Le magazine des professionnels de la gestion territoriale.
Un magazine à destination des cadres de la filière administrative qui balaye l'ensemble des questions managériales et décrypte l'actualité dans les domaines RH, finances et juridiques sur un ton impertinent, engagé et incisif.
|
A partir de : |
![]() |
Article du numéro 446 - 01 juillet 2012
Si les bilans triennaux de la loi SRU, qui mesurent l'état d'avancée des communes de plus de 3 500 habitants dans la construction de 20 % de logements sociaux, sont plutôt positifs, un constat s'impose : la liste des familles en attente d'un HLM s'allonge. La résolution de la crise du logement passe donc par un renforcement des obligations des municipalités, annoncé par François Hollande. Tous les articles du numéro 446 |
Télécharger cet article en PDF
Tout juste installée dans son nouveau fauteuil de ministre du Logement, Cécile Duflot n'a pas tardé à annoncer la couleur : elle entend relever le seuil des logements sociaux pour les villes de plus de 3 500 habitants de 20 % à l'heure actuelle à 25 %.
« C'est un engagement de la majorité présidentielle », assure-t-elle. « La loi, qui a permis de créer des logements sociaux dans des communes qui ne voulaient pas le faire, a été bonne pour tout le monde », prolonge-t-elle. « Tout le monde s'est rendu compte que mixer les populations, c'était une très bonne chose ». Il faut donc poursuivre sur ce bon chemin car la crise du logement est loin d'être maîtrisée. « On a un objectif majeur de construction de nouveaux logements », martèle-t-elle. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande avait par ailleurs indiqué que les communes rétives, qui paient de lourdes amendes pour ne pas appliquer la loi SRU, auraient prochainement à régler des pénalités cinq fois plus importantes.
Les positions tranchées de l'actuel ministre ne pas très éloignées de celles de... Benoist Apparu, l'ancien ministre du Logement de François Fillon. Dans un entretien au JDD du 24 septembre 2011, il rappelait très justement que les bilans triennaux de la loi SRU, instaurés pour vérifier si les objectifs annoncés sont atteints, sont très bons : « Le bilan 2008-2010 est excellent. Les villes concernées par la loi SRU devaient faire 76 800 logements sociaux pour rattraper leur retard, elles en ont réalisé 124 400, soit 162 % de l'objectif. La loi SRU marche très bien. Depuis 2002, le cumul des objectifs de construction pour atteindre les 20 % s'élevait à 200 000 logements, on en a fait 306 000, soit 153 % de l'objectif ! Et cela s'améliore, plan triennal après plan triennal. En 2002-2004, on a fait 140 % de l'objectif, en 2005-2007, 154 %, et là 162 % ».
Oui, si l'on considère qu'il faut faire plier les communes les plus rétives, notamment dans le sud de la France et en Région parisienne, en leur posant de vrais cas de conscience fiscaux à travers le quintuplement de l'amende. Benoist Apparu restait, lui, dans la nuance, même s'il reconnaissait la nécessité de réformer la loi : « Il faut garder sa philosophie mais probablement changer ses modalités d'application. L'élection présidentielle sera l'occasion d'en débattre. Premier enjeu : est-ce qu'on garde le taux de 20 % ? Moi, je suis prêt à étudier un taux de 25 % à Paris et en Région parisienne, mais un taux inférieur à 20 % à d'autres endroits. Dans les communes où la démographie est faible, où l'écart entre loyers HLM et privés est minime, pousser à faire du logement social n'a aucun intérêt. Le taux de 20 % appliqué partout n'a pas de sens », assurait-il fin 2011.
Sénatrice PS, maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille, dans ces quartiers nord de la ville où le logement social dépasse allègrement le seuil de 20 %, Samia Ghali estime que le relèvement à 25 % « est absolument nécessaire » mais ne sera pas « suffisant ». « Je me réjouis que François Hollande se soit engagé à mettre le foncier de l'État gratuitement à disposition des bailleurs pour qu'ils construisent plus de logements sociaux. Mais la crise est telle qu'il faut aller plus loin, en imposant un quota de logements sociaux dans toutes les programmations immobilières, à partir du moment où elles visent à créer au moins 30 logements ».
