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La Seyne-sur-Mer rachète ses parkings

Article du numéro 409 - 15 octobre 2010

Service public

La mairie PS a décidé de remunicipaliser la gestion des parkings en sortant d'une DSP qu'elle jugeait trop désavantageuse pour les finances communales. Elle profi te de l'opportunité politique pour lancer un grand débat citoyen sur le stationnement en centre-ville, sujet vital pour muscler la dynamique économique de la deuxième commune du Var.

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Le maire socialiste de La Seyne-sur-Mer, Marc Vuillemot, en a fait une victoire politique : « Depuis sa mise en place en 2007, je me suis fermement opposé à une délégation de service public inique, défavorisant la ville [...] et ses 60 000 habitants en livrant la totale gestion des parkings et du stationnement de surface au seul bénéfice du délégataire privé. J'insiste : aucune contrepartie n'était prévue pour la ville », écrit-il dans des encarts pubs publiés dans la presse locale. À l'époque, Marc Vuillemot avait ferraillé en conseil municipal avec l'ancien maire, l'UMP Arthur Paecht. « Aujourd'hui, poursuit-il, nous sommes heureux que La Seyne-sur-Mer soit dégagée d'un contrat de 32 ans qui n'était pas de « délégation » mais d'« aliénation » de service public ».


Contrat « inégalitaire »

C'est le 15 septembre dernier que le conseil municipal a délibéré sur les nouvelles modalités de gestion du stationnement en centre-ville, approuvant le protocole d'accord transactionnel entre la ville et l'ancien gestionnaire, Omniparc. En juillet 2007, ce dernier, intégré par la suite à la société Q-Park, s'était engagé à rénover le parking Martini (422 places), situé en centre-ville à proximité de deux écoles puis à construire le parking des Esplageolles (415 places) pour une livraison prévue en juillet 2010. Enfin, le contrat évoquait l'éventualité de la construction d'un parking supplémentaire sur le site des anciens chantiers navals. « Outre la gestion des parkings, le gestionnaire avait récupéré, pour une durée de 32 ans, 1080 places en surface. Ce stationnement était libre auparavant et il devenait payant au détriment à la fois des habitants et de la municipalité, puisque nous devions assurer la surveillance sur la voirie », explique le directeur général des services, Thierry Dalmas. Bref, aux yeux de l'ancienne majorité aujourd'hui aux affaires, Q-Park avait décroché le gros lot.

« Dès le début du mandat, le maire a souhaité que l'on se penche sur cette DSP trop inégalitaire. Il est vrai que les bénéfices du gestionnaire étaient évalués, en prenant en compte les recettes du stationnement de surface payant, à 32 millions d'euros cumulés pour un investissement global de 14 millions d'euros », poursuit Thierry Dalmas. Mais la mairie, dont le budget d'investissement s'élève chaque année à 15 millions d'euros, avait-elle les moyens financiers de racheter le contrat ? « Disons que la crise nous a facilité la négociation, explique le DGS. Q-Park a commencé le chantier du parking des Esplageolles, mais a subitement arrêté les travaux en juillet 2009. Le groupe a été victime d'une mauvaise stratégie financière au c½ur de la crise et a été obligé de se délester de certains contrats. Nous avons préféré la négociation au contentieux, que nous aurions pu déclencher après la cessation du chantier, où nous aurions eu certainement gain de cause mais dans des délais trop importants. On sait en effet le temps excessif que met la justice à trancher sur des contentieux de cette nature. Le coût de la transaction pour la commune s'élève finalement à 3,7 millions d'euros, englobant la rénovation achevée du parking Martini et les études et le commencement des travaux du parking des Esplageolles ».


Recours à la démocratie participative

Le maire goûte sans modération à cette victoire politique. S'il n'avait pas agi, rappelle-t-il, « avec le projet de l'ancienne municipalité, toutes les places sur la voirie devenaient payantes ». La remunicipalisation sera effective au mois de janvier prochain. Elle nécessitera la création d'un nouveau service de trois personnes, au sein duquel les deux salariés de Q-Park seront conservés, selon les termes du contrat passé en 2007. Financièrement, l'opération reste assez neutre. « Au final, nous serons même en déficit de 300 000 euros », assure Thierry Dalmas.
Mais la mairie reprend en main une gestion de proximité sensible dans cette deuxième ville du Var de 60 000 habitants, marquée par la fin des chantiers navals et qui mise gros sur l'attractivité et l'accessibilité des commerces de centre-ville pour faciliter son décollage économique. « Si les automobilistes ne trouvent pas de stationnement accessible et peu cher, ils ont légitimement tendance à privilégier les grandes surfaces installées en périphérie », ajoute le DGS.
C'est là que l'intérêt général bien partagé rejoint l'impact politique positif. Dans le cadre du chantier des Esplageolles, le maire a décidé de mettre en place un comité d'usagers. Pour « faire sortir les bonnes idées du garage », plaisante-il, remettant ainsi au goût du jour les principes d'une démocratie participative aujourd'hui un peu laissée en friche. Les habitants seront invités à trancher des questions de vie quotidienne : les places qui doivent rester gratuites, celles qui peuvent supporter le poids d'un prix ; ils auront à se prononcer sur les heures gratuites pour faire les courses, sur les tarifs à appliquer aux résidents et aux touristes, etc. Autour de la problématique du stationnement, le maire en profitera donc pour sonder les habitants sur leur façon de vivre la ville. Il ne s'agit donc pas seulement d'une remunicipalisation technique mais de l'amorçage d'une coproduction de proximité.


L'¼IL DE L'EXPERT

Élodie Parier
consultante senior à Calia Conseil

« Il n'y a de mouvement de fond de retour des régies »

Ces remunicipalisations existent depuis quelques années ; il y en a eu à Dijon, Nancy. Mais je n'ai pas constaté de mouvement de fond de retour des régies. Chaque ville est un cas à part : une municipalité peut estimer qu'elle dispose du savoir-faire suffisant pour reprendre le stationnement en régie. Mais le stationnement est un service public à très forte visibilité auprès des habitants : le maire peut considérer qu'il est préférable de le reprendre en main, pour mieux le maîtriser.
Il y a dix ans, une enquête nationale avait établi que 25 % des parcs de stationnement étaient en régie, le reste en DSP. La sortie d'une DSP est facilitée par les caractéristiques du contrat en cours : durée, retour attendu sur investissement, degré d'information de la collectivité sur l'état du patrimoine. Un contrat d'affermage de 5 à 7 ans permet un changement de gestion à courte durée. Les concessions sont plus longues, de 15 à 35 ans. Elles se concrétisent parce que des travaux importants ou la construction complète d'un parking s'imposent, le délégataire dispose donc d'un contrat plus long dans le temps pour pouvoir bénéficier d'un retour sur investissement. Le retour en régie peut être considéré comme une victoire politique pour un maire, surtout qu'il est le plus souvent l'aboutissement d'une longue réflexion. Cela peut donner le sentiment à ses administrés de pouvoir mieux adapter les tarifs à leurs attentes. Mais c'est risqué puisqu'il faut prévoir les moyens adéquats pour offrir un service de qualité. Aujourd'hui, entre la mairie et le bénéficiaire de la DSP, la mise au point de contrats gagnant-gagnant est tout à fait possible.


Pour aller plus loin
« Pratique de la délégation de service public, choix et méthode »,
un ouvrage de Territorial Éditions. Sommaire et commande sur http://librairie.territorial.fr