La Lettre du cadre territorial

Le magazine des professionnels de la gestion territoriale.

Accueil > Magazines > Lettre du cadre

La Lettre du Cadre Territorial

Un magazine à destination des cadres de la filière administrative qui balaye l'ensemble des questions managériales et décrypte l'actualité dans les domaines RH, finances et juridiques sur un ton impertinent, engagé et incisif.

Ajouter au panier Vous abonner (voir tarif )
(Règlement par CB, chèque bancaire ou mandat administratif)

A partir de :

129 €

Réforme des collectivités : le grand mécano

Article du numéro 372 - 14 janvier 2009

A la une

Une commande présidentielle, une commission... et le temps des collectivités semble brusquement s'accélérer. Alors qu'il y a un an tout le monde plaidait pour une pause dans la décentralisation, les propositions fusent, les esprits s'échauffent. A l'heure où beaucoup sont prompts à parler, pourquoi ne pas donner la parole aux territoriaux ?

Envoyer cette page à un ami

Soyez le premier à rédiger un commentaire !

Tous les articles du numéro 372

Télécharger cet article en PDF

De quoi va-t-elle accoucher, la commission Balladur chargée de réfléchir à la refonte des collectivités ­locales ? « Évaporation » des départements et fusions à la carte, fin de la clause générale de compétence ou des financements croisés... elle a le choix ­entre le spectaculaire et le technique. On peut douter que les propositions de la commission soient révolutionnaires, mais il est permis de rêver. La feuille de route fixée à Édouard Balladur par le président de la République lors de l'installation de la commission est en tout cas claire : « Je veux des solutions ! Et ne vous ­interdisez rien ! ». Le problème, c'est que pour les élus locaux, la clarification, c'est pour les autres. D'accord pour simplifier, à condition qu'on ne ­remette pas en cause la collectivité qu'on dirige : « pas touche à mon département », ­disent les présidents de départements, « la région est essentielle » disent les présidents de région, « la commune est la base de la démocratie France » disent les maires. Les territoriaux, quant à eux réfléchissent depuis longtemps aux améliorations possibles. Pour la plupart, la réforme évidente consisterait à réduire d'abord l'administration de l'État sur les territoires : comment justifier alors qu'il a massivement transféré ses compétences aux collectivités, l'État garde autant de fonctionnaires en région et, encore plus, dans ses administrations centrales ?


Que de rendez-vous manqués ! À l'absence de réforme de la carte communale - en 1959, 1971, 1977, 1982 et 1999 - se sont ajoutées, au fil des ­décennies, les erreurs commises en 1947, 1964, 1969 et 1972 lorsqu'il s'est agi de concevoir un espace institutionnel plus adapté géographiquement que le département pour mener à bien les politiques de ­développement et d'aménagement du territoire. Puis, les vagues successives - 1983, 1985, 1988, 2004 - de transferts enchevêtrés de compétences de l'État vers les collectivités locales. Au final, brouillard institutionnel et brouillage fonctionnel rendent la définition et la gestion des politiques ­publiques compliquées administrativement, lourdes fonctionnellement et illisibles ­démocratiquement. Va-t-on enfin, considérant cette situation sans appréhensions idéologiques et sans orientations électoralistes, décider de renouveler et de refonder l'armature des pouvoirs publics afin de doter la France d'une administration, de l'État à la commune, en phase avec les contraintes et les besoins des temps présents et à venir ? Ce que tous les États qui nous environnement ont su réaliser.


Une juste partition

Tel qu'il est conçu, l'exposé de motifs du ­décret du 22 octobre 2008 portant création du comité pour la réforme des collectivités locales, prenant une option - « engager une profonde réforme de l'administration locale » -et émettant une intention, « mieux prendre en compte les besoins des collectivités locales » -, comporte un énoncé cohérent, coordonné et ordonné, formé de trois constatations et de trois propositions destinées à rythmer la réflexion et à structurer la décision, et qui se répondent comme dans un jeu de miroir :


- à la prolifération des niveaux de décision doit succéder la simplification des structures ;


- la confusion dans la répartition des compétences exige une clarification ;


- et l'allocation de moyens financiers doit subir une mutation.


