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Harcèlement sexuel : double peine pour les victimes

Article du numéro 443 - 15 mai 2012

Cahier RH - Actus statutaires

L'infraction de harcèlement sexuel vient de tomber sur les coups du Conseil constitutionnel qui a constaté que ce délit était décidément nimbé de contours trop flous... Ce qui s'avère difficile à contester sur le fond. Mais les conséquences de cette décision sont redoutables.

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C'est l'histoire de Gérard D. un ancien parlementaire, adjoint au maire, condamné à hauteur d'appel pour harcèlement sexuel. Un harceleur qui a eu la peau de ses victimes puis du Code pénal. En effet, Gérard D. n'a pas harcelé que sa ou ses victimes : il a aussi harcelé l'article 222-33 du Code pénal. Et, dans les deux cas, il a gagné.


L'échec de la simplification de 2002

Il est vrai que cette infraction est, ou plutôt était, un peu trop floue pour passer le crible de la « question prioritaire de constitutionnalité » du Conseil constitutionnel. Était sanctionné (d'ailleurs assez légèrement au regard des autres infractions comparables) : « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Que sont ces faveurs ? On peut deviner. Mais qu'est-ce que harceler ?
Ce texte a connu bien des évolutions. Avant 2002, par exemple, le harcèlement se matérialisait « en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves ». Voilà qui était un peu flou, mais qui restait à peu près définissable. Certes, des coupables passaient entre les mailles du filet, mais le filet existait et ne prenait pas (pas trop) des innocents. Las, sous diverses pressions, une loi du 17 janvier 2002 avait modifié ce texte pour ne plus retenir comme élément de l'infraction que le « harcèlement » lui-même, non défini. C'est ce que le Conseil constitutionnel ne pouvait pas laisser passer.


Un sinistre effet domino

Du coup, l'infraction se trouve rayée du Code pénal. Avec effet immédiat. Bien sûr, l'article 62 de notre Constitution aurait permis au Conseil constitutionnel de reporter à une date ultérieure l'effet de cette annulation. Mais il ne l'a pas fait. Peut-on l'en blâmer ? Difficilement, puisque le principe reste que la loi pénale doit être précise, non rétroactive et doit s'interpréter restrictivement (voir l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen). Peut-être le Conseil constitutionnel aurait-il dû avoir l'audace de censurer la version actuelle en faisant revivre la version antérieure à 2002, plus précise et sans doute constitutionnellement correcte.
Toujours est-il que du coup toutes les procédures pénales en cours, y compris à hauteur d'appel, vont tomber l'une après l'autre, tels de sinistres dominos. Du point de vue des victimes, c'est la double peine : à la souffrance initiale succédera la douleur de l'acquittement du coupable... En attendant une nouvelle loi promise par François Hollande à la veille du second tour. Avec sans doute une formulation assez proche de celle d'avant 2002. Dix ans pour rien.


Procédures en cours : que faire ?

Pour les procédures en cours, côté victime, reste :
- à engager des poursuites pénales sur le fondement du simple harcèlement au titre de l'article 222-33-2 du Code pénal. Cet article, un peu moins flou que feu l'article 222-33 de ce même code, passera peut-être le cap d'un examen du Conseil constitutionnel... Peut-être...
- à demander réparation indemnitaire devant le juge judiciaire (art. L.1153-1 et suivants du Code du travail) ou administratif, selon les cas...
- parfois, dans le cas de harcèlement commis par un agent, à appuyer (par une action, en cas de contentieux, en « intervention volontaire ») l'action de l'administration au titre d'une sanction disciplinaire contre le harceleur.


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