Le magazine des professionnels de la gestion territoriale.
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Article du numéro 444 - 01 juin 2012
Claire Gallon est administratrice de LiberTIC. Cette association nantaise s'emploie à promouvoir l'ouverture des données publiques et l'e-démocratie et accompagne les territoires dans le développement d'applications numériques d'utilité publique http://libertic.wordpress.com. |
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Après une année 2011 d'expérimentations, les collectivités s'engagent plus amplement dans des projets open data et le mouvement s'accélère. En 2012, une trentaine de projets sont ouverts ou en développement, contre une demi-douzaine en 2011. Cette tendance s'observe également à travers le monde : un seul projet de plateforme en 2009 et plus de 230 aujourd'hui. Les métropoles et les départements sont en pointe, tandis que les régions peinent à trouver leur positionnement. Seules l'Aquitaine et la région PACA sont aujourd'hui dans une démarche open data. Cependant, cet engouement ne représente pas une pleine appropriation du concept. Les démarches sont très hétérogènes. Certains font « acte de présence », se contentant de publier quelques jeux de données en ligne. D'autres s'inscrivent réellement dans une dynamique de refonte de leur système de gestion des données. Un tiers environ des initiatives actuelles sont véritablement dans une logique de pérennisation. Le reste n'est encore dû qu'à l'effet de mode.
Côté technique, il s'agit de profiter des chantiers open data pour rationaliser les systèmes informatiques, standardiser les pratiques pour faciliter la diffusion de données - en externe comme en interne -, décloisonner les démarches, pointer les incohérences et supprimer les redondances. Cela représente une remise en question des organisations et un chantier interne conséquent. Et pour l'engager, il faut accepter d'exposer son travail, de coproduire avec des parties prenantes extérieures, d'accepter la critique, ce qui requiert à la fois un engagement politique fort et un changement de culture en interne. Côté développement économique, l'enjeu est de simplifier l'accès et la réutilisation des données publiques pour favoriser le développement de nouveaux services sur les territoires. Cela passe par une standardisation et une harmonisation des données, lesquelles ne peuvent être envisagées au cas par cas, par système. Les entreprises qui réutilisent les données ont, en effet, besoin d'un marché national pour assurer la rentabilité des services. Ce qui implique des collaborations entre collectivités pour développer les standards de données ouvertes au niveau national. C'est un point crucial car la dissémination des plateformes locales pose la question de l'interopérabilité des données et de la pertinence d'une multiplication de supports.
C'est l'esprit même de l'open data que de considérer qu'il est possible de faire plus et mieux avec moins de moyens, grâce à l'ouverture, le partage et la coproduction. La philosophie de coopération portée par l'open data commence à se développer avec l'accueil des données des collectivités sur data.gouv.fr ou les pratiques de mutualisation inter-collectivités. La plupart des collectivités présentes lors la Rencontre du 1er février ont validé un accord de mutualisation des pratiques. Un outil collaboratif a été développé (opendatafrance.net). Un groupe de travail sur la normalisation développe un projet de standard de publication des jeux de données. La création d'un « app store de l'open data », afin de mettre en valeur les services développés autour des données publiques, est également envisagée, de même qu'un groupe de travail sur les aspects juridiques.
La question d'une nouvelle forme de gouvernance fait rarement partie des priorités des projets open data en France. Les données publiées sont essentiellement destinées au développement économique, pas à la lisibilité de l'action publique. Les budgets détaillés, répartition des subventions ou données sensibles ne sont pas pléthore. Le lien entre démocratie et données ouvertes n'en est pas moins réel et des projets emblématiques permettent de démontrer le potentiel. L'open data peut rendre l'action publique plus lisible, en permettant par exemple de visualiser la répartition des fonds et investissements de chaque administration (openspending.org). Il peut faciliter la lutte contre la corruption. En Ouganda par exemple, la publication des montants accordés à l'enseignement a permis de réduire les détournements de fonds de 80 % à 20 %. Il peut permettre de suivre l'activité des parlementaires (nosdeputes.fr) ou encore favoriser le débat autour de projets publics. Un quartier de Montréal par exemple utilise les données publiques financières pour proposer à ses habitants de définir un budget équilibré que les élus s'engagent à étudier (http://www.budgetplateau.com).