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Article du numéro 444 - 01 juin 2012
Auteur du livre « Communication de crise et médias sociaux » (Dunod, 2012), Emmanuel Bloch s'intéresse tout particulièrement à l'irruption du phénomène du web collaboratif dans l'économie, et à l'impact de ces nouvelles technologies sur toutes les facettes de l'activité économique. Tous les articles du numéro 444 |
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Emmanuel Bloch est directeur de la communication corporate du groupe Thales. Il a auparavant passé plus de 10 ans en agence de relations publiques (Groupe i & e, Agence Beau Fixe) où il a accompagné de nombreuses grandes marques, tant en BtoB qu'en BtoC. Diplômé de Sciences Com' (Groupe Audencia) et de l'Institut supérieur de gestion, il prépare, en parallèle de ses activités professionnelles, une thèse de doctorat sur la communication sensible et les médias sociaux à Paris II (Panthéon Assas - CARISM).
Oui et non. Ce qui n'a pas changé, ce sont les fondements de la communication en situation de crise, à savoir : l'anticipation, le respect et l'éthique. Ces postures restent tout à fait d'actualité et sans doute même un peu exacerbées dans le monde « virtuel ».
Au-delà de ces fondamentaux, les médias sociaux ont cependant bouleversé la communication de crise. Le premier changement c'est le nombre. Des réseaux comme Facebook ou Twitter permettent de rassembler en quelques heures des milliers, voire des millions de personnes autour d'une cause. Cet effet de masse transforme un simple incident en crise. L'autre élément majeur, c'est la multiplication de crises sans crise, ou plutôt de crises d'image. Dans ces cas, de plus en plus fréquents, la crise n'est pas due à un accident (incendie, problème de production, grève, pollution...) mais à la remise en cause du comportement d'une entreprise ou d'une institution. C'est Greenpeace qui s'attaque à Nestlé sur le sujet de l'huile de palme ou le site de pétition Avaaz à la Fédération internationale automobile pour qu'elle annule le Grand Prix de Bahreïn. Or, les entreprises se trouvent démunies face à ces typologies de crise, rarement évoquées dans les manuels et pour lesquelles elles ne se sont pas préparées, mais dont les conséquences peuvent être désastreuses pour l'image de l'entreprise et donc son activité.
La notion de « communication asymétrique » vient d'une analogie faite avec le monde militaire et la notion de « conflit asymétrique » (l'Afghanistan par exemple). Les stratégies de communication asymétrique ont pour principal objectif de stigmatiser le comportement d'une institution (entreprise, organisation gouvernementale, association...) sur des sujets précis. Mais à la différence d'une approche « traditionnelle », la cible de l'action ne sera plus les clients ou les pouvoirs publics, mais l'opinion publique.
Si les stratégies de communication asymétrique ne sont pas vraiment nouvelles, en revanche leur développement a été considérablement simplifié depuis l'avènement du web. Les outils de l'internet, les réseaux sociaux, blogs etc. permettent désormais de toucher directement l'opinion sans forcément être obligé de passer par un relais médiatique (même si celui-ci peut s'avérer extrêmement utile, voire décisif dans la défense d'une cause).
La communication asymétrique s'organise autour de principes simples qui en font toute l'efficacité, comme par exemple :
- la difficulté d'identification de l'émetteur : Facebook, Avaaz, Twitter permettent de fédérer plusieurs milliers de personnes sur une cause, sans pour autant que ces personnes soient organisées au sein d'une structure ;
- la provocation permanente : il s'agit de provoquer l'entreprise ou l'institution pour la faire sur-réagir ; cette réaction inappropriée devenant alors le véritable déclencheur de la crise ;
- la rapidité d'action : l'entreprise se trouve face à des mouvements qui réagissent et s'adaptent très vite, alors qu'elle-même se trouve contrainte dans ses actions par son organisation et ses processus ;
- le rôle décisif joué par de faibles échelons hiérarchiques : de même que le comportement inapproprié d'un soldat ou d'un groupe de soldats peut remettre en cause l'image des occidentaux en Afghanistan, un community manager peu habile peut également être à l'origine d'une crise majeure.
Cela dépend des types de crise. Pour les crises « traditionnelles », c'est-à-dire causées par un incident ou un accident, le rôle du web social sera essentiellement d'accompagner les actions de communication vers les médias habituels et de veiller à ce que les réseaux sociaux ne deviennent pas un foyer de « surcrise » en faisant émerger des rumeurs ou d'autres sujets potentiellement générateurs de crises.
Le cas des crises d'image où l'entreprise se retrouve dans une situation « asymétrique » est complètement différent. Là, le principal rôle de la communication est d'empêcher que la crise ou le sujet sensible n'atteigne les médias « traditionnels » et reste cantonné au monde « virtuel ».
Le premier grand cas de crise sur les médias sociaux a été l'attaque de KitKat faite par Greenpeace en mars 2010. Pour protester contre l'usage fait par Nestlé d'huile de palme - en provenance de plantations à l'origine de déforestations massives selon Greenpeace -, l'organisation écologiste a mené une grande campagne sur les médias sociaux mêlant parodie de film publicitaire, pétition, prise de parole sur l'espace Facebook de Nestlé... Mais véritablement, ce qui a déclenché la crise et mobilisé les internautes, ce n'est pas la cause défendue, mais la réaction perçue comme inappropriée de Nestlé. En effet, la multinationale a non seulement tenté de faire retirer le film parodique de Youtube (geste perçu comme une « censure ») mais de plus s'en est pris aux internautes qui s'exprimaient de façon critique sur le « mur » Facebook de la marque. Au final, en moins de trois semaines, face au mouvement de contestation, Nestlé a fait marche arrière et s'est engagé dans une politique de sélection rigoureuse de ses fournisseurs.
Le premier, c'est le coût. Contrairement à ce que beaucoup croient, ce n'est pas parce que la plupart de ces outils sont gratuits, qu'ils ne coûtent rien... Au contraire, ils requièrent de nombreuses ressources. BP, lors de la crise causée par l'explosion de la plateforme pétrolière dans le Golfe du Mexique avait mandaté plusieurs dizaines de personnes dans le seul but d'alimenter le fil Twitter de façon continue et pour interagir avec les internautes. Le secret des médias sociaux, c'est ce côté « social », conversationnel. Sans cela, le risque est grand d'avoir une page Facebook complètement délaissée ou seulement utilisée par les clients mécontents... La question se pose souvent également de savoir si les médias sociaux sont utiles pour tous les types d'entreprises (PME, marque nationale...).