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Article du numéro 391 - 01 décembre 2009
À côté des EPCI, des syndicats mixtes fermés et des PNR, pullulent des formes alternatives de coopération, largement libéralisées par une série d'audacieuses jurisprudences. Inventaire de solutions à combiner entre elles sans tomber dans le piège de l'usine à gaz... Tous les articles du numéro 391 |
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Quand une personne, même publique, rend un service à une autre personne publique, il y a marché public ou délégation de service public avec des règles de concurrence et de publicité, sauf dans cinq exceptions... qui, à force de s'étendre, deviennent la règle.
- L'extension du « in house »
Au titre des « prestations intégrées » (ou in house), les prestations de services sont désormais exonérées de règles de concurrence et de publicité :
- les mutualisations intercommunales ;
- les prestations de services effectuées par les EPCI pour leurs membres...
Sources : CJCE 13/11/2008, Coditel Brabant, C-324/07, art. L. 327-1 Code urb. ; CJCE 11/1/2005, Stadt Halle C-26/03.
- La libéralisation des prestations
de services hors « in house »
Le juge européen a aussi libéralisé les prestations de service lors de relations entre collectivités ou entre collectivités et EPCI... tant que la collectivité prestataire de services n'en profite pas pour faire du profit. Une révolution.
Source : CJCE 9/6/2009, X c/RFA (Hambourg)
C-480/06.
- Cas particuliers
De plus, les règles de mise en concurrence et de publicité ne s'imposent pas ou peu :
- si le droit exclut ces mises en concurrence (location de biens immobiliers sans service annexe, par exemple) ;
- si un acte, unilatéralement, transfère une compétence (« droit exclusif »)* ;
- en deçà des seuils de l'article L. 1411-12 du CGCT pour les délégations de service public.
* Sources : CJCE 10/11/1998, BFI Holding, C-360/96 ; CJCE 23/5/2000, Sydhavnens, C-209/98.
Deux principaux régimes de mutualisation existent entre communes et EPCI : la mise à disposition de service et la gestion unifiée de service. Nombre d'EPCI recourent aussi à la mutualisation pour assurer, contre remboursement, des prestations « à la carte ».
Sources : art. L. 5211-4-1, II, du CGCT.
Des communes (ou des communes et un EPCI) peuvent passer en commun des marchés publics à la faveur du cadre, souple, de l'article 8 du CMP.
Des communes qui possèdent des biens ou des droits indivis peuvent les faire gérer par une personne morale de droit public administrée par une commission syndicale et par les conseils municipaux de ces communes. Cette lourde et ancienne solution connaît, depuis quelques années, un regain d'intérêt (tourisme, centres de loisirs, stations d'épuration, neige artificielle...).
Sources : art. L. 5222-1 et suiv. puis art. L. 5816-1 et suiv. (en Alsace-Moselle) du CGCT.
Les communes, EPCI et syndicats mixtes peuvent également recourir à un régime très égalitaire :
- une « entente », formée sur des « objets d'utilité communale compris dans leurs attributions et qui intéressent [...] leurs communes respectives » ;
- des « conventions », qui permettent « d'entreprendre ou de conserver [...] des ouvrages ou des institutions d'utilité commune » ;
- gérés par des « conférences » où chaque organe délibérant « est représenté par [...] 3 membres désignés au scrutin secret » avant vote par tous les organes délibérants intéressés.
Source : art. L. 5221-1 et suiv. du CGCT.
Le groupement d'intérêt public permet d'agir pour une durée déterminée dans un but particulier non lucratif (culture ; maison de l'emploi...) selon des modalités de fonctionnement partiellement issues du droit privé. Chaque type de GIP a son propre fonctionnement avec l'avantage d'associer partenaires publics et privés et un fort contrôle par les autorités préfectorales...
