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Fiche pratique n° 8  Vers une communication publique sans stéréotype de sexe ?

 

Depuis quelques années, un débat concerne la communication publique. Il se concentre sur les préjugés sexistes qui contribuent à accroître l’inégalité entre les femmes et les hommes. Pour inverser la tendance, le gouvernement a commandé en 2015 un Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe au Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes. Ses recommandations sont censées être reprises par tous les organismes publics dont les collectivités territoriales. Cependant, particulièrement critiquées à leur sortie, une partie des propositions ont en partie été remises en cause par une circulaire du Premier ministre publiée en novembre 2017.

 

A - Une démarche inscrite dans des textes

 

Les recommandations du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes s’appuient sur des textes bien établis à tous les niveaux politiques et administratifs.

 

1. Au niveau européen

 

Le Conseil de l’Europe a adopté, en 2008, une recommandation visant « l’élimination du sexisme dans le langage et la promotion d’un langage reflétant le principe d’égalité entre les femmes et les hommes » (Recommandation CM/Rec(2007)17).

 

2. Au niveau de l’État

 

Les feuilles de route ministérielles issues du Comité interministériel aux droits des femmes (CIDF) comportent des actions relatives à la communication institutionnelle.

Dans la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014, l’article 1 consacre « une approche intégrée de l’égalité ».

 

3. Au niveau des collectivités territoriales

 

- Loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014, art. 61 : préalablement aux débats sur le projet de budget, les collectivités doivent présenter un rapport sur la situation locale en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et les orientations et programmes visant à améliorer cette situation ;

- protocole d’accord du 2 juillet 2013 signé entre le ministère des Droits des femmes et les grandes associations de collectivités : l’égalité femmes-hommes doit être prise en compte à toutes les étapes des politiques publiques, au moment notamment de leur mise en œuvre et de leur diffusion via les documents de communication tant internes qu’externes ;

- art. 6 de la Charte pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale de l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE).

 

B - Les dix recommandations du Guide pratique

 

1. Éliminer toutes les expressions telles que Chef de famille, Mademoiselle, Nom de jeune fille, Nom patronymique, Nom d’épouse et d’époux, En bon père de famille

 

En fait ces expressions qui renvoient les femmes et les hommes à des rôles sociaux traditionnels ont déjà été bannies du droit français.

La circulaire n° 5575/SG du 21 février 2012 impose ainsi la suppression, dans les formulaires et correspondances des administrations, des termes « Mademoiselle », « Nom de jeune fille », « Nom patronymique », « Nom d’épouse » et « Nom d’époux ».

 

2. Accorder les noms de métiers, titres, grades et fonctions avec le sexe des personnes qui les occupent

 

Cette recommandation était déjà prévue par les circulaires du 11 mars 1986 et du 6 mars 1998 relatives à la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres.

Le guide linguistique téléchargeable en ligne « Femme, j’écris ton nom »(*) permet de retrouver plus de 2 000 noms de métiers, titres, grades ou fonctions au masculin et au féminin.

 

ÉviterPréférer
Madame le chef de bureauMadame la cheffe de bureau
Madame le préfetMadame la préfète
Madame le directeurMadame la directrice
Madame le sénateurMadame la sénatrice
Madame le maireMadame la maire

 

3. User du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et toutes

 

À l’oral, le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe recommande d’utiliser les mots et/ou adjectifs au féminin par ordre alphabétique dans la mesure du possible.

 

Exemples : l’égalité femmes-hommes, les lycéennes et les lycéens, les sénateurs et les sénatrices, les acteurs et les actrices, les Français et les Françaises.

 

À l’écrit, la forme préconisée pour l’oral reste valide. Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes propose aussi que le point puisse être utilisé alternativement en composant le mot comme suit : racine du mot + suffixe masculin + point + suffixe féminin.

C’est cette recommandation qui a fait l’objet du plus de critiques.

Exemples : l’enseignant.e, les enseignant.e.s ; la.le sénateur.rice ; un.e conseiller.ère municipal.e ; des conseiller.ère.s municipaux.ales ; la.le chercheur.e.s

 

Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes considère que le point a l’avantage d’être peu visible pour ne pas gêner la lecture, d’être plus aisé pour les logiciels adaptés aux personnes malvoyantes, de faciliter l’écriture sur les claviers informatiques.

Conscient de la difficulté d’écriture, le guide propose de privilégier :

- les mots épicènes, c’est-à-dire les mots dont la forme ne varie pas entre le masculin et le féminin.

Exemples : un.e élève ; un.e membre, un.e fonctionnaire, etc. ;

- des mots désignant indifféremment une femme ou un homme ou des mots « englobants ». Exemples : une personne, un être humain, le corps professoral, le peuple, le public, etc.

C’est cette recommandation qui a fait l’objet du plus de critiques.

 

4. Utiliser l’ordre alphabétique lors d’une énumération de termes identiques (ou équivalents) au féminin et au masculin

 

Cette proposition est faite afin de varier et de ne pas systématiquement mettre le masculin en premier, par habitude, ou en second, par galanterie.

