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Stationnement : des économies "souterraines" !

Article du numéro 444 - 01 juin 2012

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À l'heure des recherches d'économies tous azimuts, il est une source peu visitée : la gestion du stationnement, souvent confiée au privé en délégation de service public. Or, stationnement de surface et parkings souterrains sont souvent traités ensemble alors que les différences sont notoires. Une plus grande vigilance dans la rédaction des contrats sera source de substantielles économies.

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La politique des collectivités relative au stationnement sur voirie et en ouvrages s'inscrit dans un environnement concurrentiel fort où se côtoient les acteurs privés et publics. Elle nécessite des investissements initiaux lourds mais dont l'exploitation est relativement simple. Dans ce contexte, nombreuses sont celles à avoir transféré la compétence du stationnement public, tout en conservant leurs prérogatives de police.
Mais il y a des points de vigilance incontournables à observer lors de négociation.


Les conventions globales de stationnement : une bonne affaire ?

La gestion déléguée regroupe fréquemment le stationnement sur voirie et le stationnement en ouvrages. Les collectivités ont en effet tendance à accepter le regroupement au sein d'une même délégation de deux services publics de nature différente : le stationnement de surface, relevant de la police de voirie, qui est un service public administratif (SPA) et le stationnement en parcs souterrains, qui est un service public industriel et commercial (SPIC).
Le stationnement hors voirie est le plus souvent structurellement déficitaire. Les collectivités et les opérateurs ont donc élaboré des montages afin de déléguer de façon globale les deux activités : l'une très rentable (le stationnement sur voirie), l'autre qui ne l'est pas régulièrement (le stationnement en ouvrages). Objectif : compenser un déficit probable par un éventuel excès de rentabilité. Incidemment, ce mécanisme de convention globale vise donc à un alignement de la durée des deux types de contrats. Pour autant, il faut assurer la transparence des deux types de gestion, afin de faciliter toute mutation ou évolution, mais aussi leur contrôle, en particulier dans un contexte de réflexion croissante autour des plans de transport urbain... Ce regroupement, qui ne simplifie pas systématiquement la gestion, est critiquable à plus d'un titre : en effet, si la durée d'un contrat de délégation doit être ajustée au temps nécessaire pour permettre au délégataire un retour sur investissement convenable, « pour les contrats relatifs à l'exploitation du stationnement payant sur voirie, qui nécessitent un faible investissement, générateurs de faibles charges et de recettes importantes, une durée de six ans est considérée comme un maximum. Pour le stationnement en ouvrages, qui nécessite des investissements plus lourds et plus longs à amortir, induisant des charges importantes, et qui comporte habituellement une part de risques pour le gestionnaire, une durée maximale de 24 ans est préconisée. Elle peut être étendue à 30 ans en cas de concurrence entre plusieurs candidats, comme ce fut le cas à Brest (1) ».
En outre, ce regroupement fait partager les risques générés par une partie du contrat à l'ensemble de la politique du stationnement (voirie et ouvrages), sans que cela soit nécessaire et économiquement intéressant pour le délégant. Loin s'en faut... Une réflexion sur la connexité des conventions pourrait donc être utilement menée par les collectivités.
Outre les clauses relatives à la durée des contrats ou au maintien de leur équilibre économique en cas d'augmentation ou de diminution des investissements (qui ne sont pas spécifiques au stationnement public), il est important d'être attentifs à différents points importants.


Les hypothèses de fréquentation, de nombre de places et de taux de respect

Les hypothèses de fréquentation des parcs souterrains, souvent exprimées de manière trop synthétique dans les comptes prévisionnels d'exploitation, doivent être explicitement prévues.

Les contrats de stationnement payant sur voirie prévoient des clauses permettant au délégataire de se prémunir contre les facteurs de risques les plus probables et influant le plus sur la rentabilité du projet : le nombre de places disponibles et le taux de respect (2). Paradoxalement, les contrats des parcs souterrains ne prévoient pas régulièrement ce type de clauses relatives aux hypothèses de fréquentation.
Des clauses relatives au nombre de places en voirie et au taux de respect exprimé tant en pourcentage (%) ou en heures payées par jour (HPPJ) sont prévues aux contrats. Mais, on se contente habituellement de stipuler que, si ces paramètres ne sont pas atteints ou dépassés, ou dans le cas de toutes autres anomalies constatées de nature à réduire le niveau de recettes et remettre en cause l'équilibre financier du contrat, « les parties se rapprocheront pour définir et faire appliquer, dans les meilleurs délais, les mesures appropriées permettant d'atteindre cet objectif. En cas d'insuccès, les clauses du contrat pourront être examinées en vue du rétablissement de l'équilibre financier » sans être plus clair (sic). Pour les parcs en ouvrages en revanche, il est moins fréquent que des clauses relatives aux hypothèses de fréquentation soient mentionnées. Il faudra donc veiller à être vigilant également sur ce point.
Enfin, les collectivités devraient tenter de négocier avec le délégataire un seuil précis déclenchant l'intervention du délégant et les types de risques qu'il s'engage explicitement à prendre en compte. S'il est utile de rappeler que les clauses atténuant leur impact sur l'équilibre économique du contrat ne remettent pas en cause le principe de la gestion du risque par le délégataire, il n'en demeure pas moins que, notamment compte tenu de leur fréquente imprécision de rédaction, le délégant pourrait être amené à compenser les pertes éventuelles du délégataire dès le premier euro de diminution. Est-ce le but recherché ?