La formule de la « Charte intercommunale de développement et d'aménagement » a été lancée en 1983, afin notamment de succéder aux anciens plans d'aménagement rural. Aujourd'hui, la CIDA, dépourvue de personnalité juridique et d'organe, apparaît surtout sans existence concrète même si des réussites isolées peuvent être signalées ou si elle peut servir de tremplin à un futur parc naturel régional.
Sources : art. L. 5223-1 et suiv. du CGCT ; art. R. 112-1 et suiv. du Code rural.
La création d'un établissement public de coopération culturelle peut intervenir, sur décision préfectorale, par délibérations concordantes (art. L. 1431-2 du CGCT) pour gérer un service public culturel contribuant à la réalisation d'objectifs culturels nationaux (art. L. 1431-1 du CGCT). Ces ambitions y expliquent tant le rôle de l'État que sa quasi-indépendance de gestion.
La loi MOP n° 85-704 du 12/7/1985 prévoit :
- les conventions de mandat (maîtrise d'ouvrage déléguée) qui peuvent être une forme de coopération entre collectivités ;
- la convention de maîtrise d'ouvrage unique (à combiner parfois avec un groupement de commande), solution commode pour des ouvrages complexes comme pour de simples gestions de travaux de routes mitoyennes entre communes.
Le regroupement pédagogique intercommunal (RPI), qu'il soit souhaité ou subi, correspond en réalité à de nombreuses possibilités juridiques (syndicat ; entente ; convention)...
Source : art. L.212-2 du Code de l'Éducation.
L'association intercommunale fait souvent figure de solution miracle, pour des acteurs locaux en mal de souplesse. Mais si elle reçoit une subvention (ou si elle encaisse des recettes publiques) et que son objet, son organisation et son fonctionnement traduisent une « autonomie insuffisante » vis-à-vis d'une personne publique... alors la chambre régionale des comptes risque fort d'estimer qu'une « gestion de fait » a été commise...
Une fois ce danger géré, l'association peut intervenir via des subventionnements ou des marchés publics (gare au favoritisme alors !), selon des frontières affinées récemment par le juge (voir CE 6/4/2007, Aix-en-P., 284776).
Se développent des transferts de gestion de compétences, par conventions :
- entre région (ou département) et EPCI à fiscalité propre dans le cadre de l'article L. 5210-4 du CGCT ;
- en matière d'action sociale, du département vers les communautés (V de l'article L. 5216-5, III de l'article L. 5215-20 et VII de l'article L. 5214-16 du CGCT) ;
- à propos des aides à la pierre de l'État (Anah) vers les départements ou certains EPCI (art. L. 301-3, L. 301-5-1 et suivants du C. Construction) ;
- transfert de gestion de compétences de communes vers la communauté ou inversement, pouvant même concerner d'autres collectivités.
Sources : art. L. 5215-27, art. L. 5216-7-1 et, avec des modalités plus limitées, art. L. 5214-16-1 du CGCT ; sans mise en concurrence ni publicité : les arrêts « Hambourg » et « Coditel Brabant » précités ; CAA Lyon, 27/2/1990, CU de Lyon, rec. T. p. 626 et 984.
Il n'y a ni mise en concurrence, ni publicité entre une entité adjudicatrice et le prestataire si (voir plus haut « in house ») :
- l'acheteur public exerce sur son fournisseur « un contrôle analogue à celui » qu'il exerce sur ses services ;
- ce prestataire réalise avec lui l'essentiel de son activité.
Ce n'est pas le cas des SEML, en raison de la présence d'actionnaires privés... C'est en revanche le cas des sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) à 100 % publiques (solution qu'il est question d'étendre à toutes les SEML à ce jour).
Sources : art. L. 327-1 du Code de l'urbanisme ; CJCE 11/1/2005, Stadt Halle C-26/03.
