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Clubs pro : hausse des prix... du but !

Article du numéro 375 - 01 mars 2009

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Le sport est devenu un business, les clubs pro aussi. Les collectivités auraient donc tort de continuer à mettre leurs stades à leur disposition pour une bouchée de pain. À l'occasion de la construction de nouveaux stades, elles commencent d'ailleurs à réviser les conventions qui les lient aux clubs pour leur faire payer le juste prix. Mieux vaut savoir calculer.

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4,7 millions d'euros (HT) par an plus 20 % des recettes à partir d'un chiffre d'affaires de 16,5 millions d'euros (HT), c'est la redevance que devra acquitter le LOSC lorsque le grand stade de Lille métropole sera livré en 2012. Ainsi en a décidé le conseil communautaire le 25 septembre dernier. Grand stade qui sera d'ailleurs rebaptisé au nom d'un ­annonceur (naming) qui reste à trouver. La communauté urbaine de Lille métropole ayant finalement décidé, dans le cadre de la négociation avec le LOSC, de conserver les revenus du naming et ceux de partenaires officiels du stade. 4,7 millions, c'est 3,70 euros par place et par match sur une base de 25 matchs par an, soit près de 4 fois plus que ce que payent ­aujourd'hui en moyenne les clubs de ligue 1.


Deux catégories de stade

Car aujourd'hui, il y a bien deux catégories de stades qui se dessinent : les anciens et les nouveaux. Pour les nouveaux, la redevance est systématiquement renégociée. À ­Grenoble, elle atteint 1,2 million d'euros par an si le club dépasse les 80 % de remplissage (part fixe 500 000 euros + un pourcentage de 5 % à 30 % sur la billetterie et les VIP ­selon la fréquentation, à partir de 8 000 spectateurs). Au Mans, elle pourrait atteindre 1,9 million d'euros (part fixe de 700 000 euros + 15 % de la billetterie). Ces deux redevances (3 euros par place et par match pour Grenoble, 3,8 pour Le Mans) pour des stades de 20 000 et 25 000 places sont supérieures à celles qu'acquittent ­aujourd'hui les plus grands clubs de Ligue 1 : en moyenne 1 euro par place et par match. C'est le Stade de France qui a été précurseur sur la redevance. Les équipes de France s'acquittent d'une redevance moyenne de 6,80 euros par place et par match en jauge maximum (365 000 euros de fixe + 35 % de la billetterie au-delà de 50 000 places). Pour les autres stades, le calcul de la redevance est souvent le résultat de l'histoire locale. D'un côté, une volonté d'augmenter la redevance pour faire bonne figure à l'heure où les budgets des clubs professionnels explosent, de l'autre une augmentation à proportion de la subvention, voire une renégociation de la taxe sur les spectacles. Dans certains cas, la majoration de la redevance coïncide avec les travaux réalisés par la collectivité pour améliorer le confort des spectateurs, mais aussi les recettes du club : buvette, espaces VIP, loges... Vu à l'échelle du territoire, le mode de calcul de la redevance repose sur une alchimie complexe mariant, selon les clubs, redevance annuelle, redevance au match, redevance fixe et pourcentage sur la billetterie, en tenant compte de la mise à disposition des buvettes, de la taxe sur les spectacles. En bref, aucune collectivité n'a le même mode de calcul. Seuls les clubs propriétaires de leur stade échappent à cette règle.


Deux solutions de gestion

Le stade est-il mis à disposition de manière permanente ou temporaire ? Est-il mis à disposition dans son intégralité ou pour partie ? Selon la réponse à ces questions, la nature du contrat diffère. Schématiquement, la collectivité a le choix entre deux ­solutions : la gestion globale, la gestion par appartements. Dans la gestion par appartements, la ville ­assure l'entretien et la maintenance du stade. Pour la mise à disposition temporaire les jours de match, une convention d'occupation du domaine public moyennant ­redevance suffit. Encore qu'on pourrait discuter de la nécessité ou pas de mettre en concurrence l'exploitation des buvettes, des restaurants et des espaces VIP. Mais convenons pour l'instant qu'il s'agit d'une tolérance. Reste à fixer le montant de la redevance (cf. encadré). Dans le cas où les salons et restaurants sont utilisés hors match (espaces que le club ­résidant exploite parfois par extension de la mise à disposition du stade les soirs de match), ils doivent être loués au prix du marché, une procédure de mise en concurrence peut s'imposer. Dans le cas d'une gestion globale, la collectivité a recours à un exploitant pour gérer le stade. Cet exploitant est sélectionné après une procédure de mise en concurrence (délégation de service public ou marché ­public) et aura comme client principal le club résident qui, selon le contrat, s'acquittera d'une redevance auprès de l'exploitant ou de la collectivité. Pour des raisons de ­sécurisation juridique de la procédure, la collectivité n'autorisera pas le club à répondre à la mise en concurrence, le club étant imposé comme résident et comme sujétion spéciale de service public dans le cahier des charges de la mise en concurrence.


Les rapports Seguin et Besson

Les deux rapports qui permettront à Bernard Laporte de présenter en mars un projet de loi sur la compétitivité du sport professionnel n'apportent pas de précisions supplémentaires par rapport à la jurisprudence actuelle sur le mode de calcul de la redevance. D'ailleurs aucun chiffre n'est cité dans les rapports. Le rapport Seguin rappelle qu'il convient de verser une redevance qui, dans le cas d'un bail emphytéotique administratif, doit être conforme à la pratique du marché, redevance qui doit tenir compte de l'apport de la collectivité et qui pourrait contenir une part variable sur le chiffre d'affaires réalisé par le club.