Clarté de l'appréciation de la situation, lucidité dans la définition des orientations, nul ne peut contester ce triple dyptique. Mais si le « la » de la partition à écrire est juste, au sens musical du terme, encore faut-il écrire celle-ci justement - aux deux sens du terme - en l'inscrivant dans une œuvre de plus grande ampleur, chargée d'histoire et de culture. Surchargée même. Cette exigence impose, tant intellectuellement qu'institutionnellement, d'écarter les idées reçues et d'adopter les lignes de force susceptibles de recréer une France territoriale modernisée et acceptée.


Le poids des idées reçues

Elles sont légion, résultant d'erreurs affectant tant l'appréciation de la réalité que l'adéquation des solutions.


- La France comporte trop de niveaux de collectivités locales.


=> Elle n'en comporte pas plus que dans les ­autres États européens, fédéralisés ou ­régionalisés. Mais ceux-ci ne doublent pas le réseau des collectivités territoriales par un important réseau étatique dans chaque ­arrondissement, département et région.


- Les entités régionales et départementales sont trop nombreuses et trop petites.


=> Certes, il eut mieux valu créer les 47 grands départements suggérés par Michel Debré ou les 10 régions préconisées par François ­Perroux. Mais l'histoire est incontournable. Et de toute façon, nombre des régions européennes, nombre même d'États sont moins peuplés que la plupart des régions françaises : 40 États américains comptent moins d'habitants que la région Ile-de-France, le ­Wyoming (432 000 habitants) est plus petit que le ­Limousin, les sept régions autrichiennes sont toutes plus petites que l'Alsace et Hambourg n'est qu'une ville... La surface cadastrale d'une collectivité est moins ­importante que sa surface fonctionnelle.


- La suppression d'un des deux niveaux permettrait la rationalisation des ­interventions ­publiques et des économies d'échelle.


=> Rien n'est moins sûr, car la nécessité de mener à bien les actions conduites par les départements et les régions demeurera. Or, la région ne saurait s'occuper de l'entretien des routes ou de l'octroi des aides ­sociales, et le département ne peut concevoir les politiques de formation, d'infrastructure, d'innovation et de développement économique. Trop circonscrites, les économies attendues porteraient au mieux sur les dépenses de structure des collectivités (bureaux, traitements, ­indemnisation des élus) et dans des proportions très ­modestes.


- Il faut mettre fin aux financements croisés.


=> Tout à fait d'accord. Mais la réalité budgétaire des régions et des départements fait apparaître que les interventions des régions dans les domaines de compétence départementale représentent moins de 6 % de leur budget, alors que les concours qu'elles ­apportent à l'État pour lui permettre de réaliser ses politiques (grandes infrastructures, universités, recherche, lignes TGV...) concernent plus de 50 % de leurs dépenses. Alors ?


- Les collectivités locales dépensent trop.


=> Finançant tous les services ­publics de proximité, répondant aux prescriptions de normes ­imposées par l'État, assumant la charge des compétences transférées, réalisant 75 % des investissements civils ­publics, elles structurent le territoire, répondant aux besoins de la société et innervent l'économie.

Approximations et improvisations jalonnent ce dossier. Et si une réforme s'impose, encore faut-il qu'elle corresponde aux problèmes à régler et qu'elle réponde aux ­attentes formulées. Même si, a priori, la nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution autorise au moins juridiquement le législateur à tout faire, y compris supprimer des collectivités ou en créer d'autres solutions plus mythiques que réalistes.


Pour le dessert, vous prendrez bien un millefeuille ?

