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Aéroports régionaux : le privé entre en piste

Article du numéro 413 - 15 décembre 2010

Transports

L'État détient 60 % des parts dans les aéroports régionaux. Il entend les céder au privé dans les plus brefs délais, pour renflouer ses caisses. Une volonté qui inquiète CCI et collectivités territoriales pour lesquelles un aéroport est un vecteur puissant d'aménagement du territoire. Une préoccupation dont le secteur privé n'est pas naturellement investi...

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À l'évidence, les collectivités territoriales n'ont, pour l'heure, pas grand-chose à raconter sur la privatisation annoncée des aéroports régionaux. L'attitude d'attentisme prudent qu'elles adoptent est liée à la rareté de l'information disponible et au souci (louable) de ne s'exprimer qu'à partir de faits concrets. La seule info vraiment palpable émane de l'État : il est indiscutable qu'il se prépare à privatiser partiellement les aéroports de Lyon, Nice, Toulouse, Bordeaux ou Montpellier, dont il détient encore 60 % du capital. La seule inconnue réside dans le calendrier... Selon plusieurs sources concordantes, l'Agence des participations de l'État (APE) a initié le processus d'ouverture du capital des aéroports régionaux. Lyon serait le premier sur la liste à faire la bascule, Nice, Toulouse et Bordeaux devraient suivre, Montpellier étant en bout de piste.

L'État avait déjà fait un premier pas dans ce sens en 2004 en modifiant la loi sur le statut des grands aéroports, ce qui avait permis à Lyon-Saint-Exupéry, Toulouse-Blagnac, Nice-Côte d'Azur et Bordeaux-Mérignac de se muer en sociétés anonymes (dont le capital est depuis détenu à 40 % par les collectivités locales et les CCI, et à par 60 % l'État). En 2005, une seconde loi permettait l'ouverture du capital d'Aéroports de Paris, ouvrant ainsi la voie à une privatisation des aéroports régionaux, dont les prix sont estimés entre 100 M. d'euros et 300 M. d'euros chacun selon leur taille.
Le retrait de l'État va modifier le poids de l'actionnariat. Le scénario le plus probable verrait les collectivités et les chambres de commerce s'emparer d'un peu plus de 50 % des parts en laissant au moins 49 % aux entreprises privées.


Frêche voulait la majorité des parts

Président du directoire de l'aéroport de Toulouse-Blagnac, Jean-Michel Vernhes confirme avoir été alerté par l'APE et espère que le processus sera lancé dès le début de l'année 2011. Dans le cas contraire, le processus serait certainement reporté après l'élection présidentielle de 2012. « Maintenant que c'est lancé, on aimerait que cela aille jusqu'au bout », affirme Jean-Michel Vernhes, sur le site de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, précisant que cette opération pourrait être l'occasion de faire entrer les salariés de l'aéroport au capital.

À Montpellier, le même attentisme prévaut. « Officiellement, nous n'avons été informés que par un courrier de l'APE », déclare Cyril Reboul, président du conseil de surveillance de Montpellier Méditerranée SA, société qui gère l'aéroport de la capitale languedocienne. Pour lui, cette privatisation ne sera pas aussi rapide qu'annoncé. « L'État a engagé une réflexion sur l'ouverture du capital. Durant les trois ou cinq ans à venir, l'administration va étudier la meilleure méthode pour ouvrir ce capital », précise-t-il sur le site de la CCI. La chambre de commerce n'entend pas se dégager de la gestion de l'aéroport. « Aujourd'hui, Montpellier s'inscrit sur un axe économique Marseille-Aix-Toulouse. Il faut arrêter de faire un aéroport tous les 70 km : mieux vaut avoir quatre ou cinq grands aéroports dans le sud de la France et privilégier les liaisons rapides pour en faciliter l'accès », ajoute le président du conseil. À Montpellier Méditerranée, on a bien conscience de l'impact du terminal qui « offre la possibilité aux hommes d'affaires et aux touristes d'une ouverture sur l'international », assure ce dernier, évoquant l'importance de la création de lignes relais avec les hubs de l'Union européenne (Paris-CDG, Amsterdam, Madrid, Londres-Gatwick).

