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Conduire le changement : un vrai défi

Article du numéro 375 - 01 mars 2009

Management

La conduite du changement est-elle devenue une banalité dans les collectivités ? À l'évidence non : ceux qui ont décidé de s'attaquer sérieusement au problème se heurtent sérieusement à de multiples difficultés. Pour réussir le chantier, il vaut donc mieux avoir d'abord une claire conscience des enjeux. Puis, on mettra en ½uvre des techniques qui donneront toutes leurs chances au projet.

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Le nombre croissant des changements auxquels nous avons à faire face dans nos responsabilités professionnelles nous amène souvent à des phases de ­décou­ragement. Le changement, un mot mis à toutes les sauces ! Et pourtant... s'il s'agissait surtout d'adopter un regard différent, une attitude plus ouverte et d'aborder ce processus comme une conduite de projet permettant d'amorcer une spirale évolutive ? La vigilance et le bon sens nous permettant de repérer les faux amis ! Quel programme et quelles chances supplémentaires de réussite pour redonner du sens à cette expérience essentielle dans nos vies !


Les postulats de départ

- Le changement est partout presque permanent, dans le contexte extérieur aux ­organisations, dans les nouveaux enjeux ­politiques, dans les organisations elles-mêmes, dans le rôle et missions de l'encadrement, dans les priorités données et ­reprises. Il n'est ni bien ni mal, ni moral ni immoral, il est.


- Le changement c'est le mouvement, c'est la vie. Et en même temps, changer pour changer est autant « ringard » que de refuser systématiquement le changement. Ce sont deux formes caricaturales aussi insupportables et inefficaces l'une que l'autre.


- Le changement se conduit ou se subit.


- Il y a beaucoup de niveaux dans le changement : changer de lunettes, de relations, de région, de pays et, dans le monde du travail, changer de directeur, d'orientation, d'organisation, de priorités, de cadres, de responsables politiques, de métier... je vous laisse poursuivre la liste, vous la connaissez trop bien. Nous avons besoin, en tant que responsables, de cartographier ces changements et de repérer leur niveau ou catégorie.


- Changer, dans le bon sens commun, c'est passer d'un état à un autre, en souhaitant en général une amélioration.


- Aujourd'hui, les changements se succèdent à un rythme si soutenu que l'on cherche où sont les zones de stabilité, de non-changement. Existent-elles encore ?


- « La seule chose qui ne change pas c'est le changement ». Ce mouvement continu, cette évolution dans une même spirale nous amène à développer des qualités d'équilibristes.


- Le changement est un processus avec des phases. Il répond à des règles et à un processus cohérent comprenant à la fois la peur et l'envie, le désir et le frein.


- On accompagne un projet informatique, ­financier, culturel... Et si l'on accompagnait, on conduisait le changement comme un projet ?


Pourquoi conduire le changement ?

Et si les changements, aujourd'hui si nombreux, étaient pensés comme un projet global, avec des étapes, dans une vision de transformation qui repense les buts, les ­finalités en fonction du contexte, du nouveau monde du XXIe siècle dans lequel nous vivons et dans lequel nous avons des difficultés à ajuster nos comportements et nos représentations aux réalités ?


Quand...

L. nous sollicite en 2005, il avait déjà engagé, de sa place de DGS, une partie du processus de mutualisation. Il a dû conduire et piloter de nombreux changements et travaille à son nouvel organigramme. Les équipes sont un peu fatiguées et cherchent « un second souffle ». Tout le monde est un peu en baisse d'énergie, et il ressent avec toute son intuition de leader que la « deuxième manche » va être longue et difficile. Il nous connaît et « comprend la valeur ajoutée » qu'il y a à se faire accompagner et accompagner ses équipes. Il va nous utiliser comme experts pour lui et pour l'ensemble de son comité de direction. Le processus va se dérouler sur neuf mois, en alternance de temps de travail individuel avec le DGS et chacun des directeurs, des temps de binômes et de séminaires. Les temps individuels permettent prise de recul, travail sur le sens, pilotage opérationnel ; les temps de binôme favorisent la régulation des relations, la coordination des actions et la transversalité. Les séminaires vont dégager une vision commune, plus de cohérence et permettre la mise en ½uvre de la deuxième étape de la mutualisation.


Conduire le changement est aujourd'hui une mission stratégique pour les leaders décideurs, porteurs du sens, pilotes des projets. Conduire le changement est aussi, aujour­d'hui, au c½ur des missions des différents niveaux de l'encadrement dans la mise en ½uvre très pragmatique et très opérationnelle des actions sur le terrain. Les formes managériales sont différentes en fonction du rôle de chacun, mais elles doivent converger pour permettre la réussite.