Jean-Daniel Heckmann, DGS, région Centre

Le millefeuille territorial semble avoir vécu dans sa forme actuelle ; tous les rapports ­récents et les analyses des élus, de l'État, convergent en ce sens. Le comité Balladur a vocation à accélérer ces réflexions, en même temps qu'émergent des propositions dont l'objectif n'est pas uniquement une simplification des compétences ou la nécessité de faire des économies. Il faut dire, tout d'abord, que la première phase de décentralisation est réussie, grâce à l'action de proximité des collectivités ­locales et malgré des transferts de charges non compensés. Aujourd'hui, les « couples » fonctionnent : celui qui associe les communes et l'intercommunalité et celui qui ­relie les départements, les régions et l'État. Il reste un constat : la difficulté à exister véritablement pour les pays face à la réussite de l'intercommunalité. Une réorganisation des compétences est possible si l'on met fin à la clause de compétence générale (sauf pour les communes) et si des blocs de compétences lisibles sont définis par collectivité. En ce sens, des pistes sont ouvertes : le développement économique, les grandes infrastructures, les transports et la formation professionnelle aux régions, l'action sociale, les équipements de proximité aux départements. Des questions sont à creuser : la gestion des compétences des collèges et des lycées doit-elle vraiment être confiée à deux collectivités distinctes ? Par ailleurs, les ressources sont à mettre en adéquation : des recettes propres liées aux compétences, une véritable autonomie fiscale, une limitation très forte des financements croisés. Enfin, rien n'empêche d'adopter dans certaines situations des aménagements, lorsque l'intercommunalité représente une part majeure du département ou lorsqu'un rapprochement voulu par les collectivités est source de simplification et d'efficacité pour le service public. Il y a cependant deux aspects qui me ­paraissent incontournables : l'élection au suffrage universel direct et une cohérence avec la réorganisation de l'État, qui tire les conclusions de la réalité du fait régional. Enfin, il appartient à l'État de tirer les conclusions de la décentralisation et d'alléger ses services, en particulier ceux dont les compétences ont été transférées.


Une affaire sérieuse qui nécessite l'implication des territoriaux !

Patrick Jouin, DGS, région Pays de Loire

Départements absorbés par les régions ou ­régions diluées dans les départements, redécoupages et fusions à la carte, reprise en sous-main par l’État aujourd’hui de ce qu’il a abandonné hier…, le débat est mal engagé. L’enjeu est pourtant évident. Le sujet n’est pas celui du millefeuille territorial, il est plutôt, et c’est fondamental pour éclairer le citoyen, de clarifier la relation entre l’État et les territoires. Car objectivement, nous savons faire avec ­intelligence entre régions, départements et intercommunalités… « Le recoupement budgétaire, chevauchement entre la région Aquitaine et ses départements est de 5,74 % », indiquait récemment Alain Rousset, alors qu’il est probablement de 50 % avec l’État, installé dans un millefeuille illisible et non efficient ! Pour être bien traité, le sujet doit être bien posé. Alors, oui, il faut dégager un consensus pour une meilleure organisation des territoires dans la République, avec un État modeste, en prenant en compte plusieurs réalités intangibles, dont la véritable décentralisation de 1982 mais aussi ses avatars successifs, des transferts mal organisés qui ont dégradé l’image et la compréhension de la décentralisation. Les territoriaux que nous sommes ont souvent eu l’occasion de travailler au cours de leur carrière dans différents niveaux de collectivités ; nous devons impérativement résister à la tentation de défendre mordicus les seules compétences de notre employeur du moment. Compétence par compétence, nous savons que l’échelon communal ou intercommunal, départemental ou régional est efficient. Nous savons aussi que pour certaines politiques nos collectivités agissent mieux à plusieurs. Le chantier prioritaire n’est donc pas celui des territoires à regrouper ou redécouper, encore moins celui du mode de scrutin, mais celui d’une clarification des compétences et des moyens financiers pour agir. Entre l’État et les collectivités locales, dans le sens d’un parachèvement de la décentralisation, et entre ­niveaux de collectivités, grâce à l’expérimentation puis la généralisation de contractualisations permettant l’émergence de chefs de file, et permettant de rendre prescriptifs les schémas structurants adoptés par les uns et les autres pour mettre en cohérence les politiques des territoires.