Les tarifs à la charge des usagers et leur évolution

Les conditions tarifaires du stationnement sur voirie sont fixées par arrêtés municipaux après délibérations du conseil municipal au regard de la politique globale du stationnement. Pas question donc de retenir expressément une quelconque automaticité d'augmentation des tarifs, le conseil municipal étant souverain en la matière. En revanche, le délégataire est en général libre de fixer les tarifs des parcs souterrains, pour autant que le tarif ne dépasse pas les tarifs TTC maxima actualisables prévus au contrat. Il n'est donc pas tenu - juridiquement s'entend - par les décisions relatives à la gestion du stationnement sur voirie.
Ces tarifs sont révisés chaque année, selon une formule usuellement énoncée de la manière suivante :
K = pondération A + [pondération B x BT01/BT01O] + [pondération C x S/SO]

Les éléments de la formule seront les suivants :
K = coefficient multiplicateur d'adaptation annuel
S = valeur de l'indice mensuel élémentaire des salaires régionaux dans les industries du BTP
BT01 = valeur publiée de l'indice du coût de la construction en bâtiment
Pondération A = pondération des coûts fixes
Pondération A + pondération B + pondération C = 1.

Si les paramètres retenus sont en relation directe avec l'objet des contrats, leur pondération ne reflète cependant pas fréquemment la structure des charges de la délégation telle qu'elle ressort du compte prévisionnel d'exploitation ou du détail des charges d'exploitation du compte rendu financier. La part des dépenses de personnel est ainsi régulièrement surévaluée dans la formule de révision. À l'inverse, la part des autres charges, dont l'évolution est mesurée par celle de l'indice BT01, est sous-évaluée. Enfin, lorsque la formule de révision des tarifs comprend une part fixe (amortissement et frais financiers), celle-ci devrait représenter une part très significative des charges.
Des clauses devront stipuler que pour tenir compte de l'évolution des conditions économiques et techniques et pour s'assurer que la formule d'indexation est bien représentative des coûts réels, les tarifs, la composition de la formule de variation, y compris la partie fixe, les redevances, sont soumis à réexamen régulier.


Le mode de calcul des redevances

En déléguant la gestion des parcs de stationnement en ouvrage et du stationnement sur voirie, le délégant devrait, en toute logique, préférer les redevances fixes qui, par rapport aux redevances complémentaires variables, sont certaines dans leur principe et dans leur montant. Pourtant, ce n'est généralement pas le cas.
Le délégataire est tenu de verser au délégant une redevance d'occupation du domaine public, révisable annuellement dans les mêmes conditions que les tarifs du stationnement. Mais, il ressort rarement des pièces du dossier d'appel d'offres que la détermination du niveau de la redevance d'occupation du domaine public ait fait l'objet d'une consultation du service des domaines. En général, le montant de cette redevance fixe semble être calculé de façon à ce qu'elle soit d'un niveau marginal par rapport à l'économie globale du projet. Et il est fréquent que le mode de calcul de cette redevance fixe ne respecte pas les principes posés par la jurisprudence administrative, selon laquelle « les redevances imposées à un occupant du domaine public doivent être calculées [...] en fonction de la valeur locative d'une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle la permission est délivrée » (3). Aurait-elle été dénommée « redevance fixe » sans référence à l'occupation au domaine public que cette redevance aurait pu être d'un montant variable mais déterminé sur toute la durée du contrat.
Outre le paiement d'une redevance d'occupation du domaine public couramment qualifiée de « redevance fixe », les contrats prévoient le versement annuel par le délégataire au délégant d'une redevance de performance, ou « clause de retour à meilleure fortune » dite « redevance variable ». Le montant de ces redevances est indexé sur la base des résultats de la formule d'actualisation des prix. Le mode de calcul est généralement indiqué et est justifié dans les contrats, conformément aux dispositions de l'article L.1411- 2 du CGCT.
La collectivité devrait donc revoir les modes de calcul de la redevance fixe afin qu'elle prenne en compte la valeur locative des terrains mis à disposition, au besoin en s'appuyant sur un avis du service local de France Domaine, et tenter de percevoir un montant de redevances, fixe et variable, qui permettrait d'atténuer l'effort financier engendré par la constitution et la gestion de l'équipe d'ASVP nécessaires.


