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Les gens de banlieue font changer les choses

Article du numéro 374 - 15 février 2009

Leader

Amad Ly né au Sénégal et arrivé en France à l'âge de 3 ans, s'est battu pour l'inscription massive sur les listes électorales. Éducateur en formation à Clichy-sous-Bois, il participe à l'action des associations "Au-delà des mots" (ADM) et "AC le feu", deux organisations qui poussent les jeunes de banlieue à aller voter. Il est l'auteur d'un livre « Parole de jeune : j'ai mal à ma France». Amad Ly a reçu le prix de l'Éthique 2008 de La Lettre du cadre territorial.

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Amad Ly né au Sénégal et arrivé en France à l'âge de 3 ans, s'est battu pour l'inscription massive sur les listes électorales. Éducateur en formation à Clichy-sous-Bois, il participe à l'action des associations « Au-delà des mots » (ADM) et « AC le feu », deux organisations qui poussent les jeunes de banlieue à aller voter. Il est l'auteur d'un livre « Parole de jeune : j'ai mal à ma France »Amad Ly a reçu le prix de l'Éthique 2008 de La Lettre du cadre territorial.


En octobre 2007, la révolte des banlieues avait débouché sur des promesses. Plus de trois ans après, jugez-vous que la situation est meilleure ?

Un plan banlieue a été amorcé et est en train de voir le jour. Je le dis souvent : Rome ne s'est pas faite en un jour. Il est vrai que les choses prennent du temps, surtout pour les habitants des quartiers les plus fragiles. Mais petit à petit, cela avance. Le plan de ­rénovation urbaine s'accélère, certaines personnes ont déjà été relogées, c'est important.


Quelle est aujourd'hui la principale difficulté des « quartiers » ?

L'emploi, bien sûr. Même si des contrats d'autonomie ont été mis en place avec le plan banlieue, la communication sur ce qui peut être proposé aux jeunes des quartiers doit encore être améliorée. La deuxième grosse difficulté, c'est l'éducation. Trop de gamins ont « décroché », que fait-on pour ces jeunes en échec scolaire ? Enfin, troisième difficulté, qui concerne particulièrement Clichy-Monterfmeil où j'habite, c'est l'enclavement des quartiers. Il faut sortir de cet enclavement, permettre aux jeunes d'avoir accès à Paris et donc à l'emploi qu'ils peuvent y trouver. Il faut aussi permettre aux femmes de sortir de leurs quartiers pour trouver leur émancipation.


Avez-vous l'impression que le regard que la société pose sur les habitants de ces quartiers a changé ?

Je pense que ce sont les gens de banlieue qui font changer le regard qu'on porte sur eux, car ce sont eux qui construisent ce qui change en banlieue. On a tellement parlé des révoltes et des violences de 2005, mais on ne parle pas des associations qui se sont créées en banlieue pour soutenir les populations qui y vivent. Il y a un vrai intérêt à parler d'eux, à dire que, si les quartiers respirent mieux, c'est parce que des gens de banlieue s'entraident. Il faudra encore du temps : les clichés sont ancrés dans les mentalités et la banlieue fait encore peur. Mais je dis qu'il faut aller y voir de plus près, s'intéresser à ce que ces gens produisent pour notre société. Les jeunes y sont dynamiques, créatifs. On le voit, la banlieue évolue.


Le plan banlieue de Fadela Amara a pour objectif d'aider en priorité « ceux qui veulent s'en sortir ». Peut-on raisonner comme cela, entre ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas ? Est-ce seulement une question de volonté ?

Ce n'est évidemment pas qu'une question de volonté, c'est aussi une question de moyens. Il faut mettre ces moyens à disposition de ces populations qui ont envie de s'en sortir. N'oublions pas qu'elles sont fragiles, qu'elles ont besoin de ce soutien, d'actions positives, de structures adaptées aux problèmes. Mais tout le monde a envie de s'en sortir : je ne connais personne qui veuille rester dans la solitude et la défaite. J'en connais en ­revanche beaucoup qui ont envie de s'investir pour eux et pour leur ville.


Votre livre s'appelait « Mal à ma France ». Avez-vous toujours mal ?

Il y a des choses qui se construisent, mais il y en a toujours qui font mal à la banlieue. Aujourd'hui, elle a besoin de diversité, de ne plus être le lieu où les pauvres s'entassent. Les inégalités y sont encore si présentes, ancrées dans l'esprit des gens. J'ai encore mal à ma France pour cela. Avoir mal à ma France, c'est combattre les préjugés et rappeler qu'on est tous Français. Dans cinq, dix ou vingt ans, ce mal aura peut-être disparu au profit de l'envie de ­vivre dans ma France.