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Action publique et démocratie des conduites

Article du numéro 369 - 15 novembre 2008

Idées

Quand la légitimité électorale ne suffit plus, les élus comme les cadres administratifs doivent inventer une nouvelle légitimité démocratique. Pour Pierre Rosanvalllon, cela passe avant tout par l'invention d'une "démocratie d'interaction".

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Le gouvernement de la société par elle-même est une belle idée ; mais c'est un projet qui reste à accomplir : le suffrage universel au bénéfice des deux sexes n'a qu'un demi-siècle, et reste imparfait en ce qu'il exclut les résidents étrangers.

À peine installée, la démocratie fondée sur le suffrage universel s'avère fragile : dès les ­années quatre-vingt, la légitimité du modèle représentatif donne des signes d'affaissement. La capacité des autorités publiques à décider et agir devient incertaine. Les thématiques de l'impuissance publique et du désenchantement démocratique s'imposent.


Une légitimité incomplète

Pierre Rosanvallon continue son précieux travail de défrichage des voies à explorer pour le renouvellement et l'approfondissement démocratique. Il plaide l'urgence de parer au risque de l'impolitique, de faire échec à la tentation du renoncement mortifère à construire un monde commun. C'est une nouvelle légitimité démocratique à plusieurs dimensions qu'il invite à reconstruire.

La légitimité des urnes est incontournable, mais ne suffit plus à garantir la capacité à gouverner. Dans une société exigeante et fragmentée, la volonté générale reste une abstraction si son expression n'est pas en permanence vérifiée dans des échanges ­entre gouvernants et gouvernés. À la légitimité d'établissement (celle du suffrage), doivent s'en ajouter de nouvelles, essentielles : légitimité d'impartialité (des autorités ­indépendantes), légitimité de réflexivité (des juridictions constitutionnelles) et légitimité de proximité. Les enjeux de cette dernière sont de première importance pour les professionnels de l'action publique, autant que pour les politiques. Car, Rosanvallon le montre mieux que jamais, l'élu et l'agent public ont chacun en charge une part de la légitimité démocratique.


Un nouvel art démocratique


Il offre une lecture approfondie et éclairante de la complémentarité d'une époque révolue, où la légitimité électorale-représentative semblait incontestée. Loin de se suffire à elle-même, elle ne tenait depuis longtemps que grâce à l'appui qu'elle trouvait dans une légitimité voisine : celle de l'excellence jacobine, incarnée par une fonction publique reconnue pour sa compétence et son désintéressement. Le modèle triomphant était celui d'une double légitimité, produit de l'élection pour sa composante politique, et du concours pour sa composante administrative.

Nul décideur aujourd'hui ne peut se prévaloir de sa seule désignation par l'un ou l'autre de ces procédés pour conduire légitimement l'action publique. Tous sont confrontés à la même mise à l'épreuve, à la permanente confrontation à la société civile, à l'exigence omniprésente de proximité. Ce qui en découle pour les dirigeants publics n'est que suggéré par l'auteur, mais ses ­indications suffisent à baliser le parcours. La reconstruction de la légitimité démocratique se joue désormais dans les conduites, la ­capacité des décideurs à faire vivre ensemble une démocratie d'interaction, capable de concilier souci du bien commun et ouverture à la particularité. C'est un nouvel art ­démocratique qui est en émergence : la contribution que peuvent y apporter les agents publics, à travers la transformation de leurs manières d'être et de faire, est en bonne place dans leur « feuille de route » pour les décennies à venir.


Extraits

« Un pouvoir n'est désormais considéré comme démocratique que s'il est soumis à des épreuves de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l'expression majoritaire. » « La construction d'institutions attentives à la particularité, proches des citoyens, s'impose comme une question prioritaire pour consolider les démocraties et les rendre en même temps mieux gouvernables. » « Jamais la frontière n'a été aussi ténue entre un développement positif de l'idéal démocratique et son dévoiement par d'habiles metteurs en scène d'une proximité calculée. »

La légitimité démocratique, Pierre Rosanvallon (Éditions du Seuil)