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Le contrat d'autonomie est-il un bide ?

Article du numéro 398 - 01 avril 2010

Social

Le contrat d'autonomie est-il l'échec décrit à longueur d'articles ? Le cabinet de Fadela Amara évoque le chiffre de 30 % de sorties positives, loin des petits 7 % annoncés... par le gouvernement lui-même fin 2009. En réalité, ce contrat ne
marche que lorsque les missions locales et les opérateurs privés travaillent en intelligence à l'échelle d'un territoire.

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C'est peu dire que les contrats d'autonomie, mesure phare du Plan Banlieue, ont mauvaise presse. Récemment encore, le sociologue et historien de la politique de la ville, Jacques Donzelot, dans une tribune publiée dans Le Monde (Repenser la politique de la ville, 8 février 2010), pointait sur eux un doigt accusateur : « Sur les 45 000 prévus, environ 13 000 ont été passés... dont un millier ont conduit à une entrée dans un emploi ou une formation », soit 30 000 euros le coût de la sortie positive pour un petit 7 % de l'ensemble des contrats signés.
Or, cette présentation comptable, bien sombre, est en dissonance complète avec les derniers chiffres du secrétariat d'État. « Le 7 % est sorti d'un calcul très binaire des préfectures fin 2009. Depuis, nous ramons pour rétablir la vérité », assure-t-on au cabinet de Fadela Amara. Présenté par cette dernière, le bilan a plutôt fière allure : au 15 février, 23 463 avaient été signés avec les jeunes concernés, dont 13 259 sont en cours de contrat et 2 881 ont connu une sortie positive (à savoir l'obtention d'un CDI ou d'un CDD de plus de six mois, une entrée en formation qualifiante, une création d'entreprise...).
Le pourcentage positif bondit ainsi de 7 % à 30 % ! « Cela va augmenter encore puisque nous sommes sur un rythme de 450 à 500 signatures de nouveaux contrats par semaine », martèle le cabinet. Quant au chiffre de 30 000 euros la sortie positive, il est poliment jugé « impropre ». « Il n'est pas honnête de partir de l'ensemble des contrats signés pour arriver à un tel chiffre. Les opérateurs privés ou publics obtiennent 40 % du financement à la signature du contrat, puis 35 % supplémentaires en cas de sortie positive et les 25 % restants ne sont versés que si le jeune est toujours en emploi six mois après. Nos calculs établissent un coût moyen de 7 000 euros pour une sortie positive ».


Quand privé et public se parlent...

Un si grand écart serait lié au mode de comptabilité des préfectures, prenant en compte la signature des contrats et les sorties positives alors qu'il existe un temps de formalisation administrative entre ladite signature et le lancement du contrat. Lancé à l'automne 2008, ce dernier a certes eu bien du mal à décoller : les opérateurs privés n'étaient pas vraiment prêts et les missions locales ont peu collaboré, considérant le recours au privé comme un injuste désaveu de leur travail. Bref, sur le terrain, la cohabitation fut contre-productive et le reste dans certains départements.
Le Haut-Rhin est l'un des rares départements (avec La Réunion) où le contrat d'autonomie roule au super avec 22 % de sorties positives à la mi-septembre 2009. Ce bon résultat a été obtenu par un regroupement de missions locales et d'associations d'aide à l'insertion, sans le concours d'opérateurs privés. Douce revanche... Ailleurs, passées la déception et la polémique, là où les missions locales n'ont pas remporté l'appel d'offres, comme à Massy, elles n'ont pas rechigné à prêter main-forte à Ingéus, l'opérateur présent sur place, au nom de l'intérêt général. Dans le Nord, le même Ingéus a choisi de travailler dès le début en direct avec les acteurs locaux, ce qui lui largement facilité la tâche.


