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A la uneLoin d'être un effet de mode, le web social - dit 2.0 - arrive à maturité dans les collectivités qui l'investissent de plus en plus à titre professionnel. Face à la lame de fond des réseaux sociaux, dont les politiques ont déjà compris l'intérêt pour leurs campagnes, les territoriaux commencent timidement, mais sûrement, leur révolution des pratiques. Comment passer d'une culture de l'ombre à la lumière des réseaux ? Quelles précautions et quels conseils pour réussir sa présence en ligne ? La Lettre du Cadre Territorial numéro 398 (1er avril 2010) |
Un article de M Franck Confino
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Les collectivités commencent à investir les réseaux, pour interagir avec les habitants ou toucher les plus jeunes. Ce n'est qu'un début : la transition sera inexorable. « À Issy-les-Moulineaux, c'est le cas depuis septembre 2008 sur Facebook et nous comptons aujourd'hui 2 160 fans », raconte Éric Legale, directeur d'Issy Media. « C'est important parce que 65 % d'entre eux ont moins de 25 ans et que c'est généralement une population difficile à toucher avec nos outils traditionnels de communication. »
Cette communication multimédia bouleverse aussi bien les relations entre citoyens que les liens entre les citoyens et la collectivité. « C'est aussi un moyen plus simple et plus personnel de communiquer avec nos habitants, rajoute-t-il. Ils interagissent plus spontanément que sur nos autres plateformes en ligne. Je crois qu'il faut aller partout où sont nos habitants, sur Facebook comme sur Twitter. J'essaye d'avoir le réflexe de partager les infos importantes. Je pense, par exemple, à l'alerte tempête début mars. J'ai mobilisé mon équipe samedi midi pour que l'alerte soit diffusée sur Facebook, sur Twitter, sur issy.com et sur les journaux lumineux ».
L'interactivité, les services, le lien social sont les principaux critères qui placent l'internaute au c½ur de la relation avec l'administration.
Les réseaux sociaux apportent en outre une vraie opportunité pour être à l'écoute d'un territoire. « L'intérêt est de permettre une véritable ubiquité ! » s'exclame Hervé Pargue, expert du web 2.0 et ancien responsable de Paris.fr. « Cela permet d'être au courant en temps réel de ce qui fait l'actu d'un quartier, d'une ville, d'un département. On l'a encore vu récemment avec la tempête où les internautes ont twitté en temps réel les infos sur ses impacts. En janvier dernier lors de l'épisode neigeux, un directeur de cabinet d'une petite ville de la grande couronne m'a fait part de la manière dont il a senti, sur la Fan page de la commune, le mécontentement monter sur les délais de déneigement et en a informé le maire qui lors de la cérémonie des v½ux n'a pas manqué de se faire interpeller sur le sujet par ses administrés ! Bref, qu'il s'agisse de Facebook, Twitter ou de la blogosphère locale, les communicants doivent une veille ».
Si l'intérêt n'est plus à démontrer pour la collectivité, l'usage reste encore faible à titre personnel. Pourquoi ? Est-ce le manque d'intérêt perçu, le devoir de réserve ou la posture « d'hommes de l'ombre » cultivée par certains qui a fait des territoriaux les grands absents de ces réseaux jusqu'à peu ? Depuis le Web 1, le cadre territorial s'exprime peu sur les forums, préférant le cercle fermé des mailing-lists. Et il sait mieux que quiconque, que, sur la toile, toute trace laissée sous son nom risque un jour d'être produite contre lui... Mais en 2010, avec le Web 2, comment rester sur le quai, quand sa famille, ses amis et même ses élus sont, depuis belle lurette, dans un train qui file à toute vitesse ?
« Pour les territoriaux, l'usage est peu développé et reste souvent limité à la sphère personnelle et amicale », remarque Pascal Minguet, expert des réseaux et conseiller municipal de Jouhe. Peu s'en servent à titre professionnel. Problématique : que dire ? Que faire du devoir de réserve ? J'en connais même qui ont « fermé » leur profil, y compris sur des réseaux comme Viadeo... Et lorsque ce n'est pas vécu comme une « contrainte », c'est encore vu comme un « jeu » ou un jouet par certains ».