L'inventaire des biens

Fréquemment, aucun article des contrats ne stipule qu'au plus tard à la mise en service des équipements, un inventaire quantitatif et qualitatif indiquant tous les biens qui en font partie lui sera annexé et qu'il devra être mis à jour et produit régulièrement, voire tous les ans, par le délégataire. Il n'y a donc pas la possibilité de mentionner pour chaque bien sa localisation, ses valeurs (valeur historique, amortissement pratiqué, valeur nette comptable) et les interventions subies (grosses réparations ou gros entretien, voire renouvellement). Pourtant, la collectivité doit verser en fin de concession un montant correspondant à la valeur nette comptable des biens de retour. Ce document est donc essentiel au suivi et au contrôle de chaque contrat (GER, biens de retour, renouvellement des conventions) et d'une importance déterminante à la fin du contrat, à son échéance normale ou avant, dans la répartition de la propriété des équipements et le calcul des éventuelles pénalités ou indemnités.


L'incidence financière du contrat de DSP

Les contrats stipulent tous que le délégataire assure le service à ses risques et périls (sic). Les équipements sont en général financés par capitaux propres et financement externe, étant précisé que ce dernier aurait pu être contracté par la commune qui devrait, théoriquement, obtenir des conditions plus avantageuses qu'une entreprise privée. Pour le délégataire, le recours à l'emprunt a l'avantage d'accroître la rentabilité du projet, les charges financières étant déductibles de l'impôt sur les sociétés. Mais, il constitue un risque en cas d'aléas défavorables dans le déroulement du projet, pour le délégataire mais également pour la commune qui serait éventuellement amenée à reprendre le contrat.

Nous venons de passer en revue quelques points d'attention des contrats de DSP de stationnement, étant bien noté que les clauses de ces contrats visent à instaurer un système équilibré, qui permet à la fois au délégant de garantir le respect de sa politique globale de stationnement et de tenter de bénéficier de l'augmentation de la rentabilité du projet, et au délégataire de se couvrir contre des évolutions modifiant sensiblement la rentabilité du projet. En conclusion, l'évolution des secteurs public et parapublic, dans un contexte général de déréglementation des services, place les collectivités sur un marché de plus en plus contraignant où la connaissance des coûts devient un facteur déterminant de pérennité. Cette perspective rend donc nécessaire l'évaluation et la maîtrise des points d'attention évoqués au bénéfice des intérêts de la collectivité.

1. Rapport d'observations définitives sur la gestion des exercices 2003 et suivants de la communauté urbaine de Brest Métropole Océane (BMO) de la CRC de Bretagne.
2. Rapport entre le nombre instantané de véhicules en stationnement régulier et le nombre de véhicules stationnant sur places payantes.
3. Conseil d'État, 21 mars 2003, « Syndicat intercommunal


Attention aux charges de structure !

On vise ici à sensibiliser sur le niveau des charges de structure indirectes figurant aux comptes prévisionnels d'exploitation. La collectivité a intérêt à suivre l'évolution des postes de ces charges et à en contrôler, au besoin par des justificatifs, la réalité.


Prévoyez le risque juridique

Les contrats devraient explicitement prévoir que tous les éléments, et leurs incidences financières qui ne sont pas clairement identifiés comme étant à la charge du délégant ou d'un tiers, sont à la charge exclusive du délégataire.
Et, s'il est fait référence à la qualité du service et à des objectifs identifiés, il semble pourtant avéré que ceux-ci ne précisent pas suffisamment d'indicateurs chiffrés, avec une pénalité financière en cas de défaut. Ces clauses revues feraient alors peser sur le délégataire un véritable risque de gestion.


Témoignage

Thierry Dalmas, DGS de la Seyne-sur-Mer (83)

« Mettre un terme à la DSP a été une bonne décision »
« Nous avons décidé en 2010 de mettre un terme à la délégation de service public sur deux parkings, un à construire, l'autre à réhabiliter, dont Q-Park était le délégataire. Avec un peu de recul, je pense que nous avons pris la bonne décision. Nous enregistrons un déficit de 66 000 euros sur le parking réhabilité alors que nous craignions à l'époque que la facture s'élève à 300 000 euros. De plus, nous avons pu appliquer notre propre politique tarifaire, avec des abonnements adaptés aux profils sociaux des habitants. Le taux de fréquentation est élevé, de l'ordre de 85 %. La première heure coûte 1 euro, l'autre est gratuite. Q-Park réclamait 1,30 euro pour la première heure et les autres heures étaient payantes. Nous ne sommes pas dans les mêmes logiques. Ce retour dans le giron municipal a certes un coût, 3 M. d'euros. Mais il nous offre la possibilité d'agir sur la dynamique commerçantedu centre-ville sans être tributaire du délégataire ».