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Article du numéro 383 - 01 juillet 2009
Les pouvoirs publics considèrent souvent les promoteurs immobiliers au mieux comme des étrangers, au pire comme des adversaires. Or, ce sont eux qui interviennent dans la très grande majorité des constructions neuves. En cette période de crise du logement, il vaut mieux savoir discuter avec eux... ne serait-ce que pour obtenir ce qu'on veut. Tous les articles du numéro 383 |
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La loi SRU, qui va bientôt fêter ses dix ans, n'avait pas comme objectif premier de favoriser le développement des relations entre le secteur privé et le secteur public pour répondre aux besoins de logements, notamment à destination des plus modestes. Cependant, en dix ans, les relations public-privé se sont considérablement développées. Et pourtant, on constate toujours un manque de fluidité dans les relations des uns avec les autres. Même si cela peut paraître trivial, il est nécessaire de rappeler les vocations de chacun, car c'est fondateur : l'un fixe le contexte, en amont, l'autre réalise, en aval. Il faut également avoir toujours en tête le rapport au temps. Les objectifs, de (re) construction d'un quartier ou d'une ville, conduits par une collectivité ne s'inscrivent pas dans la même temporalité que la réalisation des projets portés par les opérateurs. Et pourtant, opérateurs et collectivités s'adressent au même public. Quand les élus évoquent les attentes de leurs administrés, ils parlent des mêmes personnes que celles que rencontrent les promoteurs ou les bailleurs.
Est-ce le public qui contraint le privé pour qu'il soit au service de sa politique ? Est-ce le privé qui, quelles que soient les règles, trouve toujours un moyen de les mettre à son profit ? Poser ce parallèle entre les deux secteurs ne doit pas revenir à mettre l'un et l'autre sur un pied d'égalité. Tout simplement parce que l'un fixe les règles du jeu, et joue ensuite les arbitres, tandis que l'autre est sur le terrain, joue avec les règles qu'on lui a fixées, et doit obéir aux injonctions de l'arbitre. Pour poursuivre la métaphore sportive, si les règles sont mauvaises, le jeu ne sera pas intéressant, ou pire, se dévoiera de son but. Et si l'arbitre est mauvais, là encore, la partie ne pourra pas bien se dérouler. Pour poser la question de manière provocante, quand on est responsable du droit des sols, des SCOT et des stratégies de développement et des secteurs à aménager, comment peut-on se plaindre que ce qui est réalisé par les opérateurs ne correspond pas à ses objectifs ? Que les projets urbains représentent des enjeux électoraux importants, soit, mais l'urbanisme et l'aménagement du territoire, c'est du long terme. Ça dépasse autant les habitants (qui n'habitent plus forcément toute leur vie au même endroit), que les élus (qui changent) et les opérateurs (qui vont et qui viennent). En rappelant la vocation de chacun, on mesure à quel point on doit se positionner en responsabilité sur son rôle, et s'y tenir, en profondeur. C'est comme cela que l'on déplore souvent la confusion entre l'interventionnisme, qui pousse la collectivité à s'immiscer à tort dans l'opérationnel, avec la nécessaire fermeté des intentions projetées dans le cadre du droit des sols.
Avoir l'ambition que le secteur privé fasse ce que le secteur public attend de lui, cela demande beaucoup de détermination, des collaborations le plus en amont possible et un professionnalisme qui ne supporte plus que soient occultées la connaissance et la reconnaissance mutuelle. Autrement dit, plus le public sait prendre en compte, en amont, la réalité des modes de fonctionnement et des contraintes du secteur privé, plus la collaboration en aval permettra de répondre aux objectifs des uns et des autres. De ce point de vue, le public endosse une responsabilité, un devoir, qui est à l'échelle de son pouvoir. La politique publique ne peut se construire contre le marché qui n'est que le reflet des attentes des ménages, contre les réalités qui auront toujours le dernier mot face aux idées reçues et donc contre les opérateurs privés qui dépendent du marché, de la demande, et du cadre posé par la collectivité. La politique publique, sans qu'elle se soumette aux seules intentions du privé (ce qui n'aurait pas plus de sens), ne peut se construire contre mais avec. Or il y a de nouveaux défis à relever dont les enjeux sont d'autant plus forts que nous vivons un important changement de cycle, qui ne se résume pas uniquement à la situation économique actuelle du secteur. Face à cette situation, privés et publics doivent impérativement savoir le mieux possible coordonner les nouveaux dispositifs mis en place avec les réalités de marché pour qu'une synergie efficace et constructive se mette en place. Je pense notamment :
- aux évolutions récentes des lois fiscales : Scellier, LMP, LMNP ;
- au développement du Pass Foncier ;
- au doublement du PTZ ;
- aux récentes évolutions de zonages ;
- au développement de l'offre en secteurs de rénovation urbaine (TVA à 5,50 %) ;
- aux pratiques trop peu développées de Partenariat public-privé.
