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«Prenons en charge la souffrance psychosociale»

Article du numéro 438 - 01 mars 2012

Leader

Laurent El Ghozi est conseiller municipal de Nanterre et président de l'Association « Élus, santé publique et territoires » (ESPT) - www.espt.asso.fr

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Pourquoi avoir mis le thème « citoyenneté et santé mentale » au c½ur des 1res Rencontres nationales des Conseils locaux de santé mentale (1) ?

La santé mentale est une préoccupation récurrente des élus locaux ; la moitié des 12 journées d'études organisées par ESPT depuis 2005 se sont intéresséesà cette thématique. La question est ancienne et force est de mesurer que la souffrance psychosociale ne cesse de croître, notamment sous l'effet de l'augmentation de la précarité, des situations d'isolement, des pressions professionnelles... Trop souvent, la réponse réside dans l'hospitalisation complète. Autrement dit, dans la relégation dans des établissements spécialisés. Alors que la loi affirme le droit de tous - y compris donc des malades mentaux - à vivre dans la cité, ils en sont en réalité exclus. C'est une logique de stigmatisation et de discrimination étrangère au respect des droits du patient-citoyen.


Quelle est cette « psychiatrie citoyenne » pour laquelle vous plaidez ?

La santé mentale doit être prise en charge dans la cité et non pas en dehors de celle-ci. Cela implique d'achever la sectorisation de la psychiatrie. Selon la Cour des comptes elle-même, les ressources sont mal réparties : trop de moyens sont encore alloués à l'hospitalisation et pas assez à la psychiatrie ambulatoire, celle qui permet justement aux malades d'être pris en charge sur leur lieu de vie et non pas dans des établissements souvent éloignés du lieu de résidence habituel (2). Cela implique également la coresponsabilité des élus locaux dans la détermination de la réponse apportée au patient et à ses proches, pour qu'ils puissent vivre normalement dans la ville. Les conseils locaux de santé mentale (CLSM) sont des outils pertinents pour cette concertation locale. La Cour des comptes en préconise désormais la généralisation.


Que peut apporter concrètement la mise en place d'un CLSM ?

Le CLSM permet de développer des modes alternatifs de prise en charge globale - prévention, soins, rétablissements, accès aux droits, etc. - des personnes. En réunissant l'ensemble des acteurs concernés - le maire, les professionnels de la psychiatrie, les bailleurs, les travailleurs sociaux, les services de police, la justice... - on s'offre la possibilité d'une approche pluridisciplinaire et transversale des questions de santé mentale. Cela oblige à considérer chaque situation comme différente et n'appelant pas systématiquement une réponse en termes d'hospitalisation. En effet, si chaque acteur pris isolément est le plus souvent impuissant à apporter une réponse alternative à la privation de libertés, le partenariat peut, lui, déboucher sur une proposition plus respectueuse des personnes et de leurs familles.


Quels sont les freins à la généralisation du dispositif ?

Le développement des CLSM implique un volontarisme politique fort et durable, ainsi que l'engagement convergent des partenaires. Il est, en effet, toujours plus facile de renvoyer la responsabilité à d'autres que de promouvoir une politique volontariste « d'inclusion sociale ». Le travail partenarial a également ses exigences et ce n'est pas toujours facile de rapprocher des objectifs à la fois différents et légitimes. Les psychiatres eux-mêmes sont réticents à « sortir » de l'hôpital pour aller à la rencontre des patients, des élus... Il faut aussi lever certains freins institutionnels. Les CLSM ne disposent pas de cadre réglementaire. Nous demandons donc la définition d'un référentiel complet, mais souple pour s'adapter à chaque territoire. Leur développement exige également un financement pérenne permettant de recruter un coordinateur. L'instance participant de la déshospitalisation, on doit pouvoir envisager des transferts depuis les budgets hospitaliers. Enfin, nous plaidons pour leur inscription dans les programmes régionaux de santé, actuellement en cours de finalisation, et pour que les Contrats locaux de santé signés entre les villes et les ARS prévoient la mise en place obligatoire d'un CLSM.

1. 6 janvier 2012, Hôtel de ville de Paris. En partenariat avec le Centre collaborateur de l'OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS).
2. Les pathologies psychiatriques représentent 1 million de prises en charge, soit un coût de 13 Md¤ par an pour le régime général. Près de 10 000 patients seraient hospitalisés depuis longtemps en service psychiatrique aigu alors que leur état de santé permettrait une prise en charge via des structures alternatives moins coûteuses (Cour des comptes, Rapport sur le Plan psychiatrie et santé mentale 2005-2010, janvier 2012).