Le magazine des professionnels de la gestion territoriale.
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Article du numéro 359 - 15 mai 2008
Ce sont les territoires infranationaux qui détiennent, pour l'essentiel, les clés de la réponse aux difficiles défis de la mondialisation. C'est ce que montre Pierre Veltz tout au long de cet ouvrage qui synthétise avec bonheur le meilleur des réflexions et recherches actuelles sur les grands enjeux des politiques publiques. Tous les articles du numéro 359 |
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Le monde qui vient sera hyper-industriel : contrairement au cliché trop répandu, l'industrie manufacturière n'y sera pas en régression ; mais elle sera transformée par l'incorporation aux objets de composantes immatérielles de plus en plus importantes - les connaissances et les services - qui seront les critères déterminants de réussite. Les anciens paramètres (coûts de production et de transport) ne pèseront qu'à la marge dans la compétition. Ce changement de paradigme est à double tranchant : il bouleverse des situations acquises, et en même temps ouvre le jeu : « il n'y a plus de territoires condamnés » par des handicaps objectifs. Chacun a ses cartes à jouer, pour peu qu'il en ait le projet, à commencer par la France, qui peut compter sur un haut niveau de compétences, de technologies, d'infrastructures.
Il y a matière à espérer et entreprendre pour qui saura maîtriser les segments les plus valorisants des chaînes de valeurs (nom que donnent les économistes au processus qui va de l'idée d'un produit à la vente). La réussite se jouera à l'échelle des territoires ; tous les facteurs qui garantissent désormais la compétitivité relèvent, pour une part décisive, du niveau infranational. C'est dans les métropoles ou villes-régions que se construit l'écosystème relationnel, au sein duquel les innovations peuvent éclore, sur fond de compétence collective, de coopérations faciles et organisées, de confiance partagée. P. Veltz donne de nombreux exemples montrant qu'une articulation positive est possible entre mondialisation et dynamiques territoriales, à deux conditions. L'une relève des territoires : leur capacité stratégique à saisir la nouvelle donne sera décisive. Il leur revient désormais de mettre en place l'environnement porteur nécessaire aux réussites entrepreneuriales, ce que P. Le Galès appelle les biens collectifs locaux de concurrence : formation, information sur les marchés, expertise sur les normes, relations sociales, outils financiers, accessibilité physique et virtuelle... Il leur appartient aussi de cultiver leur attractivité résidentielle, leur capacité à attirer et conserver les talents, qui repose sur un ensemble d'aménités : logement, services, cadre de vie...
L'autre condition est d'ordre plus global : nous n'avons pas pour l'instant l'architecture institutionnelle adéquate. Nous avons à peine esquissé la montée en puissance des échelons les plus cruciaux pour l'avenir : l'agglomération, construction prometteuse mais non aboutie, faute de légitimation démocratique par le SU direct, et, enjeu majeur, la région, beaucoup trop faible en France au regard des enjeux qui s'attachent à ce niveau. Un profond réagencement de nos institutions territoriales s'impose. Il ne passe pas, contrairement à une idée en vogue, par le retour à des spécialisations par niveaux, car « dans le monde qui est le nôtre, (presque) tous les problèmes relèvent de (presque) tous les niveaux à la fois ». Le vrai enjeu est plutôt de structurer et organiser les coopérations indispensables entre niveaux, en désignant des chefs de file, et en s'affranchissant une fois pour toutes du tabou que constitue l'impossible « tutelle » d'une collectivité sur une autre.
Roger Morin
rmmorin@free.fr
La grande transition - La France dans le monde qui vient
Pierre Veltz (éditions du Seuil). Retrouvez des extraits de cet ouvrage sur le complément rédactionnel n° 833.