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Carte judiciaire : la réforme en catimini

Article du numéro 370 - 01 décembre 2008

Contentieux

En remplaçant subrepticement le décret réformant la carte judiciaire, le ministère de la Justice tenterait-il d'échapper aux contentieux engagés par les collectivités ? Explication sur un tour de passe-passe réglementaire.

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Le gouvernement, sans publicité ­aucune, a pris un décret le 30 octobre 2008, qui remet intégralement à plat la réforme de la carte judiciaire... pour la ­remettre, très discrètement en œuvre dans les mêmes termes. Explications : le décret 2008-145 du 15 février 2008 listait précisément les tribunaux d'instance et de grande instance supprimés. C'est ce décret qui avait provoqué l'ire des collectivités et barreaux qui avaient engagé des recours devant le Conseil d'État.


La réforme est dans les tableaux

Or, le décret 2008-1110 du 30 octobre 2008, publié au JO du 31 octobre, abroge purement et simplement ce décret. Mais pas de fausse joie, la Chancellerie n'a pas renoncé à son projet. En effet, si le décret du 15 février est bien abrogé et qu'aucun texte ne vient le remplacer, trois tableaux sont annexés au décret du 30 octobre, qu'il faut lire avec attention, car la ­réforme s'inscrit en réalité dans ces ­tableaux, et surtout dans les renvois aux notes de bas de page de ces tableaux.

Ainsi, le tableau IV vient remplacer ­celui figurant au Code de l'organisation judiciaire. Pour la cour d'appel de Riom, on peut ainsi lire que les trois TGI de son ressort sont Cusset, Montluçon et Moulins... pourtant le TGI de Moulins avait été supprimé par le ­décret du 15 février 2008. Il ne faut donc pas ­oublier de lire à côté du nom de la ville de Moulins le renvoi à une note de bas de page n° 5 qui précise « applicable jusqu'au
31 décembre 2010 ».

Le TGI de Moulins sera donc bien supprimé au 1er janvier 2011, comme l'avait prévu le ­décret du 15 février, mais cette suppression ne sera que le résultat d'une note de bas de page. Le moins que l'on puisse dire est que, bien ou mal fondée, la suppression de TGI méritait mieux que ce simple renvoi en ­petits caractères en bas de la page 16578 du JO.


Pourquoi tant de discrétion ?

On s'interrogera sur ce qui a motivé le gouvernement à procéder de la sorte, et l'on ne pourra s'en tenir qu'à des hypothèses. Les contentieux pendant devant le Conseil d'État contre le décret du 15 février 2008 ­inquiétaient sans doute plus la Chancellerie qu'elle ne voulait l'admettre. Plutôt que de voir l'ensemble de la réforme annulée, le gouvernement a préféré abroger le décret contesté, mettant, de facto, un terme à l'ensemble des contentieux. De plus, en confirmant la réforme par la prise d'un décret (précédé d'une réunion du CTP des services judiciaires le 3 septembre 2008), le gouvernement a peut-être espéré que les collectivités et l'ordre des avocats, qui ont contesté le décret du 15 février 2008, ­oublieraient de contester celui du 30 octobre 2008. Nombreux sont ceux qui avaient regretté l'absence de concertation lors de la préparation de la réforme. Parions qu'ils seront nombreux à apprécier cette nouvelle ­méthode « en catimini » une veille de Toussaint.