Quelques propositions de méthode


Quelles lignes directrices adopter alors, structurellement, fonctionnellement, et ­financièrement ? Sans tout traiter et sans tout étayer ici, des orientations ou des propositions tenant compte à la fois des données françaises et des réalités étrangères, peuvent être avancées, dessinant en quelque sorte un portrait-robot.

Institutionnellement, s’imposent plusieurs réformes, de nature différente mais concourant toutes à la réalisation des mêmes ­objectifs de simplification des structures et de clarification des responsabilités :


- mettre fin au cumul des fonctions électives nationales et territoriales ;


- réformer la composition du Sénat pour en faire vraiment l’assemblée représentant toutes les catégories de collectivités ­locales ;


- institutionnaliser une conférence permanente État-régions apte à structurer régulièrement, politiquement et juridiquement les nécessaires processus de concentration et de confrontation entre ces deux niveaux fondamentaux de l’organisation des pouvoirs publics ;


- moderniser les statuts institutionnels des conseils régionaux datant de 1982 et 1991, notamment en dédoublant fonction délibérative et pouvoir exécutif comme partout en Europe ;


- mettre fin à la superposition institutionnelle et cadastrale de deux collectivités : Paris et le département de Paris, les ­départements et les régions d’Outre-mer, voire la collectivité territoriale de Corse et ses deux départements ;


- créer une communauté urbaine parisienne, en adaptant aux données spécifiques de Paris et des communes de la petite couronne, la loi du 30 décembre 1966 ;


- transposer à l’échelon intercommunal le dispositif de la loi « PLM » en supprimant l’empilement confus et coûteux ­communes-EPCI ;


- dans les grandes agglomérations, comme par exemple à Paris ou à Lyon, envisager de transférer aux services de l’agglomération les tâches pour l’heure de la responsabilité des conseils généraux ;


- et surtout admettre enfin que, les réalités territoriales étant différentes, il n’est ­dorénavant plus logique de ­pérenniser le caractère homogène, d’un point à l’autre de l’Hexagone, de la carte territoriale ; ici ou là, des départements pourraient disparaître, fusionner ou ­demeurer, des régions pourraient les ­absorber ou non, ou se réunir.


Fonctionnellement, il est impératif de clarifier les compétences dans un double objectif de lisibilité démocratique et d’efficacité politique. En conséquence il faudrait :


- revoir les lois de répartition de compétences votées depuis 1983 en revenant à la logique non mise en œuvre des blocs de compétences, et en tenant pleinement compte des principes de décentralisation et de subsidiarité adoptés ­législativement, voire même constitutionnellement pour le premier d’entre eux ;


- concevoir la répartition des responsabilités en l’articulant sur la mise en place de deux couples ou binômes : le couple État-région, permettant au premier de se réformer en transférant à la région toutes ses compétences d’intervention territoriales et à la seconde d’adapter la mise en œuvre des politiques ­publiques à la diversité et aux spécificités ­régionales ; et, naturellement, le couple ­département – grandes communes, là ou des départements demeureraient ;


- conférer à la région un pouvoir réglementaire autonome d’adaptation des textes ­législatifs ;


- envisager la suppression de la clause ­générale de compétence, pour les régions et les départements en les rendant simultanément maîtres de toutes les décisions à prendre dans les domaines de compétences qui leur seraient simultanément ­attribués en pleine responsabilité ;


- dans ce cadre général, pourquoi, par exemple, les régions ne garderaient-elles pas la mission d’élaborer le schéma des formations et de veiller à son application, tout en ­redonnant aux départements (ou aux grandes agglomérations en l’absence de département) la gestion des lycées des personnels ATOS ;


- centrer les missions dévolues aux régions sur des fonctions d’orientation (schémas, planifications) de prescription (mise en œuvre des orientations par les autres collectivités ou intervenants), de réglementation (pouvoir réglementaire d’application des lois dans certains domaines), de régulation (formations, développement économique, grandes ­infrastructures, ­politique européenne) et d’innovation (universités, recherche, nouvelles technologies, énergies nouvelles).


