La Lettre du cadre territorial

Le magazine des professionnels de la gestion territoriale.

Accueil > Magazines > Lettre du cadre

La Lettre du Cadre Territorial

Un magazine à destination des cadres de la filière administrative qui balaye l'ensemble des questions managériales et décrypte l'actualité dans les domaines RH, finances et juridiques sur un ton impertinent, engagé et incisif.

Ajouter au panier Vous abonner (voir tarif )
(Règlement par CB, chèque bancaire ou mandat administratif)

A partir de :

129 €

Uniformité jacobine = inégalité républicaine

Article du numéro 443 - 15 mai 2012

Repères

Uniformité jacobine = inégalité républicaine. Curieuse formule, non ? A priori à rebours des idées reçues et des réalités perçues. Et pourtant, tellement vraie !

Envoyer cette page à un ami

Soyez le premier à rédiger un commentaire !

Tous les articles du numéro 443

Télécharger cet article en PDF

Prenons, par exemple, une politique publique fondamentale, au c½ur de la République, au centre des préoccupations des Français : l'Éducation nationale. Totalement centralisée jusqu'en 1985, les communes et les départements étant seulement sommés de participer aux dépenses de construction et de gestion des bâtiments scolaires, la politique éducative étatique était censée par nature assurer l'égalité des chances de tous les enfants sur l'ensemble du territoire républicain. Et nul n'aurait osé imaginer que ce n'était pas le cas, de la volonté nationale aux réalités locales.


Le rideau déchiré de l'Éducation nationale

Or, il n'en était rien, et ce que l'uniformité jacobine masquait, la décentralisation le fit apparaître lorsque les régions demandèrent et obtinrent (difficilement !) une régionalisation des statistiques nationales du ministère afin de pouvoir élaborer les premiers schémas prévisionnels régionaux de formation. Le rideau déchiré, on découvrit de fortes inégalités entre les régions quant aux résultats quantitatifs et qualitatifs du système scolaire par suite d'une affectation fortement différenciée territorialement de ses moyens par l'État. Conscients de l'enjeu et de leurs responsabilités, départements et régions firent tout ce qui était en leur pouvoir pour corriger cette situation et gommer ces inégalités : rénovation des constructions, édification de nouveaux collèges et lycées, augmentation des moyens de fonctionnement, financement des innovations technologiques ou pédagogiques,...
Et l'État ? Le conflit qui opposa la communauté éducative de Seine-Saint-Denis à Claude Allègre, ministre de l'Éducation nationale de Lionel Jospin, révéla que l'État servait mieux les établissements scolaires parisiens, que ceux implantés au-delà du périphérique. C'était il y a plus de dix ans. Et un récent rapport de la Cour des comptes confirme, tous critères confondus, qu'il en est toujours ainsi.


Un constat valable partout

Un constat de même nature peut être dressé, quelle que soit la politique publique considérée ayant fait l'objet d'une certaine décentralisation depuis 1982 : la formation professionnelle, l'apprentissage, le réseau routier national, les aménagements portuaires, le RMI devenu RSA, les effectifs des agents non enseignants dans les établissements scolaires, les transports ferroviaires régionaux. Et ce constat vaut aussi pour les domaines restés de la responsabilité de l'État mais qui ont bénéficié de la volonté des régions d'aller de l'avant : les universités, la recherche, les nouvelles technologies, le patrimoine historique, les lignes ferroviaires à grande vitesse, les autoroutes, les nouvelles énergies, l'environnement,...
Ainsi, en moins de 30 ans, du fait de la motivation, de la stimulation, de l'innovation qu'elle impulse, la décentralisation enclenchée en 1982 a fait plus, et plus clairement et démocratiquement, pour l'égalité de traitement dans l'ensemble de l'Hexagone que la centralisation exacerbée d'antan. La décentralisation n'est pas, par essence, source d'inégalités, pas plus que la centralisation n'est, par essence, garantie d'équité. Mais elle comporte un avantage structurel : par essence, elle fait voler en éclat l'opacité qui affecte presqu'obligatoirement la mise en ½uvre centralisée d'une politique publique, son apparente uniformité théorique voilant son hétérogénéité pratique.