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Conservateurs, des compétences en peine d'emploi

Article du numéro 403 - 15 juin 2010

Formation

Conservateur territorial des bibliothèques ou conservateur du patrimoine, voilà deux métiers pour lesquels l'Institut national des études territoriales prépare une vingtaine d'élèves chaque année en partenariat avec l'Enssib et l'Inp. Mais depuis quelque temps, certains d'entre eux peinent à trouver un poste, même si la formation se fait de plus en plus complète.

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C'est un métier riche qui ne manque pourtant pas d'applications au sein d'une collectivité, d'autant plus depuis les lois de décentralisation de 2004. Dans les deux spécialités, bibliothèque et patrimoine, la multiplicité des compétences est aujourd'hui indispensable. Si initialement le métier consistait surtout à être un bon technicien du livre et de la diffusion de la culture pour les spécialistes de bibliothèques, ou pour ceux qui ont choisi le patrimoine, à être de bons spécialistes de l'archéologie, des monuments historiques, des musées ou de l'inventaire général du patrimoine culturel, les conservateurs d'aujourd'hui doivent impérativement disposer d'un savoir-faire en terme de management.
C'est ce que constate Laurent Roturier, DGS de la ville de Bron (près de Lyon) chargé de la conception du module de formation de l'Inet : « La fonction de conservateur dans les collectivités territoriales a grandement évolué au cours des dernières années, notamment pour les postes à direction d'établissements. Spécialistes des questions scientifiques, ils ont désormais à intégrer dans leur action quotidienne l'ensemble des fonctions managériales. Ce que je constate, c'est qu'ils sont de très bons spécialistes de leur discipline quand ils arrivent à l'Inet, et que la formation doit en faire d'excellents managers. Aujourd'hui, les collectivités leur demandent des compétences pointues sur les deux tableaux. Il faut savoir manier le rapport au politique, gérer des équipes parfois nombreuses, d'autres cadres, piloter des budgets complexes, savoir intégrer des évolutions technologiques de plus en plus rapides auprès des agents et du public. »


Intégrer les nouvelles technologies

Une grande polyvalence que connaît bien Coline Renaudin, jeune conservatrice à la médiathèque de Toulouse, qui a décroché son poste en juillet 2009, dès sa sortie d'école. Elle a pour mission de coordonner la politique de documentation, d'achat de disques, livres et partitions sur la médiathèque centrale, les 19 bibliothèques de quartier et la bibliothèque d'études et du patrimoine. Ce qui signifie connaître parfaitement les besoins culturels de chaque site, mais aussi gérer vingt-cinq personnes et un budget. Outre la politique de documentation et d'achat, elle a également en charge les plannings et la gestion des vacataires étudiants, qu'elle recrute elle-même : des tâches variées à conjuguer au quotidien. « En tant que chef de section, je bénéficie de l'expertise de mes collègues puisque je travaille avec neuf autres conservateurs, sans être pour autant en contact avec l'élu : c'est ma directrice qui a ce rôle » explique Coline Renaudin. Autrement dit, de véritables responsabilités lui échoient tout en étant bien entourée pour prendre en main ce tout premier poste de sa carrière.
À Bron, Laurent Roturier s'appuie sur la conservatrice de la médiathèque pour porter le projet de la construction d'une nouvelle médiathèque, un projet rare et ambitieux. Équipement phare pour la ville, elle devra réfléchir à la forme des médiathèques de demain, anticiper l'intégration des nouvelles technologies et savoir leur attribuer une place juste en terme d'espace au sein de la structure. Une réflexion de fond, doublée d'un grand sens de l'organisation et d'une gestion serrée des budgets.
Autre domaine, même variété des compétences requises : Aurélie de Decker, conservatrice du patrimoine, a pris ses fonctions à la Région Centre en septembre dernier, deux mois après la fin de son cursus. Embauchée sur un projet neuf qui devrait durer cinq ans, elle travaille sur un programme d'étude de l'architecture de la Reconstruction après la Seconde Guerre mondiale dans le Val de Loire. Pour ce projet, elle réalise dans le même temps un travail de chercheur sur une partie du thème - la reconstruction de la ville de Blois - tout en coordonnant l'étude globale, menée en partie à l'extérieur avec un laboratoire de recherche de l'université de Tours.