Cette stratégie a été jadis encouragée par Georges Frêche, l'ancien président de la région décédé au mois d'octobre. À la tête du conseil régional (qui détient 6,5 % du capital de Montpellier Méditerranée), il a mouillé la chemise pour l'implantation de lignes low-cost en faisant voter de larges enveloppes destinées à promouvoir ces compagnies. Le « baron du Midi » avait même affirmé son intention de devenir l'actionnaire majoritaire de la société anonyme aéroportuaire. Ce qui place la région parmi les plus sérieux clients au rachat des parts de l'État si la volonté du défunt est respectée. « Comme avec le port de Sète, la région veut faire de Montpellier Méditerranée un outil qui accompagne le développement économique local, explique Cyril Reboul. Et nous avons reçu des gages d'assurance que cette politique continuera ». Un tel scénario peut-il avoir lieu alors que les gros bras économiques guettent l'ouverture des enchères (Veolia Transports, Vinci Airports, pour ne citer que les plus gros, déjà présents sur les plateformes de Nîmes, Beauvais-Tillé, Lille-Lesquin, Grenoble, Chambéry, Clermont-Ferrand, etc.) ? Les collectivités territoriales peuvent-elles rivaliser avec de tels mastodontes ?


L'Aquitaine craint pour l'aménagement du territoire

Certaines d'entre elles ont entrepris d'organiser la résistance. « L'aéroport est un levier majeur de notre développement économique. Il n'est pas envisageable qu'il nous échappe », assure-t-on au cabinet de Gérard Collomb, à la communauté urbaine lyonnaise. Alain Rousset, président de la région Aquitaine, a récemment déclaré qu'il était hors de question que l'aéroport de Bordeaux-Mérignac tombe dans les mains de Veolia ou Vinci, rejoignant ainsi la position de Michel Sainte-Marie, maire de Mérignac (lire encadré). Un consensus politique se dégage en Gironde, Jean-Charles Bron, représentant la mairie de Bordeaux au conseil de surveillance de l'aéroport, estimant que l'intégration d'entreprises privées au capital doit rester minoritaire. En effet, les élus considèrent que les entreprises privées n'ont pas vocation à réfléchir à l'aménagement du territoire. « Or, un aéroport est naturellement un pivot central de l'aménagement du territoire », confie un élu. Même chose au sujet de l'intermodalité des transports, la CCI et les collectivités militant pour que la plateforme bénéficie d'un transport en commun en site propre, voire d'une liaison ferroviaire directe avec la future LGV Sud-Europe Atlantique.

Le maintien d'un actionnariat public ou semi-public serait plus favorable à la concrétisation de ces projets d'intérêt général.


« Racheter les parts de l'État »

Michel Sainte-Marie député-maire de Mérignac
« D'après mes informations, il faudrait que les parts de l'État soient vendues en 2013. L'État a besoin d'argent et cherchera à valoriser au mieux ce capital. Nous craignons qu'il cède au plus offrant, à des fonds d'investissement qui ne sont pas attentifs aux exigences de service public d'un aéroport. D'ailleurs, on peut concevoir qu'un grand groupe investisse pour faire des profits mais pas dans n'importe quel domaine. Avec les autres collectivités et la Caisse des dépôts, nous avons décidé de lancer une étude de faisabilité pour le rachat des parts de l'État. L'intégration du privé risque fort de fragiliser certaines politiques publiques. Je prends l'exemple de l'environnement. Le bruit cause des désagréments que nous essayons d'amoindrir avec des associations d'usagers. Pensez-vous qu'un privé aura le même souci de consensus ? Sur le fond, le privé est tout à fait capable de développer le trafic passager, c'est d'ailleurs son intérêt principal. Mais on peut douter que les moyens mis en œuvre recoupent l'intérêt général ».


Pour aller plus loin
« Grandes infrastructures de transport et développement local : guide pratique », un ouvrage des Éditions Territorial. Sommaire et commande sur http://librairie.territorial.fr