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Contraception des mineurs : « le courage politique n'est pas au rendez-vous »

Article du numéro 409 - 15 octobre 2010

Leader

Israël Nisand est chef du département de gynécologieobstétrique-sénologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg et professeur à la faculté de médecine de Strasbourg. Membre du Haut conseil de la population et de la famille, il est l'auteur d'un rapport sur « L'IVG en France », publié en février 1999.

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Israël Nisand

est chef du département de gynécologie-obstétrique-sénologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg et professeur à la faculté de médecine de Strasbourg. Membre du Haut conseil de la population et de la famille, il est l'auteur d'un rapport sur « L'IVG en France », publié en février 1999.


À l'occasion de la Journée mondiale de la contraception(1), vous vous êtes indigné de l'augmentation du nombre des IVG pratiquées sur des jeunes filles mineures. Que faut-il faire pour inverser la tendance ?

L'an dernier, il y a eu 237 000 IVG en France, dont 15 000 pratiquées sur des mineures. C'est un problème de santé publique majeur. Nous sommes face à une aberration : l'IVG est anonyme et gratuite pour les mineures, de même que la pilule du lendemain, mais pas la pilule contraceptive. Hormis au Planning familial, une mineure qui veut prendre la pilule sans que ses parents soient au courant ne le peut donc pas. Or, à 15 ans, quand vous avez votre premier rapport, vous ne pouvez pas forcément en parler à vos parents. Il n'est pas normal que la santé de nos adolescents soit soumise à un choix : celui de les maintenir dans une tutelle sur ce qui se passe en dessous de la ceinture. La solution passe par la délivrance gratuite et anonyme de la contraception pour les mineures.

1. 26 septembre 2010


Et pourquoi ne le fait-on pas ?

Les jeunes filles payent l'addition d'une société qui fait de la sexualité adolescente un tabou et refuse de regarder en face les conséquences de son attitude pudibonde. On laisse l'IVG se faire sans l'autorisation des parents - et ça ne gêne personne - et on ne pourrait pas le faire pour la contraception ! En Hollande où la contraception est délivrée gratuitement et anonymement aux mineures, on enregistre trois fois moins d'IVG. En France, nous préférons continuer chaque année à nous lamenter sur l'augmentation de leur nombre. C'est une question de choix politique : les mineures ne sont pas des électrices et il y a de quoi perdre l'appui de l'électorat conservateur. Décider de rendre la pilule anonyme et gratuite pour les mineures, c'est prendre un risque. Le courage politique n'est pas au rendez-vous.


L'ignorance n'est-elle pas aussi en cause ? Les politiques d'éducation sur la sexualité ont-elles failli ?

Selon le Rapport de l'IGAS de février 2010, deux tiers des filles de 3e pensent qu'elles ne peuvent pas tomber enceintes la 1re fois... L'information est cruciale ! Or, la loi de 2001 qui prévoit de délivrer des heures de cours sur les questions de sexualité depuis la 6e n'est pas appliquée. Tout repose sur la bonne volonté de quelques infirmières scolaires et de quelques directeurs de collèges. La plupart, n'ayant pas l'obligation de rendre compte de leur action en la matière, s'en dispensent. J'ai demandé aux ministres de l'Éducation nationale successifs d'écrire aux directeurs d'établissement pour qu'ils déclarent les ressources mobilisées à cet enseignement. Ils ont tous refusé.


En quoi consiste le dispositif « Info Ado » que vous pilotez ?

Depuis douze ans en Alsace, il permet aux jeunes gens de consulter, de se faire prescrire une contraception - pilule ou préservatif - et de se la voir délivrer sans que cela n'apparaisse sur les décomptes de Sécurité sociale de leurs parents. Moi-même et une dizaine d'autres médecins consacrons par ailleurs deux heures par semaine à discuter sexualité, contraception et IVG avec des collégiens de 3e. Dans les zones où ce processus est appliqué, le nombre d'IVG a été divisé au moins par deux. « Info Ado » est facilement généralisable à l'ensemble de la France très rapidement. Il suffit de le décider.


Vous êtes élu à Strasbourg, concrètement que peuvent faire les collectivités ?

Elles peuvent aider les initiatives locales. Mais pour l'essentiel, elles sont tributaires d'une décision qui doit d'abord être prise par l'État. Ce n'est pas une action régionale qui peut changer les choses. On le voit bien avec la tentative de Ségolène Royal en Poitou-Charentes. Le « Pass Contraception » a été distribué dans certains établissements scolaires, puis l'État l'a contré. Il n'agit pas et quand une collectivité prend une initiative, il la bloque. C'est « tirer sur une ambulance ».