Quand...

dans cette mairie, la DRH nous contacte, elle cherche comment mettre en mouvement dynamique l'ensemble des responsables du comité de direction qui vont devoir partager des missions avec leurs homologues et collègues de la communauté d'agglomération, et mieux s'approprier la politique ressources humaines de leur direction. Nous allons mettre en place avec elle une méthodologie d'accompagnement de projet, spécifique à leur contexte et leurs attentes, en créant des groupes de travail, puis en formant les pilotes à cette nouvelle mission et en les accompagnant à déployer leur mission en direction des groupes de travail. L'engagement et la motivation des personnels, la qualité du travail restitué au DGS et au comité de direction, véritables tuteurs du projet et associés en amont au processus, va « obliger » les directeurs à reprendre les commandes et, à partir du travail fourni, à mettre en place le projet de leur nouveau mode de fonctionnement.


Un peu comme pour une voiture, cela évite d'aller dans le mur, cela permet de négocier les virages pour aller de l'autre coté de la montagne. Comme la plupart des conducteurs, la plupart des managers conduisent déjà le changement. Cela nous invite à prendre des cours de perfectionnement, à devenir un conducteur vraiment responsable de lui-même, des autres, de son véhicule et de l'environnement : devenir un conducteur plus performant et pourquoi pas, pour certains, un champion de formule 1.


Un grand défi : réussir le changement

La réussite a ses conditions : conduire le changement en accompagnant les hommes et les équipes, dans le déploiement de la stratégie comme dans celui de la mise en ½uvre des actions. Pour donner sens à la métaphore, conduire la voiture peut être ­satisfaisant en soi ou être perçu de plus en plus comme une action routinière. Ce qui va nous rendre la conduite plus attractive, plus motivante ou moins dangereuse, c'est de développer de nouveaux apprentissages pour plus de sécurité, de liberté, de plaisir, d'écologie, d'efficacité, d'économie... selon les critères de chacun. Et pour amorcer ce nouvel apprentissage, nous avons besoin de nous questionner en amont, de nous ­remettre en question, et souvent de quitter, de renoncer à certaines de nos habitudes. Postuler que cette question puisse être une véritable clé de l'évolution et de la réussite, voilà qui nous emmène dans une véritable aventure moderne. Conduire le changement sans trop y croire, contraint et forcé par la crainte de l'immobilisme, voilà la meilleure manière de saboter l'action. Conduire en postulant que l'on tient là une des clés de la réussite du changement génère une dynamique et facilite l'adhésion des hommes et des équipes. Conduire le changement en mettant au c½ur de l'action le respect de soi et des personnes, et considérer que cette nouvelle éthique des relations est « le meilleur carburant de l'efficacité et du succès » change complètement la donne sans changer la situation ou le contexte de départ. Conduire le changement en reliant l'engagement aux ­objectifs de développement de la qualité de services aux citoyens, de la solidarité, de l'équité va générer de la fierté d'appartenance, fondement de la motivation.


« Dégonfler » les représentations

Un processus de conduite du changement rencontre automatiquement les habitudes confortables et les intérêts particuliers ­acquis. Il réveille individuellement et collectivement les mêmes craintes ou questions : « Qu'est-ce que je vais perdre, qu'est-ce que l'on va me retirer ? Quels avantages vais-je en tirer ? Qu'est-ce que l'on va me demander en plus ? En quoi est-ce utile et pour qui, pourquoi ? Est-ce que je vais y arriver ? » etc. Prendre le temps d'identifier de faire nommer et de dégonfler « ce gros paquet » de représentations, souvent construites sur des expériences passées, vécues ou entendues va permettre à chacun de traverser pour passer dans un état suffisamment réceptif et participatif, tout en respectant sa personnalité. Cela va permettre de développer suffisamment de transparence.


Quand...

la direction de cet établissement public nous demande d'intervenir, elle est confrontée à un changement de culture très important. Deux entités historiquement très distinctes viennent de fusionner. L'ensemble des services est réorganisé et le personnel doit travailler ensemble. Nous réfléchissons et construisons avec ce client un projet ambitieux destiné à accompagner le personnel sur le thème du changement. Une formation de deux jours destinée à l'ensemble des agents va permettre à chacun de s'exprimer, de libérer une partie des peurs et de pouvoir envisager de repartir, non pas sans problème, mais comme acteur des évolutions et du nouveau projet. L'accompagnement spécifique des encadrants mis en situation d'animation de leurs équipes, en lien avec les problématiques rencontrées permet de prendre le relais de la dynamique et de s'affirmer plus et mieux dans leur place de managers. Durant ce processus, l'engagement de l'équipe de direction par une action structurée de pilotage a permis de soutenir les changements et de faire les ajustements nécessaires. Un suivi six mois après a confirmé que cet accompagnement avait fortement facilité les relations au travail et l'atteinte des objectifs.