Financièrement, il serait vain de limiter l’approche à la réforme ou au toilettage de la seule fiscalité locale. Ce sont les finalités et les modalités de répartition et d’utilisation de l’ensemble des contributions fiscales ­nationales et locales qui doivent être mises à plat et réorganisées. Comme chez nos partenaires dont les États se sont fédérés ou ­régionalisés sans que pour autant leurs responsables nationaux, exécutifs et législatifs, aient subi une « diminutio capitis » ! Le chantier est immense. L’enjeu aussi. Il s’agit tout simplement de substituer à la structure administrative conçue au début du xixe siècle et dont la légitimité comme l’efficacité se sont érodées et épuisées après avoir été remarquables, celle qu’exige le xxie siècle. En arrêtant d’être schizophrènes, ce qui est le cas lorsqu’on « crédite » toujours d’incompétence les élus territoriaux et d’efficacité les structures étatiques, alors que bien souvent les mêmes responsables ­politiques sont alternativement ou simultanément responsables de collectivités locales et ministres…Tout simplement. Mais fort ambitieusement.


Parole de président

« Que la région soit un acteur pertinent du développement du territoire, cela s’entend, mais l’idée que les départements aient plus besoin d’un préfet que d’un élu est un retour en arrière de trente ans : ce serait le retour de la politique du guichet où le maire et l’élu d’un canton iraient quémander les bonnes grâces de la région ou de Paris. »
Alain Rousset, président de l’ARF, président de la Région Aquitaine


Parole de président

« Dire que les collectivités locales françaises sont trop nombreuses, qu’il faut supprimer un niveau, au moins, que les systèmes européens d’administration territoriale sont très différents est un argument ancien, primaire et sans intérêt. En revanche, cela produit un effet immédiat : dresser les élus les uns contre les autres. »
Claudy Lebreton, président de l’ADF, président du CG des Côtes-d’Armor.


Parole de président

« Je suis partisan du maintien de la clause générale de compétence pour les communes, avec délégation de compétences spéciales aux intercommunalités. Il faut que l’État nous laisse toute liberté pour définir l’intérêt communautaire […].
Les départements et les régions doivent disposer de clauses de compétences spéciales. Cela éviterait les financements croisés et l’allongement des délais d’instruction des dossiers. La France ne compte pas trop de niveaux. Elle compte trop d’échelons généralistes. »
Jacques Pélissard, président de l’AMF, député-maire de Lons-le-Saunier


Des fusions pour mettre fin à la confusion

Patrick Heintz, DGS, conseil général du Var

La distribution actuelle des compétences ­entre les différents échelons territoriaux est source de confusion des responsabilités de chacun. Cette confusion est aggravée par l’application du principe de la clause générale de compétences qui se traduit par une perte de vision par les administrés du sens même de l’action publique, des concurrences locales souvent stériles, des contradictions et parfois même des blocages en ­matière d’action publique. La clarification des compétences est indissociable d’une réforme de l’architecture territoriale et du nombre d’échelons. Il ne s’agit ­aucunement de remettre en question les avancées de la décentralisation mais de mieux ­répondre aux aspirations de nos concitoyens. Notre organisation territoriale devrait être ­repensée autour de trois grandes familles de missions :