Être pleinement opérationnel

Concrètement, cela l'a amenée à établir un cahier des charges, à contacter tous les acteurs du projet et à coordonner les différents chercheurs. Arrivée à l'Inet avec un bagage scientifique, Aurélie de Decker a trouvé dans sa formation les compléments concrets qui lui manquaient pour être opérationnelle : des cours d'économie, de management, de droit, de gestion publique et les méthodes de conservation du patrimoine. Des cours dispensés sur 18 mois et entrecoupés de stages : « Au cours des stages nous touchons à tous les domaines : nous intégrons d'abord une administration culturelle, puis nous avons un stage dans notre spécialité, un autre à l'étranger puis un hors spécialité » détaille-t-elle. « En tout, nous passons neuf mois sur le terrain, ce qui permet de visualiser l'ensemble des métiers et d'établir des contacts et des partenariats par la suite, puisque l'on connaît mieux le travail des archivistes ou des archéologues par exemple. »
Le projet qu'elle mène actuellement au sein de la Région produira une connaissance sur un sujet encore très peu exploité, et qui sera mis à la disposition du public sur internet, et dans le centre de documentation, et par le biais de publications. Ce travail mènera à la valorisation de certains édifices, à en protéger d'autres et permettra par exemple à l'animatrice des visites de Blois d'intégrer de nouvelles informations dans ses présentations faites au public.


Un aspect managérial plus prononcé

S'il existe une dimension forte axée sur la recherche pour les conservateurs du patrimoine, l'autre volet de leur action quotidienne consiste à intégrer pleinement les aspects managériaux et territoriaux. Lorsqu'il était DGA de RH à la CA d'Annecy, Laurent Roturier avait confié le poste de directeur des musées et du patrimoine à un conservateur. En effet, après le transfert des équipements culturels et sportifs à l'agglomération en 2002, ce directeur avait alors à gérer un ensemble de nouvelles problématiques variées selon les sites. Car les enjeux diffèrent entre la ville centre et les douze communes périphériques, mais il faut tout de même créer une dynamique d'ensemble. C'est la spécificité du conservateur en collectivité territoriale : il doit à la fois avoir une vision générale du territoire, et avoir une présence sur le terrain avec les élus ou les agents concernés tout en apportant son regard d'expert. Le métier se veut donc de plus en plus polyvalent et global, avec des compétences complémentaires en terme de connaissances de fond et de capacité d'organisation.


Témoignage

Laurent Roturier
DGS de la ville de Bron, est missionné par l'INET depuis trois ans pour former les élèves conservateurs à un module dédié à la prise en compte des questions territoriales.

« Intégrer dès le départ la question de la mobilité »
Sur la promotion 2009, il reste encore cinq à six élèves sans poste aujourd'hui. Y a-t-il une raison à cela ?
Les questions de l'intégration du management ont bien été prises en compte par l'école, cela fait au moins trois ans. La formation s'est plutôt bien adaptée aux besoins des collectivités et enrichit chaque année le cursus. Mais au niveau des collectivités territoriales, les postes de conservateurs sont souvent des postes de direction. Ce n'est pas forcément facile de confier cette mission à une jeune recrue. Mais ce n'est pas la seule raison. Il y a trois ans, l'INET formait une dizaine d'élèves par promotion. Aujourd'hui ils sont environ vingt-cinq chaque année, un chiffre en progression pour faire face au nombre de départs en retraite prévus. Le nombre de postes qui se libèrent a peut-être été mal anticipé, et puis les carrières ont tendance à s'allonger actuellement. Mais il y a une dernière raison beaucoup plus pragmatique : pour décrocher un poste de conservateur, il faut impérativement être mobile géographiquement. Si dès le départ, on n'intègre pas la question de la mobilité, on peut s'attendre à avoir des difficultés au moment de sa recherche d'emploi.


Pour aller plus loin :
« La nouvelle bibliothèque - contribution pour la bibliothèque de demain »
Un ouvrage de Territorial Éditions. Sommaire et commande sur http ://librairie.territorial.fr