Une commune, un EPCI ou un syndicat mixte ouvert peut toujours créer une régie (soit à personnalité morale et autonomie financière, soit à simple autonomie financière) pour gérer un service public administratif. C'est même souvent une obligation pour gérer un service public industriel et commercial. Or, il est possible de transformer de telles régies, qui ont leurs propres organes et personnels, en vrais outils alternatifs de coopération puisque l'on peut nommer des personnes qualifiées pour siéger dans les organes de la régie... qui peuvent par exemple en cas de prestation de service pour une commune voisine être des conseillers municipaux de ladite commune.
Sources : art. L. 1412-1 et s. puis R. 2221-1 et s. du CGCT.
La société coopérative d'intérêt collectif a été instituée par une loi du 17/7/2001 et un décret du 21/2/2002 afin d'assurer « la production ou la fourniture de biens et de services d'intérêt collectif, qui présentent un caractère d'utilité sociale ».
La SCIC peut intervenir dans les domaines d'action sociale et assurer la gestion de certaines activités réglementées. Elle ne bénéficie d'aucune exonération particulière des règles de mise en concurrence et de publicité en cas de marché public ou de délégation de service public (voir l'arrêt Stadt Halle précité).
Les associations foncières de remembrement et les associations syndicales autorisées sont, lorsque les communes sont propriétaires foncières, des moyens utiles et souples de gérer en commun des problèmes ruraux, surtout en matière hydraulique, en combinaison ou en alternative au syndicat mixte.
À côté des syndicats mixtes fermés, on omet souvent de mettre en œuvre la solution du syndicat mixte ouvert qui reste la plus idoine pour faire travailler ensemble :
- des collectivités locales et/ou EPCI de différents niveaux (avec possibilités d'indemnités de fonction et de FCTVA en ce cas) ;
- voire également ces collectivités et/ou EPCI avec des chambres consulaires ou d'autres personnes morales de droit public (avec perte du FCTVA et des indemnités de fonction). Le droit de ces organismes est très largement « sur mesure » mais nécessite un délicat équilibrage juridique et politique.
Source : art. L. 5721-1 et s. du CGCT.
Les agences départementales ou autres ententes interdépartementales ou interrégionales (art. L. 5411-1 à L. 5622-4 du CGCT) peuvent être l'occasion, combinées parfois à des comités consultatifs, de créer des formes originales de coopération.
Nombre de prestations de services ou de partages d'agents partent tout simplement du régime des mises à disposition d'agents ou de détachements prévus par les règles du statut de la fonction publique...
Les réseaux de ville, certains pays et de nombreux autres dispositifs en fait ne se fondent que sur des régimes purement conventionnels... mais attention aux forces et aux faiblesses du contrat pur et simple car avec de tels contrats il n'est pas possible de créer des organes réellement décisionnels...
Il suffit parfois pour coopérer avec ses voisins de transformer ses commissions municipales ou intercommunales en comités consultatifs ouverts aux élus voisins.
Sources : art. L. 2143-2 et L. 5211-41-1 du CGCT...
1. Les statuts du prestataire de services (s'il s'agit d'un EPCI ou d'un syndicat mixte) semblent devoir prévoir une telle faculté d'agir (jurisprudence complexe).
2. Le Conseil d'État vient de libéraliser les conditions d'intervention de justification de l'intervention du prestataire (CE, 10/7/2009, dép. de l'Aisne, n° 324156).
3. En cas de mise en concurrence, le prestataire public doit établir son prix en calculant le coût de ses prestations internes et placer à égalité avec le privé d'un point de vue fiscal.
Sources : avis (contx) CE, 8/11/2000, J.-L. Bernard consultants, n° 222208 ;
CAA Douai, 9/6/2005, St-Michel, n° 03DA00269 ; TA Rennes, Ord., 26/12/2005, Plérin, n° 0504913-6, ainsi que dép. de l'Aisne précité.
Pour aller plus loin
« La mutualisation », un ouvrage de la collection Essais des éditions Territorial. Sommaire, commande ou téléchargement sur http://librairie.territorial.fr, rubrique « Essais ».