Le magazine des professionnels de la gestion territoriale.
Un magazine à destination des cadres de la filière administrative qui balaye l'ensemble des questions managériales et décrypte l'actualité dans les domaines RH, finances et juridiques sur un ton impertinent, engagé et incisif.
Vous abonner
(voir tarif )
|
A partir de : |
Article du numéro 373 - 01 février 2009
Gestion différenciée, protection biologique intégrée, économies d'eau, réutilisation des déchets végétaux, friches de nature... telles sont quelques-unes des mesures que de plus en plus de villes appliquent dans l'aménagement de leurs espaces verts. Des solutions qui font la part belle à la diversité. Tous les articles du numéro 373 |
Télécharger cet article en PDF
Adopter une gestion durable de ses espaces verts, c'est convaincre la population, les élus et les techniciens des services : changer les habitudes, y compris visuelles, est toujours douloureux. Finis les alignements au cordeau, le désherbage systématique, les pelouses uniformes... Vive la diversité de couleurs, de paysages, de végétaux comme d'animaux et d'insectes ! Le promeneur passe d'une composition florale éclatante à une prairie en apparence désordonnée, d'un gazon court tondu à des pieds, d'arbres enherbés et naturellement fleuris. Des surprises surgissent en bordure de voies, des fleurs sauvages multicolores font leur apparition sans être inquiétées.
La gestion différenciée propose d'intégrer une dimension environnementale plus naturelle dans l'effort de fleurissement et de verdissement d'une ville, pour obtenir un espace vert de grande qualité écologique, esthétique et récréatif. C'est souvent une transition douce avec le contexte urbain minéral qui différencie les espaces gérés écologiquement. Cela se fait de façon progressive, en apprenant et comprenant le rôle de l'espace vert dans la nature et de la nature dans l'espace vert. Ce mode de fonctionnement a de multiples atouts : il offre des perspectives de reconquête écologique, paysagère et sociale. Les espaces verts urbains accueillent à nouveau une biodiversité mise à mal par l'urbanisation, l'agriculture intensive et l'imperméabilisation des surfaces. Tout en restant bien sûr des lieux de proximité plus naturels pour les habitants, avec une utilisation raisonnée ou nulle de produits phytosanitaires, une économie d'eau, l'implantation d'espèces locales...
- planter des espèces indigènes et diversifier les végétaux régionaux : c'est une protection contre la dissémination des maladies affectant une espèce particulière ;
- diversifier les habitats pour oiseaux et animaux (prairies, zones humides, haies...) et prendre en compte les potentiels écologiques existants (buttes, plantes grimpantes...) ;
- limiter, voire arrêter, l'utilisation de traitements phytosanitaires ;
- procéder au paillage des massifs grâce aux produits de taille en copeaux : limite la pousse des adventices, maintient l'humidité dans le sol, enrichit ensuite le substrat ;
- privilégier les marchés avec les producteurs locaux et pépiniéristes, sur des critères de développement durable.
Une façon complémentaire de limiter les produits phytosanitaires est d'avoir recours à de précieux auxiliaires, autrement dit de chercher la petite bête. C'est la PBI, pour protection biologique intégrée, ou l'utilisation d'insectes, de bactéries, d'acariens, de champignons, appelés auxiliaires, pour lutter contre les nuisibles ou les maladies des plantes. L'exemple le plus connu est celui de la coccinelle qui raffole des pucerons, mais les larves de syrphe ou la chrysope s'y entendent aussi. Plus de vingt-cinq auxiliaires, prédateurs ou parasitoïdes, sont ainsi utilisés en France dans le contrôle des populations de ravageurs. Le tout est de reconnaître qui fait quoi : le service Espace vert de Grenoble a ainsi fourni à ses équipes des fiches d'alerte qui permettent de recenser dégâts et parasites et de réagir dans les vingt-quatre heures. Autre point intéressant d'observation : le fait d'arrêter le traitement des arbres a ramené en ville une faune auxiliaire naturelle...
En passe d’adopter définitivement la gestion différenciée, Grenoble adopte quatre classes d’entretien :
- « ornemental » : de prestige, avec un gros entretien, beaucoup de fleurs. Elle est utilisée dans les espaces à fonction patrimoniale, les parcs historiques et les lieux prestigieux ;
- « classique » : tous les gazons sont tondus, l’arrosage est automatique. La qualité esthétique reste essentielle, mais l’entretien est moins intensif. Elle s’applique surtout aux grands parcs urbains ;
- « rustique » : les gazons sont moins souvent tondus (8 à 12 fois au lieu de 24), pâquerettes et fleurs réapparaissent… Cette vision plus champêtre de la ville accompagne les circulations douces par des corridors biologiques ;
- « naturel » : pas d’intervention ou presque. On laisse délibérément place à la nature. Ce ne sont pas des friches, les prairies sont fauchées, les masses de fleurs locales sont mises en valeur.
Les intérêts de la gestion différenciée sont multiples : paysagers et esthétiques, mais aussi culturels et pédagogiques. Ils permettent la création de sentiers pédagogiques, la mise en place d'actions de sensibilisation à l'environnement, de fêtes de la nature. L'intérêt écologique est évident, avec la diminution de l'emploi de produits phytosanitaires, le maintien des populations végétales et animales locales. Et pour une collectivité, l'économie de temps et l'optimisation du travail peuvent être des atouts non négligeables, tout comme la limitation des dépenses d'entretien.
Yves Caestecker, responsable du service des Espaces verts de Grande-Synthe
« Il a fallu expliquer et convaincre »
Le passage à la gestion différenciée a-t-il changé le service ?
Oui, dès 1990, nous en avons profité pour embaucher de nouveaux profils et promouvoir un travail différent. Aujourd'hui, nous sommes une équipe de 87 personnes, régulièrement formées. Tous les agents s'y retrouvent parce qu'il n'y a pas remise en cause des compétences, mais enrichissement permanent en techniques novatrices.
La population adhère-t-elle à cette gestion ?
Au début, il a fallu expliquer, convaincre. Nous avons beaucoup misé sur la communication pour changer le regard des gens. La création d'un verger pédagogique nous y a aidés : elle a permis l'expérimentation, l'introduction d'insectes auxiliaires, etc. C'est toujours un lieu ressource, une dynamique pédagogique essentielle, qui permet de mettre en évidence différents types de flore, de faune, d'insectes.
Sur le plan budgétaire, est-ce économique ?
Nous n'achetons presque plus de produits phytosanitaires, mais avons investi dans de nouveaux outils. En fait, nous avons surtout gagné du temps, que nous utilisons autrement, pour la recherche, l'analyse, l'inventaire, la sensibilisation et l'expérimentation. Un travail passionnant !
Services techniques de Grande-Synthe : 03 28 23 66 50, courriel : techniques@ville-grande-synthe.fr
Sites
> Pour en savoir plus sur la gestion différenciée : gestiondifferenciee
> Fiches très pratiques et retour d'expériences sur la ville de Jarrie (Isère)
> Le centre ressource du développement durable en Région Nord-Pas-de-Calais : http://www.cerdd.org /, rubrique « Agir, biodiversité et DD ».
À télécharger
Sur le site de la lettre du cadre, complément rédactionnel n° 894 :Guide méthodologique : « Objectif zéro phytosanitaire », CAUE du Val-d'Oise
Pour se former
Pourquoi et comment des arbres dans la ville ? Le 2 avril à Lyon et le 15 décembre à Paris Contact : carole.dellarovere@territorial.fr