Si c'est bien de la responsabilité du public de faire évoluer le cadre général en fonction des tendances conjoncturelles, c'est bien le secteur privé sur lequel on compte majoritairement pour les mettre en ½uvre. Il faut d'ailleurs relever à ce propos que les opérateurs ont été associés, parfois même en étant force de proposition, à l'évolution des dispositifs que nous venons d'évoquer. Nous parlons donc d'un mouvement qui est en marche.
Ceci étant, on ne peut raisonnablement imaginer mettre en ½uvre une évolution des dispositifs sans s'interroger sur les sujets sur lesquels il faut agir au plus vite en cette période de crise. Le corollaire est qu'on ne peut donc imaginer raisonnablement que la concertation locale ne s'engage entre collectivités et les fédérations professionnelles (FPC, SNAL, FBTP, FNAIM,...) pour intervenir sur :
- les projets en cours : (re) calibrage sur la nature des produits, sur les volumes et sur les prix de vente ; porter encore plus d'effort dans les secteurs secondaires, plus touchés par la crise et savoir mettre en sommeil ce qui ne peut être développé à moyen terme ;
- la « fabrication » du foncier : c'est globalement un point faible de la majeure partie des collectivités locales, où la part des secteurs aménagés dans l'ensemble de ce qui est construit est trop faible, et ne présente pas un levier d'action suffisant pour bien maîtriser le développement des villes et agglomérations, sans parler des conséquences globales sur le renchérissement des prix des fonciers. Or, qui peut mieux maîtriser au fond les gisements fonciers si ce n'est la collectivité ?
- friches industrielles ;
- îlots urbains dégradés ;
- zones de rénovation urbaine ;
- secteurs de développement nouveau ;
- la densité urbaine différenciée : c'est une question globale d'économie urbaine, financière, environnementale. Or, on bloque encore sur les idées reçues des populations et donc des élus sur cette question alors qu'architectes, urbanistes, industriels et promoteurs travaillent depuis déjà plusieurs années sur des solutions innovantes en la matière (cf. travail conduit par l'équipe d'architectes Jean Nouvel/Christian de Portzamparc/Rolland Castro sur le projet Grand Paris 2030).
Il existe bien entendu des exemples de collaborations parfaitement réussies, tant en terme d'élaboration du droit des sols, que de stratégies de développement habitat ou de zones à aménager. Grâce à un Partenariat public-privé d'un nouveau genre, on a évité la procédure de ZAC. À méditer en période de crise... C½ur de Seine, une des trois opérations d'urbanisme majeures programmées à Gennevilliers, a été attribuée fin 2004 à Nexity Villes & Projets :
- reconquête des friches industrielles Chausson, sur 12 hectares ;
- 2 000 logements (100 000 m2), dont 25 % sociaux ;
- 150 000 m2 de bureaux et d'équipements (piscine, salle de sport, maison de la petite enfance, collège), dont 5 000 m2 de commerces en pied d'immeubles ;
- organisés autour d'une coulée verte de 2 ha ;
- programmés sur 10 à 15 ans.
Nexity Apollonia et Nexity Entreprises ont obtenu des permis de construire pour 13 000 m2 de logements et 50 000 m2 de bureaux. Moyens déployés par l'opérateur pour gagner la consultation :
- choix d'un architecte de renom, Jean-Paul Viguier ;
- partenariat avec la SEMAG 92 pour travail commun en conception et organisation du projet ;
- prise en charge des études préalables (500 000 euros) par Nexity Villes & Projets ;
- financement et animation de la communication et de la promotion du projet.
Cette opération d'aménagement ne fait pas l'objet d'une procédure de ZAC. Les terrains ont été maîtrisés par la ville ; les cessions à promoteurs se font au fur et à mesure de l'obtention des permis. L'opération a financièrement été sécurisée par l'attribution des premiers 63 000 m2 aux filiales de Nexity, soit 25 % du total des 250 000 m2 développés à terme.
On estime en France que :
- le secteur privé pèse de 75 à 85 % dans la construction de logements neufs (hors individuel en diffus) ;
- parmi ces logements, 5 à 10 % sont en réalité des VEFA réalisées par le secteur privé pour le compte de bailleurs sociaux, la Foncière logement, SNI,...
- la part des logements construits en secteurs aménagés est de moins de 20 % du total de logements construits chaque année.