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De l'usage constructif de la dérision

Article du numéro 397 - 15 mars 2010

Repères

Comme il y a quelques années pour l'entreprise, un livre vient salutairement dénoncer le management absurde de certaines collectivités. À nous d'en tirer les ressources pour changer.

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Déjà six ans : Corinne Maier envoyait son brûlot dans les œuvres vives de la grande entreprise. Bonjour paresse(1) allait réjouir des milliers de cadres et faire grincer les dents de quelques centaines de dirigeants. Avec talent et malice, l'auteure brocardait l'absurdité de tant de pratiques managériales et de tant de structures définitivement anthropophages, bien faites pour stériliser les efforts collectifs et pour inciter les collaborateurs à limiter leur contribution à une présence passive, discrète et obéissante.


De nouvelles approches organisationnelles

Naturellement, ce best-seller n'a pas contribué à améliorer l'image déjà fort dégradée en France d'une entreprise dont on ne découvre, chez nous, l'extrême utilité et la richesse irremplaçable que lorsqu'elle se délocalise ou qu'elle
dépose son bilan.
Mais, dans ce livre, le trait était si féroce et la critique si bien ajustée que nombre de managers se sont efforcés de corriger le tir pour réinsuffler de la vie dans les nouvelles approches organisationnelles (fonctionnement par processus, démar­che qualité, « ERP »...) de telle sorte qu'elles échappent à leur triste destin d'innovations technocratiques aux résul­tats purement théoriques. La dérision avait produit des résultats positifs.
Souhaitons le même destin à l'ouvrage de Zoé Shepard, Absolument dé-bor-dée ! (le paradoxe du fonctionnaire)(2), qui résume son propos dans la baseline de sa couverture : « Comment faire les 35 heures en un mois ». Cette fois, c'est le monde professionnel des collectivités qui se trouve cloué au pilori. Embauchée après huit ans d'études dans une mairie de province, l'auteure a vite déchanté : « Plongée dans un univers où incompétence rime avec flagornerie, ses journées sont rythmées par des réunions où aucune décision n'est jamais prise, des rapports qu'elle doit rédiger en dix jours (quand deux heures suffisent), des pots de bienvenue, de départ ou d'anniversaires ».


Dix fois Courteline

Comme Corinne Maier dans son pamphlet, Zoé Shepard n'y va pas de main morte et tire sur tout ce qui bouge : à la lire, l'administration territoriale serait devenue dix fois plus dérisoire que celle de Courteline. Si la dérision a cela de bon qu'elle permet une utile catharsis et qu'elle souligne, en les caricaturant, les dysfonctionnements d'une organisation, elle ne doit jamais conduire à un nihilisme « aquoiboniste » du style : « On est mauvais, il n'y a plus rien à faire ». Ce doit être, au contraire, un aiguillon pour l'action ; et précisément, dans de très nombreuses collectivités, c'est un vent de progrès qui souffle : on y acclimate de nouvelles approches managériales, on s'efforce d'abandonner le fonctionnement en silos, de gérer plus dynamiquement les personnes, de travailler par missions, par projets, par objectifs, et donc d'orienter toujours plus l'effort de tous vers le service des citoyens.

Espérons que le livre de Zoé Shepard contribuera à fortifier cette dynamique : vive Voltaire s'il permet d'accélérer les remises en cause nécessaires et les évolutions heureuses !

1. Bonjour paresse, Corinne Maier, éditions Michalon, 2004.
2. Absolument dé-bor-dée !, Zoé Shepard, Albin Michel, 2010.


Hervé Sérieyx
hserieyx@libertysurf.fr