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Opéra bouffe à Lyon

Article du numéro 369 - 15 novembre 2008

Marchés publics

Cinq sociétés ont été condamnées à verser 113 000 euros à la ville de Lyon. Elles doivent ainsi assumer des malfaçons commises lors des travaux de rénovation de l'Opéra. Cette victoire, après deux rejets, encourage la vile à poursuivre sa bataille pour obtenir réparation des dysfonctionnements de son Opéra.

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À Lyon, la bataille juridique concernant les malfaçons de l'Opéra est longue mais commence à porter ses fruits. Après deux recours rejetés, la ville vient ­enfin d'obtenir gain de cause auprès du tribunal administratif de Lyon concernant le réseau d'extraction des cuisines du restaurant public situé au sixième étage de la ­bâtisse.


Un matériau anormalement poreux

Cinq sociétés (Études de design et d'architecture (EDA), dirigée par Jean Nouvel, la Setec Bâtiment, Gentilini & Berton, la ­société Jacques et Installation Thermique Lyonnaise) ont ainsi été condamnées solidairement à verser une indemnité de 113 000 euros au titre des travaux de réfection des conduits du réseau d'extraction. Dans son compte rendu du jugement, le tribunal précise en effet qu'« il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que la gaine d'extraction et de désenfumage ­située dans la cuisine du restaurant du sixième étage de l'Opéra de Lyon, a été réalisé en un ­matériau qui, par sa porosité, provoque l'encrassement anormal de certains segments des réseaux d'extraction des fumées de cuisine ». En outre, les cinq sociétés doivent également verser solidairement à la ville de Lyon la somme de 1 500 euros au titre de frais de justice.


Dysfonctionnements en série

Les travaux de rénovation avaient été effectués de 1986 à 1993 par l'architecte Jean Nouvel. Depuis, l'Opéra a rencontré plusieurs problèmes techniques. Il avait notamment dû fermer en urgence en février 2000 à cause de cintres du décor défectueux. Une autre fois, une plaque de verrière était tombée.

Face à ces dysfonctionnements, la ville de Lyon s'était tournée vers le tribunal administratif afin d'obtenir des dédommagements concernant les stores de la verrière, le système de désenfumage inefficace des ­escaliers en cas d'incendie et les problèmes de ventilation des cuisines du personnel. Une expertise avait ainsi été menée en 2004 dans les bâtiments de l'Opéra. La conclusion faisait apparaître la « non-conformité » de la gaine d'extraction et de désenfumage de la cuisine, phénomène pouvant « compromettre la sécurité des usagers ». Par ailleurs, l'expertise notifiait également de la défaillance du système de désenfumage des escaliers, inefficace en cas d'incendie.

Mais en février 2007, le tribunal avait rejeté les demandes de dédommagement concernant les stores et le désenfumage des escaliers estimant que la ville de Lyon était ­informée des problèmes avant la réception des travaux.

La ville poursuit à ce jour sa bataille juridique. En effet, elle a fait appel de la décision du tribunal administratif concernant le système de désenfumage. L'affaire a été conduite devant la cour administrative de Lyon.

Affaire à suivre...


Mutuelles assurances : même taxation ?

De nouvelles mesures ont été annoncées par Roselyne ­Bachelot pour renflouer le déficit de l'assurance-maladie. Cette fois-ci, ce sont les organismes complémentaires qui sont dans la ligne de mire. Une nouvelle taxe devant rapporter un milliard d'euros devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2009.

Tous les organismes complémentaires seront mis à contribution. Peu importe que certains soient des sociétés de capitaux dont les bénéfices rémunèrent des actionnaires - les ­assurances - tandis que d'autres sont des sociétés de personnes à but non-lucratif - les mutuelles -, tous devront s'acquitter de cette nouvelle taxe qui pèsera sur l'ensemble des cotisations encaissées.

