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Eau : Saint-Étienne obtient une baisse des tarifs

Article du numéro 379 - 01 mai 2009

Service public

Après un bras de fer qui aura duré plusieurs mois, Saint-Étienne a finalement obtenu une baisse très sensible du prix de l'eau. il lui aura fallu pour cela batailler dur avec son concessionnaire et brandir la menace du retour en régie.

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Après plusieurs mois de négociations, Saint-Étienne a fini par obtenir une baisse du prix de l'eau. À 4,30 euros le mètre cube, les tarifs stéphanois étaient parmi les plus élevés de France pour une ville de cette catégorie. Après négociations, ils pourraient diminuer de 0,70 à 1 euro, selon les cas. La baisse aura un effet rétroactif au 1er janvier 2009, après validation des nouveaux tarifs par un conseil municipal extraordinaire, le 18 mai prochain. Mais ce résultat n'a pas été obtenu sans mal. En effet, les négociations avec la Société stéphanoise des eaux (SSE, constituée à 50-50 par Veolia et Suez) ont été dures. Entamées par la municipalité précédente au moment de la nouvelle révision quinquennale engagée sur la base d'un audit financier des contrats SSE et de la convention avec la ­Société stéphanoise de service public (SSSP), filiale à 100 % Veolia, les négociations avaient échoué.


Menace d'un retour en régie

Fraîchement élue en mars 2008, la nouvelle municipalité, conduite par le socialiste Maurice Vincent, décide de reprendre les négociations. Un retour en régie est même prévu. La ville souhaite non seulement ­obtenir une baisse du prix de l'eau mais aussi en maîtriser son coût. Il s'agit donc également d'obtenir une transparence de gestion ainsi qu'une simplification du montage contractuel avec les différents organismes concernés. Pour ce faire, une commission « eau et ­assainissement » a été créée, regroupant les élus et les services concernés. Deux groupes distincts sont constitués : l'un travaille sur la négociation avec le délégataire SSE, le ­second s'attelle au projet du retour en régie. En outre, le dossier de gestion de la station d'épuration du Porchon a également fait l'objet de renégociations (cf. encadré). Longuement mûrie, la piste d'un retour en régie n'a pour l'heure pas été retenue, mais elle est conservée. « Ce projet a été un moyen de pression sur la SSE, explique Alain Pecel, adjoint au maire en charge de cette délégation. Mais la rupture du contrat signé en 1992 pour trente ans avec la SSE aurait conduit à un remboursement d'indemnités conséquent à la Stéphanoise des eaux, et donc, le prix de l'eau n'aurait pu être baissé dans l'immédiat. »


La fin des droits d'entrée

Pour autant, c'est bien cette menace qui a pesé sur la décision de la SSE d'accepter les termes de la négociation et de céder sur la suppression du versement de droits d'entrée. Car le sésame pour une baisse du prix de l'eau est ici. En effet, au moment de la privatisation de la distribution de l'eau en 1992, les deux contrats conclus avec Veolia et Suez prévoyaient un versement de droits d'entrée d'un montant de près de 400 millions de francs (soit près de 61 millions d'euros), somme perçue au budget général. « C'est ce principal élément qui a poussé à l'augmentation de l'eau à Saint-Étienne », poursuit Alain Pecel. Mais un jugement en date du 18 mai 1995 a déclaré illégaux ces droits d'entrée. Pour autant, les versements se sont poursuivis via un autre biais. En effet, une convention financière prévoyant deux dispositions a été mise en place : une capitalisation du montant de ces redevances pour la durée du contrat et un amortissement sur la durée du contrat avec un taux financier de 9,04 % par an. Dans ses négociations, la ville a donc fait ­valoir la nullité de cette convention et a ainsi obtenu la reconnaissance d'un calcul réel de l'amortissement de ces sommes pour un taux réel de financement de la SSE d'environ 5 %. « En interrompant ce droit d'entrée, nous permettons aux ménages stéphanois d'économiser environ 75 millions d'euros sur les treize années restantes, assure Alain Pecel. En outre, cela permet de rééquilibrer les tarifs entre les petits et les gros consommateurs puisqu'au final les petits consommateurs payaient beaucoup plus que les gros. Il s'agit donc vraiment de rétablir une justice sociale. »


Rétablir une justice sociale

En cours d'élaboration, la structure tarifaire sera donc votée le 18 mai prochain. Caractérisée par une dégressivité importante dans les tranches de consommation les plus fortes, elle devrait être revue pour privilégier les consommations individuelles et baisser davantage les premières tranches du tarif. En somme, le prix devrait peu baisser pour les gros consommateurs mais fortement pour les petits. La municipalité insiste par ailleurs sur le fait que la baisse du tarif de l'eau ne devrait pas avoir des répercussions sur les questions d'économies d'eau et de développement durable. En effet, la tarification proposée introduira une progressivité qui incite à la baisse de la consommation. En outre, sur demande la ville, la SSE a accepté de contribuer pour un montant de 30 000 euros à un « fonds d'eau » pour des actions de coopération décentralisée. La ville peut ainsi se vanter d'avoir gagné son pari. En maniant la menace, elle est parvenue à obtenir une baisse du prix de l'eau importante. Mais l'accord demeure fragile car tout dépend de la volonté politique. En treize ans, deux scrutins municipaux vont avoir lieu. Ce qui tient aujourd'hui ne le sera peut-être pas demain selon les municipalités élues.


Avis d'expert

Jérôme Bougelot
Directeur général de Calia Conseil
www.caliaconseil.fr


Une avancée réelle

Il est toujours délicat d'analyser en détail un accord dont seuls les négociateurs connaissent les dessous : le simple jeu sur la structure de la tarification, permet d'afficher un bénéfice pour telle ou telle catégorie d'usagers, sans que l'équilibre économique global soit nécessairement bouleversé. La menace d'un retour en régie semble avoir été à mon sens plus un argument de communication politique (même si cela compte !) que de fond : le coût d'une résiliation est souvent rédhibitoire (on suivra à ce titre avec attention l'aboutissement du contentieux des quelques villes s'étant lancées dans cette aventure périlleuse).


En revanche, la limitation du coût de l'amortissement du droit d'entrée, qui a déjà été obtenue par d'autres, constitue une avancée réelle. On joue un peu sur les mots en disant que ce versement est illégal : celui qui l'a versé est de toute façon dans l'obligation d'en amortir le coût ! Mais l'opération à fort rendement financier (pour le délégataire) est ici transformée en simple annuité classique de dette, à un taux décent pour les usagers. Cette fin n'est sans doute que provisoire... puisque ce fameux contrat est encore loin d'être achevé et continuera d'engager, nolens volens, les deux parties qui l'ont signé.


Un marché public lancé pour l'exploitation de la station d'épuration

Dans le même temps, Saint-Étienne a décidé de revoir le dossier de la station d'épuration de Porchon, exploitée par la SSSP depuis 1970 par reconduction de contrat. Après d'importants travaux, une nouvelle station permet aujourd'hui d'assainir 90 % de l'eau de la ville. « Nous avons décidé de relancer un marché public afin d'obtenir un coût de gestion plus avantageux », explique Alain Pecel. Veolia et Suez se retrouvent ainsi en concurrence sur les deux consultations en cours, l'une portant sur le traitement de l'eau d'épuration et l'autre sur la valorisation thermique des boues, pour des délégations de cinq ans. La ville précise, concernant la résiliation du contrat SSSP, que « l'analyse juridique souligne que le montant de l'indemnité est minime et qu'il est compensé par des provisions non utilisées. »