Un constat partagé par Fabrice Jobard, directeur de la communication du conseil général de l'Yonne, pour qui « les territoriaux ne se sont pas encore bien approprié les réseaux sociaux. Sur Viadeo, LinkedIn, il y a peu de fonctionnaires territoriaux, surtout quelques membres de cabinet et des agents contractuels. Sur Viadeo par exemple, il y a moins de dix agents de mon conseil général (sur 1 800) et sur ces dix... on retrouve tous les membres du cabinet du président, plus quelques agents de la DSI. Est-ce parce que les fonctionnaires ont le droit et l'obligation de réserve ? Ou plus prosaïquement parce que le sens du networking n'est pas encore bien compris : on ne cherche pas qu'un job sur les réseaux sociaux. On cherche aussi à partager de l'expérience. Autant on peut comprendre que la première fonction est moins essentielle pour les fonctionnaires que pour les contractuels... autant je comprends mal pourquoi ils se privent de la seconde ! »
Gildas Lecoq, directeur de la communication de la ville de Vincennes, surenchérit : « ce n'est pas parce qu'on est territorial qu'on n'a pas à bouger, vers d'autres structures publiques ou privées, ou qu'on ne doit pas vivre avec son temps. En outre, sur le plan professionnel, un communicant territorial se doit d'avoir un réseau pour lui-même et aussi pour faire du buzz. Facebook me permet ainsi de multiplier les contacts, y compris auprès de personnalités qui viennent aux événements organisés à Vincennes. »
Mais que faire lorsqu'au sein de la collectivité, la DSI bloque l'accès à ces sites ? ! Un vrai travail sur les mentalités doit alors s'engager pour sortir de la sclérose. « Pour ce qui est de Fontaine, les réseaux sont encore vus comme quelque chose de dangereux, qu'il faut absolument éviter » déplore Dominique Paulin, webmaster et spécialiste de la blogosphère.
« Facebook ou Twitter n'ont pas droit de cité sur nos ordinateurs et pour y accéder, il faut réussir à déjouer le blocage. Je regrette cette censure car je pense que ces réseaux, s'ils sont bien utilisés, comme à Rive-de-Gier par exemple, sont des outils de communication au même titre que le journal municipal ou le site internet. » C'est sans doute parce que « nous n'avons pas encore su, nous, les communicants, expliquer la nécessité de ces outils de travail, même pour un usage personnel » conclut Gildas Lecoq, auteur d'une Charte de bonne utilisation de l'internet mise en place à Vincennes.
Le cas de Fontaine est loin d'être isolé, alors qu'ailleurs « de plus de plus en plus de territoriaux utilisent le Web 2.0 à titre personnel », comme le note Jean-François Legat, directeur de la communication de Rive-de-Gier. « Ils découvrent aujourd'hui l'intérêt de ces réseaux, aux fins de développer leurs propres réseaux, dans un esprit d'assistance et d'entraide, mais aussi pour préparer d'éventuelles évolutions de leurs propres carrières. »
Des précautions, les territoriaux n'en prennent-ils pas trop ? Elles peuvent être justifiées sur des réseaux mélangeant vie privée et professionnelle comme Facebook où plus l'on s'expose au regard des autres - notamment collègues, supérieurs et recruteurs - plus les risques augmentent. Sans verser dans la paranoïa, une étude récente de CareerBuilder a montré que 45 % des DRH consultaient les réseaux sociaux avant d'embaucher : il est donc primordial de faire attention aux messages qu'on diffuse, à son image virtuelle - à sa « e-reputation ». Ne pas publier de photos de vacances ou de soirées festives si l'on a posé un arrêt maladie peut sembler évident ; et pourtant certains se font prendre ! Le meilleur conseil est de gérer finement les droits et autorisations de ses contacts, en créant des listes, sur Facebook. Et, bien entendu, faire attention à ce que l'on dit. « Même à titre personnel, les territoriaux sont soumis à un droit de réserve. Si l'on n'est pas vigilant, certains esprits mal intentionnés pourraient utiliser vos dires contre la collectivité » rappelle Jean-François Legat.
