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Cadres : la recherche du mouton à cinq pattes

Article du numéro 373 - 01 février 2009

Management

Les compétences et l'environnement poussent à rechercher Mais ces cadres qui doivent avoir à d'organisation, il est difficile d'être gérant un quotidien très accaparant.

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Les compétences et l'environnement des collectivités évoluent et les poussent à rechercher des cadres territoriaux au profil plus performant. Mais ces cadres qui doivent avoir à la fois ces compétences de stratégie, d'organisation, d'animation ne se trouvent pas facilement. Dans les faits, il est difficile d'être toujours au plus haut niveau de son expertise tout en gérant un quotidien très accaparant.


Denys Lamarzelle - Directeur Économie Emploi au conseil général de Côte-d'Or
lamarzelle@wanadoo.fr


Pas facile aujourd'hui d'être cadre territorial... Son profil s'apparente à celui du mouton à cinq pattes et comporte cinq grandes missions fondamentales : il doit être expert dans son domaine, animateur de ses agents, responsable hiérarchique, régulateur social, et désormais stratège. Ceci dans un contexte où l'on demande de plus en plus aux collectivités locales, alors que leurs moyens restent souvent les mêmes, voire diminuent parfois de manière drastique.


Des cadres a quatre profils

Ces nouveaux enjeux imposent aux collectivités de rechercher des cadres territoriaux au profil de plus en plus performant, en privilégiant quatre grandes orientations :

- Le cadre est un organisateur et un conducteur d'opérations


Vis-à-vis des politiques publiques définies en amont, il doit superviser les activités mises en ½uvre en s'assurant du bon respect des normes et des procédures utilisées. Responsable de l'organisation du travail, il répartit les tâches et les moyens, planifie les activités, formalise les procédures. Il se doit de mobiliser les ressources à sa disposition pour obtenir la meilleure qualité possible au moindre coût, et dans les meilleurs délais.

- Le cadre est un animateur


Assurant les conditions d'une bonne régulation du « pouvoir faire », il régule et arbitre les diverses situations professionnelles qui se présentent à lui. En stimulant le personnel qu'il a sous ses ordres, il développe une bonne communication interne, tout en s'assurant des conditions du retour d'information qu'il est en droit d'exiger de ses collaborateurs. Encourageant l'innovation, il intègre le management des ressources humaines dans l'évolution de l'organisation du travail.

- Le cadre est un responsable social


Interface entre son personnel et sa hiérarchie, il assure les tâches relevant de la gestion des ressources humaines. Il a des responsabilités en matière de recrutement, de formation et d'évaluation des agents qu'il dirige. Garantissant l'application des règles communes à tous, il régule le rôle de chacun dans le respect des procédures internes.

- Le cadre est un stratège


Il se doit d'être formé en matière de gestion et de management. Si les tableaux de bord sont des outils devenus monnaie courante, les comptabilités analytiques, les bilans sociaux et les évaluations de politiques publiques commencent à se développer progressivement. Dans la logique objectifs/résultats, le management stratégique fait désormais partie ­intégrante de la fonction cadre.

On voit bien là qu'il ne sera pas simple de trouver « le mouton à cinq pattes » qui pourra, sans démériter, pourvoir les profils de postes disponibles. Dans les faits, il est difficile d'être toujours au plus haut niveau de son expertise tout en gérant un quotidien très accaparant. Et l'erreur est toujours possible malgré toutes les précautions prises. Or, le fonctionnaire le sait bien, son droit à l'erreur reste très limité car une erreur de sa part mettra l'élu en difficulté tôt ou tard. Et les conséquences seront alors immédiates...


Les cinq nouveaux enjeux locaux

La territorialisation : la recherche d'un aménagement du territoire plus équilibré et la volonté d'une plus grande proximité ­entre les citoyens et les services publics ­locaux placent la territorialisation au c½ur des préoccupations actuelles. Cette territorialisation doit offrir plus de simplification, d'efficacité, de qualité, de transparence, de diversité, et surtout de proximité.

Face à cette évolution, les cadres territoriaux apprennent à se mouvoir dans l'ambiguïté du multipartenariat. Ils se heurtent parfois aux inévitables querelles de frontières, liées à l'organigramme aplati du fonctionnement par pôles et par projets. Les schémas habituels et les modalités d'exercice des fonctions du personnel en sont fortement affectés. Ils doivent s'appuyer sur des structures déconcentrées et délocalisées qui, tout en procurant une relative autonomie de fonctionnement, les laissent néanmoins aussi dans un flou artistique, face à des projets collégiaux où chacun a l'impression de détenir la vérité.

=> La démocratie participative : pour éviter la rupture du lien relationnel entre services publics locaux et usagers de ces mêmes services, la « démocratie participative » doit permettre de faire remonter régulièrement les attentes du citoyen (par ailleurs usager, client, contribuable et électeur) au niveau le plus haut de l'exécutif local.

