fois des entreprises et du logement social, au sein de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, ex « ville nouvelle ». Une telle ponction rend problématique l'intégration de cette nouvelle dépense dans l'équilibre général des finances communales. Pire, elle est de nature à remettre en cause, à moyen terme, la qualité du service public local à destination d'une population qui en a fortement besoin. En effet, cette situation est parfaitement incohérente car la ville de Guyancourt bénéficie par ailleurs de dispositifs de solidarité nationale pour soutenir son importante action sociale. Ce soutien est ainsi annulé par cette nouvelle ponction... décidée au titre de la « solidarité ». Pour mémoire, Guyancourt compte quelque 5 472 logements sociaux sur les 10 352 logements de la commune (soit 52,86 % - le troisième taux le plus important des Yvelines) et son taux de bénéficiaires des APL est de 17,52 %. La ville de Guyancourt agit à hauteur de 5,3 millions d'euros chaque année, si l'on tient compte des dépenses réalisées dans le cadre de la dotation de solidarité urbaine. Dans le même temps, le Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) a été créé ; la commune de Guyancourt versera quelque 202 000 euros en 2012 pour participer avec la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (CASQY) à ce nouveau fonds de péréquation. Ce sont donc plus 1,5 million d'euros que Guyancourt devra verser de manière imprévue dès 2012, alors même qu'elle participe déjà à une forme de solidarité territoriale depuis de nombreuses années dans le cadre de la CASQY.


Remédier aux incohérences

Afin de remédier à ces incohérences, les élus locaux demandent aujourd'hui au nouveau gouvernement de réparer les dégâts du précédent et d'appliquer des mesures rectificatives, aussi bien au FSRIF qu'au FPIC, rétablissant ou instituant dès cette année la prise en compte dans le calcul de chaque contribution, de critères sociaux manifestes. L'équipe municipale de Guyancourt est évidemment favorable au principe de solidarité et de péréquation territoriale. Mais il lui paraît indispensable de prendre en compte la situation sociale des habitants et pas uniquement le potentiel financier d'une commune. Avec cette réforme du FSRIF et la création du FPIC, mesures adoptées l'une et l'autre en décembre 2011, la commune de Guyancourt se retrouve ainsi mise à contribution à trois reprises :
- la première dans le cadre de la communauté d'agglomération, qui est la forme la plus évidente de la solidarité territoriale, entre les communes de Saint-Quentin-en-Yvelines ;
- la deuxième dans le cadre du FSRIF qui ne concerne que les collectivités de la région Ile-de-France ;
- la troisième avec le FPIC qui concerne les communes et EPCI de l'ensemble du territoire national.
Il est indispensable de rationaliser et de mettre en cohérence ces systèmes qui se chevauchent créant en bout de chaîne des effets pervers, sauf à vouloir dévoyer l'idée même de péréquation territoriale.


Quatre mesures à prendre d'urgence

Quatre mesures seraient susceptibles de remédier aux aberrations décrites ici :
- le plafonnement des contributions au FSRIF à 5 % des dépenses de fonctionnement contre 10 % dans la loi de finances actuelle ;
- la diminution de tout ou partie de la contribution FSRIF pour les communes qui touchent une DSU inférieure à cette contribution ;
- une révision de la mise en place progressive du FSRIF, qui devrait être étalée sur 4 ans au lieu de 2 ans pour les villes nouvellement contributrices ;
- le rétablissement de tout ou partie des critères sociaux antérieurs dans le calcul du FSRIF.


Pour mieux comprendre

Fiche d'identité de Guyancourt :
- Population en 2010 : 29 130
- Revenu moyen par habitants : 13 558,38 e (moyenne yvelinoise 17 680,48 e)
- Logements sociaux : 5 453 soit 52,5 %
- Bénéficiaires des APL : 5 103 soit 17,73 % de la population
- Démographie : 0-14 ans : 25,1 % ; 15-29 ans : 24,1 %
- Population active (2007) : 16 188
- Population scolarisée (2007) : 8 725
- FSRIF au titre de l'année 2012 : 1,3 million d'e soit l'équivalent d'une augmentation des impôts locaux de 7,6 %
- FSRIF au titre de l'année 2013 : 2,7 millions d'e soit l'équivalent d'une hausse des impôts locaux de 15,2 %