Le casse-tête du calcul de la redevance

La mise disposition des équipements sportifs au profit de la société sportive donne lieu au paiement d'une redevance en application de l'article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. Le problème est de savoir comment calculer le prix de la redevance. Le tribunal administratif de Lyon, à propos de la mise à disposition de l'OL du stade de Gerland, a considéré que le montant de la redevance devait intégrer, d'une part la valeur locative du stade (valeur qui peut être estimée par les services fiscaux) et, d'autre part, les frais à la charge de la ville liés à l'organisation des matchs et notamment les frais d'entretien des terrains, de maintenance des installations, de nettoyage et d'électricité (1). Mais la cour d'appel a ajouté que la redevance doit aussi tenir compte de l'ensemble du chiffre d'affaires développé par le club grâce à son exploitation du domaine public (ventes de places, produits dérivés, recettes publicitaires, etc.) (2). Telle a également été la position du TA de Limoges au sujet de la redevance versée à La Berrichonne football jugée trop faible (1 500 euros HT par match) (3). Notons en plus qu'un loyer trop faible en comparaison des avantages qui sont procurés au club peut également être considéré comme une aide indirecte illégale au regard des articles 87 et 88 du Traité de Rome ­relatifs aux aides publiques.


La valeur locative

Elle correspond au loyer annuel théorique que devrait produire le bien s'il était loué dans des conditions normales du marché. Ceci ne pose pas de difficultés pour estimer le prix au m2 de locaux commerciaux ou ­administratifs. Selon la documentation fiscale, « la valeur locative des emplacements du domaine public (plages, trottoirs, etc.) concédés à des redevables de la taxe professionnelle doit être appréciée à la date du 1er janvier 1970 suivant les règles fixées pour les locaux commerciaux par l'article 1498 du CGI » (4). L'article 1498 prévoit que, pour les biens loués à des conditions de prix anormales, la valeur locative est déterminée par comparaison dans la commune ou hors commune pour les immeubles à caractère particulier ou exceptionnel. Le même article prévoit qu'à défaut, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. Ainsi, selon qu'on est du côté du club ou de la collectivité, on préférera l'une ou l'autre méthode de calcul de la valeur locative. L'approche par comparaison sera plus favorable aux clubs, compte tenu de la faiblesse ­actuelle des redevances, qui ne couvrent pas la plupart du temps les charges de la collectivité. L'approche par appréciation directe avantage la collectivité. Par exemple, pour un stade de 30 000 places à 3 500 euros la place, soit un coût de 105 millions d'euros, même en pratiquant un amortissement sur 50 ans sans frais financiers, le coût annuel pour la collectivité est de 2,1 millions d'euros.


Les frais à la charge de la collectivité

Il s'agit de maintenance, d'entretien, de nettoyage et des fluides. Selon les conventions, le nettoyage d'après match relève dans certains cas de la responsabilité du club. Pour un stade transféré à un établissement public de coopération intercommunale, les charges évaluées lors du transfert constituent une bonne indication. La prise en compte du GER (gros entretien et renouvellement) nécessite en plus d'intégrer les grosses opérations de maintenance à réaliser sur la durée de vie du stade (30 ans), sous la forme d'une dotation aux provisions : réfection de la pelouse, changement des sièges, étanchéité et couverture des tribunes... Pour un stade de 30 000 places « nouvelle génération », les charges d'exploitation varient entre 1,1 et 1,3 million d'euros. Les charges de GER s'élèvent à 1,5 million d'euros annuels.


Les avantages retirés par le titulaire de l'occupation du domaine public

Ces avantages sont de 2 natures différentes :


- le public accueilli et donc les recettes billetteries ainsi que les consommations dans le stade ;
- la valorisation des espaces publicitaires.


Ils sont donc liés à la fois au nombre de personnes accueillies dans le stade ainsi qu'à l'exposition médiatique donnée au club. Ces avantages doivent être valorisés sous la forme d'une part variable dans le calcul de la redevance. Cette part variable peut être calculée à parti d'une fréquentation théorique moyenne (pourcentage de remplissage moyen des stades en France par exemple), par seuils ou pourcentage selon le nombre de spectateurs présents et sur les bases d'un chiffre d'affaires panneautique dans le stade. La redevance finale dépendra du temps de mise à disposition du stade par la collectivité. Pourra être pris également en compte l'absence d'exclusivité.


1. TA Lyon, 10 mars 2005, Lavaurs contre ville de Lyon.
2. CAA Lyon, 12 juillet 2007, nos 06LY02105 et 06LY02106.
3. TA Limoges, 27 mars 2008, Delavergne Lajonchère contre ville de Chateauroux.
4. Voir détails des calculs sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html, complément rédactionnel n° 897.


Doc-Doc

À télécharger


 complément rédactionnel n° 898 et 899 :


- Rapport Besson "Accroître la compétitivité des clubs de football professionnels en France "
- Rapport Seguin " Grands stades Euro 2016 "


Sur la base juridique

- CAA Lyon, 12 juillet 2007.

À lire


Toulouse obtient réparation pour sa surface  La Lettre du cadre territorial, n° 361, 15 juin 2008.
Sur « Euro 2016, la France face au défi des stades », Acteurs du Sport n° 95.

Pour aller plus loin


« Les conventions des collectivités en matière sportive », un ouvrage des éditions Territorial. Sommaire, commande