Après quelques années d'expérience, on constate que la démocratie participative ­nécessite un changement notoire des pratiques professionnelles des cadres territoriaux. Alors qu'ils ont parfois du mal à se ­situer et à évoluer dans la « zone grise » du management politico-administratif des collectivités, cette zone se complexifie en y ­intégrant le ­citoyen. La crainte pour eux peut être que cette démocratie participative s'apparente à une « contre-expertise ­citoyenne ». Certes, le savoir-faire des fonctionnaires n'est pas ­remis en cause, mais il s'agit d'accroître leur capacité à travailler et à communiquer avec les ­citoyens, cette ­démarche passant nécessairement et prioritairement par la reconnaissance de la « compétence habitant ».

=>Le développement durable : par leurs compétences, les collectivités locales sont très concernées par le développement durable. Le tri sélectif et l'élimination des déchets, les infrastructures de transport, l'approvisionnement en eau et en énergie, la protection d'espaces naturels, les biocarburants, mais aussi le commerce équitable, les technologies alternatives, la coopération décentralisée... sont autant de domaines qui font l'objet de politiques publiques locales.

La mise en place de ces nouvelles démar­ches, impulsées souvent par de nouveaux élus, est portée par l'encadrement. Et la ­remise en cause est parfois sévère, car ce qui est bon aujourd'hui n'est pas forcément ce qui l'était hier. Il faut savoir alors avaler des couleuvres, et parfois des boas, quand on a en charge de mettre en ½uvre de nouveaux programmes remettant en cause les projets et opérations antérieurs qui, jusqu'alors, semblaient donner pleinement satisfaction.


Le partenariat avec le privé : s'il est évident que le secteur privé s'intéresse aux clients potentiels que sont les collectivités, le secteur public n'hésite plus à solliciter les ­acteurs privés dans le cadre du développement de politiques publiques telles que l'aide à la réinsertion par l'activité économique, le sponsoring humanitaire, le mécénat culturel... Aujourd'hui, « l'entreprise citoyenne » est au c½ur des politiques publiques.

Les modalités du partenariat entre cadres du privé et cadres du public restent cependant encore à inventer. Le cadre territorial sait qu'il y a là un intérêt certain, notamment parce que les entreprises locales abondent la taxe professionnelle et contribuent au ­développement de l'emploi local.

=> Les TIC : elles sont au c½ur des économies modernes et des stratégies territoriales. Leur développement influence les modes d'organisation professionnelle et les pratiques sociales. Indéniablement, elles proposent des outils et services pour améliorer l'efficacité du service public local. Les TIC conditionnent la manière de travailler des cadres, qui ne pourraient ­aujourd'hui travailler sans ordinateur et adresse e-mail. Mais ces nouveaux usages professionnels ne sont pas neutres en ­matière d'organisation du travail : il est courant qu'un cadre ait à traiter une bonne cinquantaine de courriels par jour. Ce qui le maintient en permanence dans l'information active est aussi particulièrement chronophage.

=> L'Europe : quel cadre n'a pas entendu dire autour de lui à un moment ou à un autre « Mais pour avoir les finances qui nous manquent sur tel programme, il suffit de demander à l'Europe » ? En réalité, la complexité du fonctionnement des crédits et des programmes européens n'est pas mince. Dans les faits, la veille européenne nécessite un véritable investissement dans le temps pour être rentable. Le cadre territorial se doit donc de maîtriser, non seulement le droit ­national, mais aussi une bonne partie du droit communautaire.

=> L'Acte II de la décentralisation : il va avoir une incidence importante pour le management territorial, surtout pour les conseils généraux et régionaux et leurs nouveaux bataillons d'effectifs relevant de l'entretien des collèges et des lycées, mais aussi de l'entretien routier.

Bon nombre de conseils régionaux, qui ont quadruplé leurs effectifs du jour au lendemain, mettront certainement des années à s'adapter à cette nouvelle donne. Elle leur a transféré une forte composante de « gestion », alors que jusqu'à présent elles étaient plutôt des collectivités de « missions ». Tout est remis à plat dans ces structures encore jeunes : organigramme, institutions paritaires, partenariats externes... L'encadrement territorial aura fort à faire pour ­accompagner ces profondes mutations.


Une concurrence accrue dans le recrutement

Dans ce contexte, les cadres territoriaux doivent exercer leur métier en ayant parfois l'impression de jouer les équilibristes dans des environnements devenus particulièrement complexes. Courroie de transmission indispensable entre le sommet décisionnel et le personnel de réalisation, ils exercent des tâches motivantes dans la mesure où une partie de la réalisation des projets et des programmes voulus par les élus locaux passe par eux. Concrètement, ils possèdent un pouvoir de décision non négligeable à leur niveau de responsabilité.

Prochainement, le renouvellement démographique va accentuer le problème posé par le recrutement des cadres, 35 % des fonctionnaires territoriaux devant partir à la retraite d'ici 2013. Ces évolutions notoires amèneront les collectivités à rechercher les profils les mieux adaptés à leurs nouveaux besoins. Elles vont se retrouver rapidement en concurrence pour attirer les meilleures compétences du marché de l'encadrement. Et il est probable qu'elles ne seront pas à égalité entre elles, au vu des différents moyens dont elles disposent pour séduire les meilleurs profils, notamment en terme de ­déroulement de carrière (ratio promus/
promouvables), de régimes indemnitaires, d'avantages sociaux.

Les organismes de formation des cadres territoriaux ont encore de beaux jours devant eux...