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Pour une approche fractale

Article du numéro 433 - 01 décembre 2011

Tribune libre

Même avec les outils de calcul les plus sophistiqués, les économistes sont incapables de prévoir tous les paramètres de notre avenir. Dans notre quotidien, nous devons composer avec cette incertitude, tout en travaillant à l'avenir de nos actions. En management, cela signifi de ne pas opposer les démarches de performance et celles visant une « haute qualité managériale ».

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Économiste : expert qui saura demain pourquoi ce qu'il a prédit hier n'est pas arrivé aujourd'hui ». Cette formule de Pierre Desproges est déjà ancienne mais elle semble, vu la sidération des « experts » depuis 2008, une sentence indémodable. Nous continuons paradoxalement à écouter ces prophètes désavoués. S'ils se trompent « à coup sûr » depuis 1929, 1974, 1987, 1998 et 2008, est-ce parce que leurs outils sont faussés ?


Partir des faits

Benoît Mandelbrot se posait cette question dans son livre Une approche fractale des marchés. D'après lui, les instruments habituels des économistes et des banques (modèles CAPM, Black et Scholes, etc.) sont inappropriés pour décrire le présent et anticiper l'avenir. Un grand nombre de phénomènes (crues du Nil, lignes côtières mais aussi fluctuations des marchés) obéiraient à différentes formes de hasard, plus ou moins « rugueuses », descriptibles grâce aux fractales.

La réalité est plus sauvage et effrayante que les courbes idéales de modèles abstraits. Mandelbrot et certains autres ont un grand avantage : ils partent des faits (asymétrie de l'information, biais cognitifs et émotionnels) et non de dogmes, comme celui de l'efficience des marchés.

Si l'histoire est chaotique, la vie entière serait-elle fractale ? L'univers est incertain, inobservable et indémontrable, mais nous continuons à vouloir planifier et réduire les risques inhérents à l'existence.

Nous savons que les programmes pluriannuels d'investissement, comme nos projets d'administration, seront ajustés chaque année. La théorie de François Jullien opposant la planification occidentale à la souplesse chinoise est séduisante, mais elle nie le désir de rationalité de chaque individu, quelle que soit sa culture. Dans nos institutions nous devons être les garants du désir de clarté et d'horizon, tout en étant conscients du caractère imprévu des événements.


Apprivoiser l'imprévu

Si le hasard et la contingence sont naturels, nous sommes alors moins inquiets devant les soubresauts du temps. Nous élaborons des projets et des rapports de performance, qui ne font que mesurer des écarts entre ce qui est prévu et le résultat qui ne peut être que différent. Les exercices visant à vouloir enfermer le monde dans des chiffres sont-ils vains par définition ? Il apparaît impossible de décrire un système aussi riche qu'une société humaine avec des méthodes simplistes et mono-disciplinaires.

Il est assez rassurant que le management des individus ne soit pas réductible à des formules mathématiques. Le pragmatisme, l'imagination et la psychologie seraient-ils plus utiles que la logique ? Je ne pense pas qu'il faille opposer les démarches de performance et celles visant une « haute qualité managériale ». Elles sont l'avers et le revers d'une même médaille : la tentative de réconcilier l'acteur avec le système. L'intérêt principal d'un tableau de bord réside sans doute dans la discussion qu'il suscite et dans l'exercice, vain et fabuleux, d'une quête de sens perpétuellement à renouveler. C'est déjà considérable.