Conseillers itinérants

« J'ai un regard très exigeant, très opérationnel sur mon métier. Sur des missions difficiles, l'opérationnel, ça permet de se blinder », assure Sylvia Mahé, responsable du secteur Essonne et Val-de-Marne pour Ingéus. Une manière d'évacuer les pesanteurs psychologiques du contexte... Elle annonce le chiffre de... 47 % de sorties positives pour les deux départements. « Nous arrivons désormais à bien travailler avec les missions locales, mieux dans l'Essonne que dans le Val-de-Marne mais les mentalités évoluent. Je n'avais aucun a priori, je tisse des liens avec tous les acteurs, les missions locales mais aussi Pôle emploi », poursuit-elle. Dans les deux départements, les missions locales travaillent sur une cible « jeune » de 14 000 personnes. Fin 2011, Ingéus s'est engagé à faire signer 1 400 jeunes. « Les missions locales nous envoient des jeunes. Et nous en faisons de même... Nous avons des conseillers itinérants qui quadrillent mieux le terrain, nous avons renforcé notre communication en direction des jeunes, avec des spots radio sur Sky Rock par exemple ou encore en participant à des événements dans les quartiers ».


Mieux analyser les territoires

Les missions locales n'opposent pas un refus de principe au contrat d'autonomie. « Mais la mauvaise implantation des opérateurs privés rendait leur mission délicate », assure un cadre d'une fédération de missions locales. Il compare le contrat d'autonomie au Civis, qui s'adresse potentiellement à 850 000 jeunes, dont les sorties positives vers l'emploi sont de 50 %. « Certes, répond Sylvia Mahé, mais le suivi d'un contrat d'autonomie est plus serré et concerne vraiment les jeunes les plus éloignés de l'emploi. Ce qui rend l'orientation vers l'emploi plus difficile », assure-t-elle.
L'essentiel est dans l'analyse du territoire. Dans certains secteurs, l'offre de placement est tout simplement pauvre et les objectifs naturellement inatteignables. C'est là l'une des faiblesses récurrentes de la politique de la ville : chercher à obtenir des résultats rapides sans prendre le soin d'analyser les faiblesses et les richesses d'un territoire. « Les organismes privés disposent-ils réellement de la compétence pour répondre à ce défi ? », interroge notre cadre de mission locale. Une chose est certaine : le contrat d'autonomie marche là où les complémentarités se dégagent. Aux acteurs de terrain de privilégier un peu plus l'intérêt général...


Témoignage

Marie-Anne Galazka
directrice Emploi-formation-insertion à la communauté d'agglomération de Clichy-Montfermeil

« La défiance domine encore entre privé et public »
« Il faut sans doute laisser encore un peu de temps aux opérateurs privés pour se familiariser complètement avec le contexte. Notre collectivité participe au comité de pilotage du contrat. Nous avons facilité la recherche de locaux pour l'opérateur, ce qui n'est pas une mince affaire, car peu sont disponibles et l'implantation au c½ur des quartiers est une condition importante de la réussite du dispositif. Je m'interroge sur le public ciblé, la plupart des jeunes en contrat d'autonomie étant connus des missions locales. L'objectif d'aller chercher les jeunes dans les cages d'escaliers est-il toujours respecté ? Les comités de pilotage restent tendus, la défiance domine encore entre privé et public. Le préfet à l'égalité des chances du département a vertement invité les missions locales à être plus coopératives. Sur des petits territoires comme les nôtres, les collectivités jouent un rôle de Pôle emploi bis. La bonne coordination des acteurs est un préalable absolu à la réussite des contrats d'autonomie ».


Formation et coaching

Le contrat d'autonomie est une mesure d'accompagnement vers et dans l'emploi réservée aux jeunes de 16 à 25 ans peu ou pas qualifiés, domiciliés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il est expérimenté dans 35 départements. Payés au résultat, les prestataires privés ou publics ont pour mission d'aller à la rencontre et d'accompagner les bénéficiaires vers une sortie positive (emploi durable, formation qualifiante ou création d'activité) pendant 6 mois, renouvelables une fois, en leur proposant des actions de formation et de coaching. Tout au long de cet accompagnement, les jeunes en contrat d'autonomie sont aidés financièrement : ils perçoivent une bourse mensuelle de 300 euros et leurs frais liés à la recherche d'emploi sont pris en charge par les opérateurs (financement de formations courtes, frais de transport, d'équipements de travail...).