Exemple : égalité femmes-hommes, les lycéennes et les lycéens, les sénateurs et les sénatrices.

 

5. Présenter intégralement l’identité des femmes et des hommes, avec leurs prénom et nom, ainsi que leur métier quand cela est approprié

 

Les femmes sont, plus fréquemment que les hommes, présentées par leur prénom uniquement, étant précisée leur qualité d’« épouse de » ou de « mère de x enfants », quand les hommes sont présentés le plus souvent avec leur prénom et leur nom, leur qualité, grade ou profession.

Le fait de n’utiliser que le prénom des femmes là où on utilise les prénoms et noms des hommes est discriminant.

En outre, s’adresser aux femmes en ne recourant qu’au prénom peut renvoyer à la sphère du privé, de l’intime, du familier, ce qui peut participer à les décrédibiliser.

Il convient également d’éviter, lorsqu’elles exercent un métier traditionnellement occupé par des hommes, de souligner qu’elles conserveraient malgré tout leur « féminité » (en décrivant leur style vestimentaire, leur douceur, leur maîtrise des tâches domestiques, ou encore leurs qualités de « cordon bleu » ou de mère attentive, etc.).

 

6. Ne pas réserver aux femmes les questions sur la vie personnelle, et notamment sur la vie de famille

 

Il est courant de demander aux femmes qui exercent des responsabilités, et à elles seules, comment elles parviennent (ou pas) à mener de front carrière et vie de famille.

Si cette question est pertinente, il convient de la poser aussi aux hommes.

 

7. Parler « des femmes » plutôt que de « la Femme », de la « journée internationale des droits des femmes » plutôt que de la « journée de la Femme » et des « droits humains » plutôt que des « droits de l’Homme »

 

Il est important de dissocier « la Femme » (le fantasme, le mythe, qui correspondent à des images stéréotypées et réductrices telles que la figure de « l’Arabe » ou « du Juif ») et « les femmes », qui sont des personnes réelles, aux identités plurielles, et représentatives d’un groupe hétérogène. « La Femme » est une représentation mentale produite par la société : l’expression suggère que toutes les femmes partagent nécessairement des qualités propres à leur sexe (douceur, dévouement, charme, maternité…).

Or, dans la réalité, les femmes se distinguent par la pluralité de personnalités, de leurs goûts, de leurs couleurs de peau, de leurs activités professionnelles, dépassant largement les représentations que la société leur impose.

De la même manière, parler de « femmes entrepreneures » ou de « création d’entreprises par des femmes » plutôt que d’« entreprenariat au féminin ».

 

8. Diversifier les représentations des femmes et des hommes afin de ne pas les enfermer dans des rôles de sexe stéréotypés et d’assurer la diversité des représentations

 

Il ne s’agit pas d’interdire certaines représentations mais de les diversifier afin de ne pas enfermer femmes et hommes dans des stéréotypes. La communication publique doit en effet veiller à s’adresser aux femmes et aux hommes de tous âges, toutes origines, tous milieux professionnels, toutes religions, toutes capacités physiques ou mentales et tous lieux.

Certes, certaines représentations stéréotypées correspondent à des réalités. Ainsi, il n’est pas question de ne plus représenter de femmes réalisant des tâches ménagères : elles assument encore aujourd’hui 80 % d’entre elles. Mais il convient également de reconnaître et de ne pas masquer les représentations qui correspondent aussi à une réalité sociale : il existe des femmes cheffes d’entreprise, ingénieures, astronautes, et des hommes infirmiers ou qui s’occupent de leurs enfants.

 

Recommandations pour la communication publique
 
Le rapport donne des directions assez précises pour éviter que les outils de communication (affiches et photos, mais aussi articles et reportages…) soient des vecteurs des représentations de ces rôles de sexe :
- les couleurs : éviter les couleurs douces et roses pour les femmes, sombres et bleues pour les hommes ;
- l’activité exercée : ne pas systématiquement représenter les femmes dans des activités maternantes, et les hommes dans des activités de direction ou dans les secteurs de la technique, de la high-tech et des sciences ou encore révélant des capacités physiques et manuelles ;
- les types de vêtements : ne pas systématiquement représenter les hommes dans des vêtements pratiques, et les femmes dénudées ou avec des vêtements inappropriés pour l’activité réalisée ;
- l’attitude des personnes (position, regard, etc.) : ne pas systématiquement représenter les femmes comme étant à disposition des hommes, dans des positions lascives, passives, voire soumises, et les hommes dans des positions assurées et dominatrices ;
- leur place sur l’image : ne pas systématiquement représenter les hommes au premier plan, et les femmes en arrière-plan ou dans les marges ;
- l’environnement : ne pas systématiquement représenter les hommes en extérieur et en milieu professionnel, et les femmes à l’intérieur et dans la sphère domestique ;
- les interactions entre les personnes : privilégier la coopération au rapport de force.
 

