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Article du numéro 409 - 15 octobre 2010
Le congrès de l'Union sociale pour l'habitat, qui regroupe les |
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Tout d'abord, le paysage du monde HLM s'est beaucoup modifié ces dernières années au niveau national. Le regroupement des CIL (comités interprofessionnels du logement, organismes collecteurs du 1 % logement) a fait son effet : ils ne sont aujourd'hui plus que 21 alors qu'il y a deux ans, ils étaient plus de 100 au niveau national. Signalons d'ailleurs que le regroupement des CIL a inspiré d'autres regroupements, entre sociétés d'HLM ou entre offices.
La réforme des collectivités territoriales pourrait également engendrer d'autres évolutions, capitalistiques et opérationnelles. L'objectif est de favoriser les économies d'échelle, de mutualiser les projets, de redistribuer les moyens des zones détendues aux zones tendues. Si le regroupement des CIL est susceptible de remplir ces objectifs, car le coût de la collecte est élevé, la logique est moins évidente pour les acteurs du logement. Ce contexte est largement influencé par des évolutions de la politique du logement, qui inquiètent beaucoup les opérateurs.
Le logement social estime jouer un rôle majeur, notamment dans la période actuelle.
Il doit répondre à des demandes croissantes de personnes et de ménages qui se fragilisent : qu'il s'agisse de salariés ou non, le public du logement social est incontestablement en voie de précarisation. Ici, les opérateurs ont des stratégies différentes : logement des salariés en priorité pour les entreprises cotisantes qui appartiennent aux CIL ; logement pour les populations pour d'autres, notamment pour les offices publics HLM.
Il a été sollicité pour reprendre des opérations de promoteurs confrontés à des difficultés de commercialisation (dans le cadre du plan des « 30 000 logements » repris au niveau national), et demande aujourd'hui que ce rôle soit reconnu. L'effet du dispositif Scellier, qui a redonné force et vigueur aux promoteurs, a rapidement fait oublier ce rôle. Le succès du dispositif (et le fait que 70 % des programmes sont vendus à des promoteurs) a, en quelques mois, inversé la tendance, soulageant grandement les promoteurs de leurs difficultés.
Il contribue à un rôle contracyclique en direction des secteurs du bâtiment et des travaux publics qui connaissent une baisse significative de leurs carnets de commande et qui jouent un rôle majeur pour l'emploi. La construction neuve et les fortes perspectives en matière de rénovation confèrent au logement social une part importante dans le volume des commandes. Ce dernier participe ainsi très largement aux efforts d'aménagement et de reconstruction de quartiers existants (dans le cadre de la politique ANRU) ou de nouveaux quartiers (écoquartiers). Ce rôle contracyclique sera d'autant plus important que les autres investissements publics auront peut-être tendance à se réduire.
L'inquiétude est forte en raison de l'évolution annoncée du budget du logement. Au niveau national, le projet de budget est fondé sur des dispositions qui paraissent délicates pour l'avenir du logement social.
Au-delà de ce recul des aides, il est envisagé une ponction sur les organismes HLM. Bien que la nature de cette ponction ne soit pas officielle aujourd'hui, il est envisagé de mettre en place une taxe sur le droit au bail qui avait pourtant été supprimée il y a quelques années. Cette mesure engendrerait un prélèvement de l'ordre de 2 à 2,5 % des loyers, soit un montant annuel national de 340 millions d'euros. Cette somme représente les fonds propres mis par les opérateurs dans 20 000 logements qui mettent en avant le risque d'un recul de la production alors que la demande de logements ne cesse de croître.
Il est reproché aux organismes HLM de ne pas tenir les objectifs de vente de 1 % du patrimoine chaque année, objectif fixé par l'accord signé avec Christine Boutin. C'est exact. Car même s'il est effectivement mis en vente, 1 % du patrimoine n'est pas vendu chaque année. Les acheteurs ne sont en effet pas au rendez-vous, principalement parce que les logements mis en vente sont situés dans des secteurs difficiles à commercialiser, mais aussi parce que les locataires de ces logements, qui devraient être les acheteurs principaux, n'ont souvent pas les moyens d'acheter : 60 % des locataires de logements sociaux figurent parmi le tiers de revenus les plus modestes. Bref, nous sommes encore loin d'atteindre l'objectif d'un bien vendu, servant à financer deux biens nouveaux.
Benoist Apparu souhaite un recentrage des aides sur les « zones tendues », c'est-à-dire en priorité les régions Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes.
Cette volonté signifie que dans les territoires jugés moins attractifs, il faut s'attendre à une forte réduction de l'investissement logement social. Dès lors, comment juguler la désertification ? Quelle réaction des élus locaux ? Leur silence est inquiétant tant ces territoires sont aujourd'hui marqués par la perte de population et de services publics.
Dernier enjeu auquel le monde HLM doit faire face : le coût des normes. Les opérateurs participent au développement de l'offre de logements et celle-ci est de qualité très supérieure aux normes actuelles : cette production, économe pour les occupants, a un coût supplémentaire. Les rénovations prévues par le Grenelle de l'environnement sont énormes et coûteuses.
Pour les bailleurs, il devient donc difficile d'affronter une telle conjonction d'éléments défavorables sans envisager de conséquences pour les populations et les territoires. Pierre Quercy, délégué général de l'Union sociale pour l'habitat a souligné l'ampleur des changements en cours : « Ce n'est plus la solidarité nationale qui finance le logement social mais les locataires eux-mêmes ! » Ces inquiétudes ont fait la une du congrès, qui s'est déroulé dans un océan d'incertitudes : ponction d'un milliard d'euros sur 3 ans, suppression de l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs pendant 3 ans, réorientation des aides à la pierre de l'État, incertitude sur l'ANRU (qui a déjà bénéficié de financements liés à des ponctions sur le 1 %), limitation des hausses de loyer à l'IRL soit 0,57 %, mise en application du DALO.
Quelle sera la réaction des organismes ? Comment réagiront les locataires ? (Pour une rare fois, à Strasbourg, les représentants des organismes et des locataires parlaient le même langage.) La grosse ficelle du contre-feu sur la vacance des logements HLM, la veille de l'intervention du ministre, est apparue comme un peu mesquine, à l'égard de l'ampleur de ces incertitudes.
À découvrir
Notre dossier thématique « Logement : les collectivités en première ligne ».
Pour aller plus loin
- « Acquisition, vente et échange des biens immobiliers par les collectivités territoriales »
- « Les politiques publiques d'aide au logement social »
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Pour se former
Politiques locales de l'habitat : les grands enjeux et la place du logement social
Le 25 novembre, Paris
Contact : Joëlle Mazoyer, joelle.mazoyer@territorial.fr, Tél. : 04 76 65 61 00