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Éclairage public : qui a peur du noir ?

Article du numéro 379 - 01 mai 2009

Environnement

Hiver 2009 : de grandes villes françaises comme Paris, Toulouse et Lille décident, temporairement, de ne plus éclairer certains monuments publics la nuit. Il faut dire que la consommation a atteint un niveau d'alerte début janvier, obligeant la France à importer de l'electricité de ses voisins européens... Anecdote ? Un peu, car les véritables enjeux concernent plutôt l'éclairage public, objet de quelques zones d'ombre...

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D'un côté, des communes de quelques milliers d'habitants, ­décident d'éteindre l'éclairage public de leurs rues de minuit à 5 heures du matin. De l'autre, de plus en plus de grandes villes adoptent des plans lumière, véritables projets d'aménagement de leur territoire. Mot d'ordre collectif : éclairer juste.


Peu de mise en veilleuse

C'est un fait, les grandes villes ont baissé leur puissance lumineuse. Elles ont stabilisé la consommation, grâce à une adaptation des puissances souscrites et une amélioration des équipements. Mais parallèlement, elles ont multiplié les points lumineux avec l'embellissement et les mises en valeur ­patrimoniales. Monuments et bâtiments ­rivalisent d'habits de lumière. Quitte à pratiquer de temps en temps une extinction emblématique des feux. Et à faire hurler les associations de protection de l'environnement quand les projecteurs s'attaquent aux montagnes et autres sites naturels. Les contradictions se bousculent. Le rayonnement touristique des villes lumière s'accorde peu avec les impératifs de maîtrise de l'énergie prônés par l'Union européenne.


Les feux de la rampe

Sur la question de l'éclairage public, les villes dansent encore d'un pied sur l'autre, avec un imparable argument : la sécurité. Quelques voix s'élèvent pour dénoncer la man½uvre. « Les économies d'énergie passent après la question de la sécurité. Il faut dire que l'éclairage est un secteur économique très important, qui n'avait pas connu la crise jusque-là. Les fournisseurs-vendeurs-éclairagistes imposent le nombre de lampadaires, la puissance des ­ampoules et ne souhaitent toujours pas de ­réglementation » souligne Véronique Clérin, trésorière de l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne (ANPCEN).

Un article récent (1) s'interrogeait : l'éclairage joue-t-il un rôle dans le traitement de la ­sécurité dans les villes ? Sans oublier de le resituer dans l'ensemble des politiques d'aménagement urbain et de relever les ­approches partisanes. Résultat : des débats peu féconds en termes opérationnels et ­aucun canevas standard d'action clair. « Il n'y a pas d'étude scientifique qui établisse un lien entre la baisse de la délinquance et l'éclairage. Mais l'ambiance d'un lieu contribue au sentiment d'insécurité : être dans une rue sombre fait que l'on a davantage peur » corrobore François Freynet, consultant en sécurité ­urbaine. Dans le domaine de la sûreté ­urbaine, on constate en effet des effets pervers à tout : qui dit éclairage, dit zone d'ombre à proximité et la création d'un niveau d'anxiété supplémentaire. Avec l'éclairage, on voit venir l'agresseur, mais celui-ci voit aussi sa cible de plus loin... « Pourtant, poursuit François Freynet, l'éclairage est un bel outil, trop peu utilisé. L'essentiel est de travailler sur les ambiances, notamment piétonnes, et de les diversifier en fonction des pratiques : loisir, travail ou passage. »


Théâtre d'ombres

L'éclairage urbain est en pleine mutation. « Comment évoluer d'une démarche technique fonctionnaliste privilégiant la sécurité, à la gouvernance d'un éclairage de qualité ? interroge Jean-Michel Deleuil, qui travaille au projet Évaluation-Lumière, à l'INSA Lyon. La décision politique doit arbitrer et définir un cadre d'actions. Dans le cadre d'une politique de l'éclairage, la pratique technique est orientée conformément à la gouvernance locale, c'est-à-dire par un panachage négocié des thématiques privilégiées : patrimoine, espaces publics, festivités... ». Pollution lumineuse, économies d'énergie, confort des usagers, éclairage inutile, trop longue durée d'éclairage : des termes nouveaux font leur entrée dans le vocabulaire des lampadaires. Pour l'instant, il n'existe aucune norme réglementaire en France en matière d'éclairage public, même si le projet de loi du Grenelle de l'environnement s'oriente vers une reconnaissance du suréclairage.  C'est surtout toute une série de résistances qu'il va falloir lever, des habitudes de consommation bien ancrées aux irrationnelles peurs du noir. Les techniciens des villes devront adapter leurs pratiques aux ­espaces traités, à leurs usages et aux enjeux qui justifient ces traitements spécifiques. Si la recherche du confort se substitue effectivement à l'approche sécuritaire, les mises en lumière qui rendent de l'urbanité à l'éclairage généreront des ambiances et des opportunités nouvelles d'usage de la ville. Mieux éclairer sera l'immense défi auquel chaque commune devra réfléchir. En attendant, il reste à éclairer la lanterne de tous.

1. « Éclairage et sécurité en ville : l'état des savoirs », Sophie Mosser, in Déviance et Société, 2007.


Des portables allumeurs de réverbères

Par souci d'économie, la ville allemande de Dörentrup (8 500 hab.) éteint tous les soirs à 21 heures les lampadaires de ses rues les moins passantes. Les passants peuvent les rallumer pour quinze minutes sur leur trajet, grâce à leur téléphone portable ! Ce service a permis une diminution de 25 % de la facture de l'éclairage public.


« Les réponses sont complexes »

Vincent Marchaut,
animateur du groupe Éclairage public de l'Association des ingénieurs territoriaux de France

« La population a besoin d'éclairage public et nous tentons de répondre le plus raisonnablement possible. L'éclairage est très difficilement mesurable, c'est du ressenti. L'impression de n'être pas assez ou trop éclairé ne peut se faire que sur un site qui propose différents éclairages. Les actions sur l'éclairage public ont tout juste quelques années. Les notions spatiales et temporelles entrent en jeu : il n'y a pas besoin du même éclairage, à tout moment de la nuit, partout. »


Concours villes et villages étoilés

Faire prendre conscience aux collectivités du problème de la pollution lumineuse, proposer des solutions et une démarche d'amélioration de l'éclairage extérieur : l'ANPCEN lance en 2009 le concours Villes et villages étoilés. Objectif : récompenser les communes qui mènent des actions en faveur de la protection de l'environnement nocturne. Les communes candidates disposent d'une expertise de leur politique d'éclairage, avec analyse détaillée des données, appréciation de l'impact sur l'environnement et axes prioritaires d'amélioration. Les communes étoilées bénéficient d'une campagne d'information et de promotion grand public et touristique.


Doc-Doc

Pour aller plus loin


« Les collectivités et le marché public de l'électricité » un ouvrage de Territorial Éditions. Sommaire et commande

À lire


" Mobilier urbain : halte aux gaspillages ! " La Lettre du cadre territorial, n° 373, 1er février 2009.

À télécharger


 Complément rédactionnel n° 921 :


- Le guide réalisé par la Frapna Isère et l'ANPCEN sur la sensibilisation à la pollution lumineuse.
- Lyon : la ville en pleine lumière, synthèse de débats prospectifs.
- Le dossier de presse du MEEDDAT, Projet de loi Grenelle de l'environnement : vers une reconnaissance de la pollution lumineuse.

Sites


Complément rédactionnel n° 922, accédez aux sites :


- Association française de l'éclairage
- Association des ingénieurs territoriaux de France
- Association pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne.
- Association des concepteurs lumière et éclairagistes.