Nous pouvons alors rentrer dans une vraie conduite de projets, avec ses temps de pilotages stratégiques et opérationnels, de groupes de travail, de sous-groupes, de concertation, discussions, décisions, mise en ½uvre des plans d'action, suivi et évaluation : cela va permettre plus de cohérence et une meilleure lisibilité du processus et des étapes. Les étapes s'inscrivent dans un processus méthodologique et relèvent d'une procédure : bien comprendre le contexte et ses ­enjeux, poser les problématiques, fixer le cap et le tenir, définir la stratégie de résolution, définir ce que l'on veut garder et ce que l'on veut changer, s'accorder sur le sens et communiquer.


La culture de l'échange

S'écouter, échanger, communiquer, établir le socle commun, décider et s'engager sont les moyens à mettre en ½uvre. La culture du dialogue, de l'échange plus authentique rend les personnes plus « acteurs », plus responsables, plus engagées. Elle facilite les collaborations et les synergies transversales comme la qualité des relations dans les équipes. Elle ouvre à une vision paradoxale, à la fois globale et spécifique permettant de mieux appréhender la complexité de notre monde. Elle favorise prise de recul, ­réflexion, intuition, humour, créativité. Elle est la forme moderne et appliquée « de se former en live », sur le terrain, aux compétences, à communiquer, à manager, à diriger à partir des réalités très concrètes, tant celles du politique, que celles des usagers, que celles des équipes. Il s'agit bien de mieux ­appréhender, d'accepter la complexité en prenant la mesure du chantier dans un juste équilibre entre toute puissance et impuissance.


Quand...

la DG et la DRH d'un conseil général nous demandent d'intervenir, elles souhaitent marquer très fortement leur engagement à installer une véritable culture de l'échange, en lien avec la nouvelle législation contractualisant les relations avec les principaux des collèges. Après un important travail de préparation et des rencontres avec les principaux intéressés, un séminaire convivial va permettre de s'entendre, de s'écouter, de parler vrai et de redéfinir le cadre des nouvelles relations, en lien avec la complexité des pouvoirs à partager.


L'accompagnement concerne tous les ­acteurs du niveau décisionnel, stratégique, porteur du sens : le niveau « leader » et aussi « les ­managers », relais de la mise en ­musique et de la mise en ½uvre, l'encadrement de terrain par des responsables opérationnels et les plus en proximité de l'ensemble des agents, les agents interfaces avec le public et communiquant en direct avec le citoyen et l'usager. Tout le monde est concerné, cela participe de la cohésion du groupe, d'un projet partagé : c'est l'histoire de tous.


L'action modélisante

L'action elle-même est « modélisante », elle crée un modèle transférable. En faisant vivre plus de respect dans les relations, la prise en compte des difficultés rencontrées, l'écoute des peurs et des freins au changement, elle permet d'installer plus de respect, d'authenticité dans les relations humaines, elle dédramatise les problèmes en dégonflant et en libérant de la place de l'énergie pour ­aller vers l'action. Elle devient un nouveau cadre de référence, une nouvelle manière de relationner, de communiquer, d'échanger, de travailler ­ensemble. Elle commence à installer une véritable nouvelle culture : plus de parité, une place pour chacun selon ses meilleures aptitudes, comme dans une équipe sportive de foot ou de rugby, l'avant n'a pas la même fonction que l'arrière ou l'avant-centre. Cela participe de l'efficacité et du succès du match, et aussi du plaisir de jouer. La conduite du changement vécue ainsi sous l'impulsion des leaders devient un jeu où il y a plaisir à participer, à jouer, à gagner. Les leaders pilotes et porteurs du changement sont dans le dispositif. Ils sont eux-mêmes joueurs, capitaines de leur place avec les mêmes règles dans la spécificité de leur fonction. L'accompagnement leur permet d'avancer et de faire avancer l'équipe dans le bon rythme. C'est un gain de temps, c'est une optimisation de l'investissement tant humain que financier. C'est un véritable processus de changement de culture.


L'auteur

Martine Legrand  est cofondatrice de la société Éthique et performance consultants, cabinet conseil en management et en développement des ressources humaines. Consultante et coach, elle intervient auprès des dirigeants et des équipes de direction dans la conduite des changements stratégiques et opérationnels au niveau humain et organisationnel.


Doc-Doc

Pour se former


Manager les changements d’organisation, Le mardi 31 mars à Paris
Contact : Soumiya El Amiri,
Tél. : 04 76 65 99 81, soumiya.el-amiri@territorial.fr

À lire


Conduite du changement : mission impossible ? , La Lettre du cadre territorial n° 338, 15 mai 2007.