À l'inverse, n'avoir aucune existence sur ces réseaux devient suspect, a fortiori si l'on travaille dans la communication. Rappelez-vous que le Net a horreur du vide : à vous d'occuper le terrain virtuel, en publiant des contenus de qualité, en créant votre profil (même dormant le cas échéant) sur tous les grands réseaux. Faute de quoi vous n'existerez pas pour Google ou serez toujours à la merci des informations livrées par d'autres. N'hésitez plus à vous lancer et goûtez à la formidable démultiplication des opportunités et contacts que vous permettront les réseaux.
Laissons la conclusion à Pascal Minguet : « L'intérêt pour un territorial de maîtriser le Web 2.0., c'est d'abord de rester dans la société, de ne pas être en total décalage avec ses administrés, avec les politiques (ceux qui y sont), avec sa famille, ses amis... C'est comme si les territoriaux n'avaient jamais utilisé le téléphone ! »
- Facebook : le réseau des réseaux
Source de contacts, d'interactivité mais aussi d'informations, Facebook, créé en 2004, s'est imposé comme « le réseau des réseaux » ou les « pages jaunes 2.0 » en réunissant plus de 150 millions d'utilisateurs actifs dans le monde et 15 millions de Français en 2010. « Facebook est une Rolls, les autres sont très poussifs, pas aussi conviviaux et tristes à mourir. Et si c'est pour être proche des associations, des administrés, des médias, c'est Facebook sinon rien » (Pascal Minguet). « Je pensais que Facebook, c'était surtout pour le fun, mais je découvre depuis peu qu'en ciblant bien ses « amis » on peut avoir une belle source d'information » (Fabrice Jobard) - Véritable microblog : « Facebook est celui que je privilégie car il m'offre une latitude assez importante pour écrire, dialoguer, publier des photos, vidéos... » (Gildas Lecoq)
- Twitter : capter les tendances
Le phénomène est plus récent. Jusqu'alors réservé aux « geeks », intellectuels et journalistes, il s'est amplifié avec les élections en Iran ou quelques événements d'actualité (comme les crashs d'avion pendant l'été 2009 ou la mort de Michael Jackson). Réunissant 32 millions de membres dans le monde, il permet d'afficher des messages courts (140 caractères) et de « capter les tendances ». Très pertinent, son intérêt à titre personnel n'est pourtant pas évident de prime abord. « Je n'en vois pas, sauf twitter à propos d'une manifestation » (Gildas Lecoq).
- Viadeo et LinkedIn : les réseaux professionnels par excellence
Le premier (ex-Viaduc) est leader en France, l'autre dans le monde. « J'aime surtout Viadeo, même si l'outil est un peu statique, je n'ai surtout rien compris à LinkedIn. J'ai plus de 200 relations qui me permettent de rentrer en contact avec des centaines de milliers de personnes. » (Fabrice Jobard). « On m'a déjà fait des propositions de recrutement par des chasseurs de tête... mais je n'y vais pas quotidiennement » (Gildas Lecoq)
- 123people : ceci n'est pas un réseau social !
Avec 5 millions de visiteurs uniques mensuels en France, 123people appartient à une autre catégorie de sites, souvent appelés des « agrégateurs » ou annuaires. Ce n'est pas un réseau social : on y figure sans jamais s'y être inscrit, car le site récupère les contenus mis en ligne ailleurs. Il les réinjecte dans une page fourre-tout, à votre prénom + nom, sans vous offrir de droit d'accès ni de rectification. À la fois inutile (moteur sans valeur ajoutée autre que publicitaire) et utile (pour savoir ce que le web retient de vous), le résultat est souvent farfelu : 123People mélange vos liens, diffuse vos coordonnées, vous confond avec
des homonymes mais parle bien de vous !