 

9. Veiller à équilibrer le nombre de femmes et d’hommes

 

a) Sur les images et les photos

 

Pour que les femmes comme les hommes se sentent représentés, le rapport préconise pour un document donné de compter le nombre de femmes et d’hommes présents sur les photos ou les infographies et de rééquilibrer si nécessaire.

 

b) Dans les sujets d’une communication

 

Le rapport propose, pour un document donné, de compter le nombre de femmes et d’hommes qui font l’objet d’une communication, que ce soit dans le texte (parmi les personnes nommées dans un article ou interviewées) ou dans les images (en une ou dans les images d’illustration, etc.) et rééquilibrer si nécessaire.

Il est également possible de jouer avec le texte et les images afin d’équilibrer les représentations des femmes et des hommes. Si l’illustration va dans le sens des stéréotypes, le texte (commentaire ou légende) peut compenser.

 

c) À la tribune d’événements, ainsi que dans la répartition du temps de parole

 

Pour un événement, il faut :

- compter le nombre de femmes et d’hommes invités à s’exprimer ;

- compter les temps de parole accordés aux femmes et aux hommes intervenants.

 

d) Parmi les noms des rues, des bâtiments, des équipements, des salles

 

En France, 6 % des rues seulement arborant des noms de personnalités portent le nom d’une femme. Le rapport propose d’attribuer des noms aux lieux (rues, bâtiments, équipements ou salles), ce qui serait une manière de rendre hommage et de valoriser des femmes et des hommes qui ont marqué l’histoire (politique, culturelle, scientifique, etc.), éventuellement l’histoire locale.

Il rappelle que ces baptêmes ne doivent pas être l’occasion de retomber dans les stéréotypes de sexe, comme par exemple : personnage femme pour les salles de danse et personnage homme pour les stades de foot. Au contraire, il faudrait valoriser les femmes ou les hommes œuvrant sur des sujets ou exerçant des métiers traditionnellement réservés à l’autre sexe.

 

10. Former les professionnels et diffuser le guide

 

Conscient des difficultés qui ne manqueront pas de se présenter dans la diffusion des recommandations du guide, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes consacre un chapitre à… la diffusion du guide. Il propose notamment aux collectivités de signer « La convention d’engagement pour une communication publique sans stéréotype de sexe » aux côtés du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes.

Les organismes publics qui souhaitent être accompagnés dans la démarche peuvent contacter le Haut Conseil par mail : haut-conseil-egalite@pm.gouv.fr

 

C - La remise en cause partielle des recommandations du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes par le Premier ministre

 

Le 22 novembre 2017, le Premier ministre publiait une circulaire relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française qui fit grand bruit(*).

Si elle reprenait une partie des recommandations du Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe, elle interdisait la pratique la plus spectaculaire de l’écriture inclusive : l’usage du point médian.

Cette circulaire « relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française » était justifiée d’après le journal Le Monde(*) par « une dérive des administrations », « avec des sites Internet ou des fiches de postes rédigées de cette manière ». « Le Premier ministre a été alerté par les services de Matignon ainsi que par Jean-Michel Blanquer, de la multiplication anarchique d’expression de l’administration en écriture inclusive. »

 

La circulaire PRMX1732742C précise ainsi les points suivants :

- dans les textes réglementaires, le masculin est une forme neutre qu’il convient d’utiliser pour les termes susceptibles de s’appliquer aussi bien aux femmes qu’aux hommes ;

- les textes qui désignent la personne titulaire de la fonction en cause doivent être accordés au genre de cette personne. Lorsqu’un arrêté est signé par une femme, l’auteure doit être désignée, dans l’intitulé du texte et dans l’article d’exécution, comme « la ministre », « la secrétaire générale » ou « la directrice » ;

- s’agissant des actes de nomination, l’intitulé des fonctions tenues par une femme doit être systématiquement féminisé – sauf lorsque cet intitulé est épicène – suivant les règles énoncées par le guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions élaboré par le Centre national de la recherche scientifique et l’Institut national de la langue française, intitulé « Femme, j’écris ton nom… » ;

- suivant la même logique, je vous demande de systématiquement recourir, dans les actes de recrutement et les avis de vacances publiés au Journal officiel, à des formules telles que « le candidat ou la candidate » afin de ne pas marquer de préférence de genre ;

- en revanche (les autorités publiques sont) invitées, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l’écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine.

Outre le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l’État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme.

 

Cette circulaire, même si elle a l’avantage d’être claire, a fait l’objet de nombreux commentaires dans la presse. Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, a même pris position et s’est déclarée « favorable à féminiser le langage, à ne pas invisibiliser les femmes dans le langage », tout en ne disant pas être « pour l’obligation d’enseigner l’écriture inclusive à l’école » (France Culture, 9 novembre 2017).

Une autorité indépendante aurait-elle pu trancher ? Peut-être, mais la seule connue, le Comité d’orientation pour la simplification du langage administratif (COSLA) créé pour trois ans (2001-2003), a depuis disparu.

 

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