- la stratégie et la compétitivité économique : une mise en réseau à une échelle supra-régionale peut seule autoriser la lisibilité nécessaire sur le plan européen et dans les grands flux d’échanges qui font l’attractivité des territoires, leur croissance, leur ­dynamisme. C’est également à cette échelle que doivent être prises les grandes décisions en matière d’infrastructures, de réseaux, de ­recherche, d’université. Une analyse comparative de l’organisation territoriale en Europe plaide pour une ­réduction du nombre de régions à 7 ou 9. Ces grandes régions auraient en charge : la compétitivité économique, l’aménagement du territoire régional, les infrastructures, les universités et la ­recherche, l’Europe et la coopération ­décentralisée ;

- la cohésion territoriale : l’échelon départemental correspond bien aux impératifs de cohésion territoriale, à la fois dans sa ­dimension spatiale, économique et sociale. Il fait l’objet d’un très fort attachement de nos concitoyens et permet d’organiser, de structurer, d’équilibrer les territoires avec à la fois la distance et la proximité nécessaires. Pour éviter qu’il surreprésente le ­rural par rapport à l’urbain, l’instauration d’un « conseil départemental des territoires » coordonnant les EPCI devrait permettre non seulement un dialogue ­urbain/rural, mais aussi un rééquilibrage de la représentativité des villes. Ce conseil deviendrait ainsi l’échelon de la cohésion territoriale et constituerait un grand conseil des intercommunalités et des territoires de projet. Il siégerait en formation « conseil des territoires » pour les compétences se ­situant à l’échelle départementale et en formation « conseil de communautés » pour les compétences à l’échelle intercommunale ;

- la proximité et la gestion du quotidien : les communes conserveraient une clause générale de compétence leur permettant de continuer à incarner l’échelon de solidarité naturelle, l’échelon du quotidien et de disposer de toute la souplesse nécessaire pour adapter l’action publique à la réalité de terrain, mais aussi, lorsque cela est nécessaire, à l’urgence. Leurs compétences concerneraient principalement l’offre de services et d’équipements de proximité, l’ordre public, l’état civil, les animations ­locales, et d’une manière générale l’environnement du quotidien. Cette réorganisation des échelons ne devrait pas faire l’impasse sur l’abandon de la clause générale de compétence au profit de compétences spécifiques et exclusives (hormis pour le niveau communal). Des délégations de compétences devraient par ailleurs demeurer possibles entre les différents échelons territoriaux, dès lors qu’elles font l’objet d’une contractualisation : absorption par des communautés territoriales de tous les syndicats ­intercommunaux ou établissements de coopération existants, obligation pour chaque commune d’appartenir à une communauté territoriale, mise en place d’incitations financières pour favoriser progressivement le ­regroupement des communautés à l’échelle des SCOT (Schéma de cohérence départementale et territoriale), couverture de l’ensemble du territoire national par des SCOT au périmètre défini à partir des bassins de vie, élection au suffrage universel direct des conseillers de communautés et des conseillers de territoires.

Un lien entre les différentes collectivités ­devrait en outre être assuré systématiquement par un schéma de cohérence et un contrat pluriannuel. Un Schéma de cohérence régionale (SCOR) et un Contrat pluriannuel de compétitivité pour les relations entre l’État, les grandes régions et les conseils départementaux des territoires, d’une part, un SCOT et un Contrat pluriannuel de territoire pour les relations entre les conseils départementaux des territoires, les communautés et les communes, d’autre part.

Retrouvez l’intégralité du texte de Patrick Heintz sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html, complément rédactionnel n° 887.


Textes juridiques
- Décret n° 2008-1078 du 22 octobre 2008, instituant le Comité Balladur.

À télécharger
Sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html , complément rédactionnel nos 888 à 890.
- Rapport d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, présidée par Jean-Luc Warsmann, adopté le 8 octobre 2008.
- Rapport du groupe de travail présidé par Alain Lambert, « Les relations entre l’État et les collectivités locales », décembre 2007.
- Rapport de la commission pour la libération de la croissance, présidée par Jacques Attali, 23 janvier 2008.