Présidente de la commission urbanisme à Marseille Provence Métropole, la sénatrice n'est pas certaine, en revanche, que des amendes plus lourdes feront plier les villes récalcitrantes. « De plus, le financement récupéré doit être réellement affecté à la construction de logements sociaux et ne pas revenir vers les communes, comme certaines intercommunalités le font », affirme-t-elle. Le volontarisme politique est aussi une donnée, certes psychologique, qu'elle ne néglige pas. « J'ai fait le tour des communes de la communauté urbaine. Une fois expliquée, la loi paraît plus claire aux maires, moins coercitive, plus intelligente. La crise du logement touche tout le monde, même les communes dites riches, car les enfants des familles aisées ont aussi des difficultés à trouver des logements. Quant aux entreprises, elles ne s'installent sur un territoire que si elles ont la garantie que toutes les catégories de leur personnel trouveront un logement ».
Reste à s'entendre sur la définition du logement social. Quand Benoist Apparu souhaite intégrer dans le calcul l'accession sociale à la propriété, une franche césure apparaît avec la gauche. « Moi, je préfère l'expression logement familial à logement social, trop connoté ». Sept Français sur dix sont éligibles au logement social, mais il existe une échelle des revenus, du PLS (prêt locatif social), destinés aux revenus plus élevés, au PLAI (prêt locatif aidé intégration). « Aujourd'hui, il faut accorder une priorité absolue aux PLAI et sortir du calcul des 20 ou 25 % les logements destinés aux étudiants ou les maisons de retraite que certains maires utilisent de façon abusive pour contourner la loi », affirme Samia Ghali. Sans oublier de réactiver le droit de préemption des préfets lorsque certaines villes restent manifestement hors la loi. Un recours peu utilisé car complexe dans sa mise en œuvre, dont il faudra certainement faciliter le déclenchement.
« L'urgence est là », emboîte Thierry Repentin, sénateur PS de Savoie, et président de l'Union sociale pour l'habitat (USH). « On construit aujourd'hui environ 100 000 logements sociaux par an en France, essentiellement du fait de la mobilisation des collectivités territoriales. Mais cela ne suffit pas à faire diminuer la liste d'attente, qui stagne autour de 1,2 million de personnes. Il est donc clair qu'avec un seuil de 20 %, on ne parvient pas à rattraper le retard. Or, lorsque l'on analyse les bilans de la loi SRU, on se rend compte qu'un tiers des communes est au-delà des objectifs, un autre tiers est dans une stratégie de rattrapage et l'autre tiers ne construit pas. Une plus grande sévérité s'impose pour ce dernier tiers », assure-t-il (lire aussi l'article Leader en page 3). Les associations des grandes villes et des intercommunalités de France insistent de leur côté sur la nécessité de veiller à ce que cet équilibre dans l'offre de logement s'inscrive à l'échelle des agglomérations, pour que les maires soient moins jugés directement responsables de la réalisation de logements sociaux, ce qui est souvent pénalisant sur un plan électoral. Dévoilant les premières mesures de sa présidence, François Hollande a prévu une loi sur l'accès au logement entre août de cette année et juin 2013. Le temps est donc aujourd'hui à la concertation. « Il faudra plus de sévérité, c'est un fait, mais pas d'excès pour permettre aux maires les plus en délicatesse avec leur foncier de s'inscrire résolument dans une reconquête sociale du logement », conclut un bailleur social.
A lire
L'interview de Thierry Repentin "Logement : « il faut placer la barre plus haut"
À découvrir
Notre dossier thématique « Politique de la ville »
Pour se former
Formation d'Experts : Logement : quelle politique publique pour quels publics ?
Paris le 30/11 ou Lyon le 14/12
Renseignements au 04 76 65 61 00 ou par e-mail formation@territorial.fr
Monteur d'opérations de logement social
(14 jours - 105 heures)
Paris : du 18/09 au 29/11
Renseignements au 04 76 65 84 40 ou par e-mail cursus@territorial.fr