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Et si Paris devenait Washington DC ?

Article du numéro 370 - 01 décembre 2008

Repères

Même si elle est la plus dynamique de France, la région Ile-de-France est menacée. Ses déséquilibres de développement, des conditions de vie difficiles pèsent sur sa démographie. Les responsables politiques doivent réagir.

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Michel Godet est membre du Conseil d'analyse économique. Il est professeur au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire de Prospective stratégique, et y dirige le Laboratoire d'investigation en prospective, stratégie et organisation. Il a récemment publié Le Courage du bon sens pour construire l'avenir autrement, chez Odile Jacob.

L'Ile-de-France peut être fière de sa ­dynamique économique et démographique. Elle représente près de 30 % de la richesse produite sur le territoire ­national et contribue à 40 % de l'excédent ­naturel du pays.


Un avenir préoccupant

L'avenir de cette région locomotive est néanmoins préoccupant, y compris pour les ­autres régions qui bénéficient de sa dynamique. En effet, la région est de moins en moins ­attractive pour les Franciliens actifs, qui, à l'exception des cadres, fuient pour s'installer à l'ouest et au sud (le solde ­migratoire intérieur est négatif pour toutes ces catégories dans la période 1999-2005 de près de 80 000 personnes par an). Ceux qui restent s'échappent en fin de semaine et ­dépensent leurs ­revenus ailleurs. C'est ainsi que l'IDF ne reçoit que 22 % des revenus distribués et 16 % des revenus dépensés par les Franciliens.


Des conditions de vie qui se dégradent

La question de la perte d'attractivité de l'Ile-de-France en raison de la dégradation des conditions et de la qualité de vie est donc posée. C'est la seule région où le quart des ­retraités part s'installer ailleurs. L'Ile-de France ne se ­dépeuple pas pour autant car elle bénéficie du renfort de 40 % du solde net des 100 000 migrations internationales. Ces ­estimations de l'Insee sont certainement des minima puisque pendant des ­années, l'Insee avait des estimations deux fois plus faibles. Une autre incertitude concerne les naissances : on peut estimer qu'au moins 40 % des naissances seraient d'origine immigrée (il y a 5 millions d'immigrés en France dont 2 millions devenus Français par acquisition et 40 % d'entre eux vivent en Ile-de-France où ils représentent 20 % de la population). Ce renfort bienvenu à notre dynamique démographique pose cependant la question de la ­capacité d'assurer la mixité sociale et scolaire dans des quartiers où parfois 80 % des ­enfants sont d'origine non francophone.


Pour une nouvelle politique d'intégration

La responsabilité des pouvoirs politiques commande une meilleure maîtrise de ces questions d'intégration où les politiques de logement, de formation et d'emploi ne peuvent être dissociées. Les Franciliens qui s'en vont entre 30 et 54 ans au moment où l'on a des enfants (le temps des balançoires), le font pour des raisons de coût du logement mais aussi de conditions et de qualité de vie. Moins d'encombrements, meilleures écoles, plus forte cohésion sociale et vie associative. Un chiffre fait réfléchir : entre 1998 et 2006, la construction de logements neufs par tranches de 1 000 habitants s'établit à 28 pour l'Ile-de-France, 48 pour le Limousin, 51 pour la Franche-Comté et 78 pour la Bretagne ! On construit non pas là où l'on vit mais là où on a envie de vivre ! Apparemment pas en Ile-de-France.

La fuite des Franciliens actifs, des familles avec enfants et des retraités n'est pas encore un exode mais est cependant très préoccupante pour l'avenir. Il ne faudrait pas que ­Paris se transforme en Washington DC, une capitale cosmopolite avec ses quartiers résidentiels et d'affaires où sont concentrés tous les pouvoirs, qui attire les touristes par ses nombreux musées et monuments, mais aussi une ville peuplée à 80 % de communautés socialement marginalisées et concentrées dans les quartiers pauvres de la périphérie.