Rappelons ici que les mutuelles ne font pas de profits. Lorsque leur résultat est positif, les sommes ainsi dégagées sont mises en réserve afin d'assurer la pérennité de la structure et de ­répondre aux obligations prudentielles qui leur sont imposées par la loi. De même, les résultats réalisés par les mutuelles une année permettent également de modérer les augmentations des cotisations l'année suivante et de participer au financement de réalisations sanitaires et sociales.

De tout cela, le gouvernement n'a cure. Les mutuelles, qui ne pratiquent pas de tarification en fonction de l'état de santé de leurs adhérents, seront autant taxées que les assureurs privés pour qui la santé n'est qu'un marché dans lequel il convient de se tailler de nouvelles parts. L'actuelle ministre de la Santé, qui ne distingue pas les ­logiques des différents acteurs de la protection sociale complémentaire, ne fait ici qu'entretenir la confusion entre les mutuelles et les assurances au profit de ces dernières.

Pour notre part, nous dénonçons cette nouvelle taxation qui, au final, pèsera sur les assurés sociaux eux-mêmes. Nous rappelons notre revendication d'élargissement de l'assiette des cotisations sociales à l'ensemble des richesses produites, et donc aux profits des entreprises, et aux revenus financiers.

Contact : Éric Marazanoff - Président de la MNFCT eric.marazanoff@mnfct.fr


AVIS D'EXPERT

Responsabilité décennale : les conditions du caractère apparent des désordres. Le tribunal administratif a retenu au profit de la ville de Lyon la responsabilité décennale de la maîtrise d'œuvre et des entrepreneurs. Cela illustre la problématique déterminante du caractère apparent des désordres dont la réparation est demandée par le maître d'ouvrage.Cette question est capitale : si l'apparence des désordres est démontrée, la responsabilité décennale des constructeurs est alors écartée. C'est notamment le cas si le maître d'ouvrage a eu connaissance des désordres dont il demande la réparation à la date de la réception des travaux (en particulier s'il a émis une réserve) ou s'il est considéré qu'il aurait dû raisonnablement avoir connaissance de ces désordres à cette date.


Les constructeurs ont donc tout intérêt à invoquer ce moyen de défense pour tenter de s'exonérer de leur responsabilité décennale. S'ils ne le font pas, le juge administratif ne pourra pas suppléer leur carence en soulevant ce moyen d'office (1). Ici, les constructeurs opposaient à la ville de Lyon le caractère apparent du nombre insuffisant des trappes de visites des gaines d'extractions. Si le TA admet ce point, il rejette le moyen en rappelant qu'un désordre ne saurait être considéré comme apparent à la date de la réception des travaux si ses conséquences « ne sont apparues que postérieurement à cette réception ». Autrement dit, le caractère apparent des désordres ne pouvait être retenu dès lors que l'encrassement anormal des gaines ne pouvait être présumé à la date de la réception des travaux. Ce raisonnement s'inscrit parfaitement dans la lignée des décisions du Conseil d'État qui a déjà refusé de considérer comme apparents des désordres qui « ne se sont révélés dans toute leur ampleur [que] postérieurement à la réception » (2). Fort logiquement, n'est donc apparent à la date de la réception des travaux que ce qui est alors visible ou prévisible.


Jean-Joseph Giudicelli - avocat à la cour - AdDen avocats


1. CE, 8 décembre 1997, commune de Nancy, req. n° 160996 : Mentionné aux Tables du Rec. CE.
2. CE, 11 juillet 1988, Chambre des métiers de l'Ille-et-Vilaine, req. n° 56630 : Mentionné aux Tables du Rec. CE. Voir également dans le même sens, CE, 12 juin 1970, commune de Bièvres, req. n° 77275 : Publié au Rec. CE - CE, 22 octobre 1975, Société d'étude d'ensembles techniques, req. n° 88186 - CE, 28 septembre 2001, SAN de Saint-Quentin-en-Yvelines et a., req. n° 196431.


Doc-Doc

À télécharger

Sur la base juridique :
TA Lyon, n° 0302006.

Pour aller plus loin


« L'assurance dommages ouvrage », un ouvrage de la collection Essentiel sur des éditions Territorial. Sommaire et commande