Débutants
- « Se googler » : vérifiez ce que Google dit de vous, car c'est la première source d'information qu'on ira chercher. Créez une alerte Google sur votre nom. Étendez vos recherches sur des sites comme 123people dont le résultat est parfois édifiant.
- Prévoir du temps : les réseaux sont chronophages. « Je conseillerais la patience. Les beaux réseaux prennent du temps à se bâtir. Je dirais aussi qu'il faut donner beaucoup pour recevoir (un peu). Mon blog sur le protocole m'a permis de rentrer en contact avec des centaines de personnes que j'ai ensuite incitées à entrer dans la toile de mon réseau. Je pense enfin qu'il faut être régulier. Le développement et l'entretien d'un beau réseau numérique demandent une bonne heure... par jour. » (Fabrice Jobard)
- Être présent : « Être présent et tester pour apprendre. Mais aussi mettre à jour ses infos et profils si on utilise les réseaux sociaux. Rien de pire qu'un profil qui ne vit pas » (JF Legat). Si l'auto-expérimentation vous fait peur, vous pouvez aussi « définir un cadre, une charte, des objectifs, suivre une formation/initiation puis vous faire accompagner. » (Pascal Minguet)
- Savoir se présenter : avant vos premiers pas sur les réseaux, lisez la « Net étiquette » ou la Nétiquette pour savoir comment vous présenter. « Il faut se constituer un réseau de personnes avec lesquelles on est amené à dialoguer. Je refuse les invitations où l'on ne m'envoie pas un petit message. » (Glidas Lecoq)
- Savoir avec qui vous partagez vos informations : « Surtout ne pas accepter les demandes de mises en relation de n'importe qui, bien veiller à vérifier autant que faire ce peut qui on accepte et qui on contacte. » (Dominique Paulin)
Confirmés
- Prendre part activement aux « think tanks » : il existe forcément des clubs de réflexion, groupes Facebook ou hubs Viadeo qui vous correspondent. Autant d'opportunités pour afficher vos centres d'intérêt mais aussi partager, échanger.
- Savoir « écrire multicanal » : « Triez bien les informations que vous voulez faire passer sur le réseau en direction de ses membres. Il existe une écriture pour le papier, une pour la télé, une pour le Web, il en existe une maintenant pour les réseaux (mis à part les écritures SMS que l'on voit encore, mais qui se font de plus en plus rares). » (Dominique Paulin)
- Gérer sa réputation numérique : créez votre communauté via des groupes, des pages ou un blog. Votre réseau sera proportionnel à la qualité des informations que vous partagez. Rien de tel qu'un blog (au mieux) d'informations partagées ou (a minima) sous forme de CV pour gérer sa réputation numérique.
Experts
- Regrouper ses comptes : « Si vous êtes présent sur de nombreux réseaux, créez un espace central regroupant vos différents comptes et renvoyant vers chacun d'eux. » (JF Legat). De nombreux services (Friendfeed, Unik, Seesmic etc.) permettent aujourd'hui cela.
- Faire vivre sa communauté : animez votre réseau au quotidien, organisez des événements IRL (« in real life »).
À télécharger
Complément rédactionnel n° 960 : Web 2.0 : l'essentiel à connaître.
www.lettreducadre.fr/comp-redac.html
Pour aller plus loin
« Blogs territoriaux, réseaux sociaux et nouveaux enjeux du Web 2.0 pour les collectivités », par Franck Confino
Un ouvrage de Territorial Éditions. Sommaire et commande sur http://librairie.territorial.fr
Site
- L'agence de communication Adverbia, spécialisée en Web 2.0 territorial, propose plusieurs listes sur Twitter, dont une consacrée à 70 collectivités qui twittent.
http://twitter.com/Agence_adverbia/collectivites
www.blog-territorial.com
Pour se former
Maîtriser les nouveaux outils du Web 2.0
À Lyon, le 25 mai 2010
Contact : Soumiya El Amiri, 04 76 65 79 98
soumiya.el-amiri@territorial.fr